Si vous n’avez jamais ouvert le premier Paroles de Poilus, sachez que Radio Inter et Soleil s’étaient associés pour publier un collectif de courts récits adaptés des lettres écrites par les Poilus durant la guerre de 14/18, celles-là même qui furent mises en avant par Jean-Pierre Guéno (directeur des éditions Radio France), avec Yves Laplume en 1998, dans un volume de la collection Librio. "Un ouvrage qui fit date, à la fois référence et outil pédagogique", écrivions-nous il y a six ans.
Fort de ce succès, Soleil avait d’ailleurs prolongé la formule avec Paroles de Verdun, toujours adapté d’un livre de Guéno, et entre autres le fameux Paroles d’étoiles qui nous avait tant touché.
Le tome deux, dans la continuité des premières Paroles
Dans ces précédents ouvrages, nous retrouvons un panel éclectique d’auteurs : Barron Storey, Bertail, Bézian, Boucq, O. Bramanti, Chabouté, David B., Godart, Lauffray, Levallois, Martin, Moynot, Nemiri, Hans et Parel, Ange, Paty, George Pratt, Rabaté, Rossi, Varanda, De Metter, Kristiansen, N’guessan, Bajram, Parnotte, Mallié, Bourgier, Guarnido, Giménez, Farid Boudjellal, Les Jouvray, Hérenguel, Biancarelli, Bramanti,Cromwell, Alary, Severin, Penet, Adrien Floch, Emmanuel Lepage, Guillaume Sore, Thierry Martin, Teddy Kristiansen et les autres.
Cette nouveauté reprend le même principe : se baser sur les écrits des Poilus eux-mêmes, mais aussi sur d’autres témoignages (famille, infirmière, etc.). Après l’intense préface de Guéno, on plonge dans tous ces quotidiens, ces rêves souvent brisés, ces objectifs auxquels se raccrochent les combattants pour ne pas sombrer dans la folie ou le désespoir. Tous ces sentiments forts sont mis en scène cette fois-ci par Stéphane Collignon, [Béatrice Tillier qui avait déjà participé au collectif sur la Résistance, [Philippe Jabirnet qui avait déjà touché avec Airborne 44, Olivier Brazao, Marie Terray, Valérie Vernay assisté par Denis Lapière, Fabrice Hadjadj aidé par Jean-François Cellier, Stéphane Servain, Florent Silloray, Marc-Renier soutenu par Éric Warnauts, Vincent Bailly, Thibaud de Rochebrune, Cyril Pedrosa et un très bel épilogue signé Thierry Robin.
Dès les premières pages, on est réellement transporté dans cette première guerre ’moderne’ qui fit tant de ravages dans les premiers mois, face à une armée allemande bien mieux armée et préparée. L’introduction de Guéno explique : "Les 45 premiers jours de la guerre font plus de 600.000 morts, blessés et disparus. La guerre va tuer plus en six mois qu’elle n’en tuera dans les quatre ans qui suivront... On comprend pourquoi l’armée française ne publie pas ses pertes..."
Effectivement, une autre dimension apportée dans ce second tome est la propagande française qui relativise les horreurs de la guerre. Les citations des journaux sont effrayantes : "Les shrapnells éclatent mollement en pluie inoffensive. Quant aux balles allemandes, elles ne sont pas dangereuses : elles traversent les chairs de part en part sans faire aucune déchirure. [...] [Les éclats des projectiles] vous font simplement des bleus."
Enfants et parents, même combat
Cet album reprend donc des témoignages édifiants des soldats à qui on demandait de formater un discours afin de ne pas créer la panique, mais aussi des lettres à des fils de soldats.
En effet, s’il y a quatre millions de Poilus dans les tranchées, il y a également quatre millions et demi d’enfants sur les bancs des écoles primaires de la République. C’est donc sur cette base qu’est centré ce deuxième tome, d’ailleurs intitulé Mon Papa en guerre. Une bonne part des récits mettent donc ces deux réalités en confrontation : l’horreur de la guerre d’une part, et un quotidien privé d’une partie de sa population de l’autre, comme si on tentait de vivre en occultant les tragédies qui se déroulaient à quelques centaines de kilomètres de là. Une fois de plus, c’est la sensibilité des auteurs qui permet de transposer cette relation épistolaire, afin de toucher le lecteur.
Ces témoignages nous rappellent, aujourd’hui encore plus qu’un autre jour, que même près d’un siècle après, il ne faut pas oublier que la guerre fit des ravages atroces, et que la seule façon de ne pas répéter les erreurs du passé est d’entretenir l’effort de mémoire.
Dans deux semaines paraîtra également Paroles de la Guerre d’Algérie, afin de prolonger cette thématique.
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion