S’il fallait une preuve de plus que les héros de BD sont immortels, la voici administrée, une fois encore, grâce à Dieu pourrait-on dire. Car, neuf ans après sa dernière apparition, David Elliot Hanneth Solomon alias Soda, le flic new-yorkais déguisé en pasteur pour ne pas affecter sa maman cardiaque créé par Philippe Tome et dessiné par Luc Warnant le temps de deux aventures, puis par Bruno Gazzotti pour dix autres volumes, revient dans Spirou cette semaine avec un nouveau dessinateur : Dan Verlinden, alias Dan.
Pourquoi un tel délai entre le 12e et le 13e album : une raison scénaristique et une raison artistique. La raison scénaristique tient au 11 septembre. L’attentat contre les tours jumelles de Manhattan était un scénario tellement inimaginable que le scénariste de Soda, dont les aventures se passent dans la Grosse Pomme, en est soufflé. "À cette époque, raconte Tome dans Spirou, j’entamais le projet d’écriture de Code Apocalypse, m’interrogeant sur ce qu’il serait désormais possible de créer dans une fiction crédible alors que la réalité dont le monde venait d’être témoin dépassait en ampleur tout ce qui semblait imaginable. J’ai terminé le récit sans mentionner les attentats ni faire apparaître les Tours jumelles, pourtant présentes dans les précédents épisodes."
L’autre raison est artistique : Bruno Gazzotti s’était trouvé un nouveau scénariste, Fabien Vehlmann, et une nouvelle série à succès : Seuls. Il laissa Philippe Tome à sa circonspection. Mais on ne supprime pas si facilement un héros de BD. Pour trouver un dessinateur capable de s’inscrire dans l’univers graphique neo-franquinien de la série, Tome ne cherche pas loin : "Après ses prédécesseurs, je ne me voyais confier cette série qu’à un virtuose avec lequel je me sentirais complice. Ce qui désignait d’office Dan, collaborateur de Janry sur Spirou et Le Petit Spirou..." Une lignée qui va de Franquin à Janry en passant par Greg, Dupa,Turk & De Groot. Du solide.
L’approche de la série a mûri également. Nourrie par l’actualité, elle a un peu perdu de son innocence, s’engage d’emblée dans une thématique plus noire, polar oblige. Mais, il suffit de considérer sa carrière : le talent de Philippe Tome a surtout prospéré dans l’humour. Il n’est donc pas absent de ce thriller désespéré. Serti dans des dialogues qui percutent comme des armes de poing, cet humour-là apporte un ton unique à une résurrection qui nous fait bien plaisir.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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