On connaissait déjà les « mémoriaux », témoignages portés au public « pour l’histoire », parmi lesquels on peut classer Maus (Flammarion) de Spiegelman, Deogratias (Dupuis) de Jean-Philippe Stassen ou Gen d’Hiroshima (Vertige Graphic) de Nakazawa. Il y a ces « BD de combat » illustrant un discours ou une attitude engagés comme Palestine, une nation occupée (Vertige Graphic) de Joe Sacco ou Garduno en temps de paix (Requins Marteaux) par Philippe Squarzoni. Il y a enfin les fictions sociales comme Carnets d’Orient (Casterman) de Ferrandez, Les Passagers du Vent (Casterman) de François Bourgeon ou même, dans le registre de l’uchronie, des œuvres comme le V pour Vendetta (Delcourt) de Moore et Lloyd ou Social Fiction (Vertige-Graphic) de Montellier qui sont autant d’avertissements sur les dérives de notre civilisation.
Et puis il a le livre-cri dont la voix claire s’étrangle sous l’émotion. Celui de Charles Masson fait partie de ceux-là. Récent lauréat du prix France-Info, il raconte l’errance mortelle d’un SDF fuyant la maison de repos où une infirmière osa lui servir une soupe froide ressentie par cet exclu comme une ultime insulte. Le trait est rapide, brossé à la diable, le récit mal dégrossi. Mais l’émotion est entière et oblige à regarder cette plaie sociale béante que le confort de notre esprit nous empêche de voir, alors qu’elle est là, chaque jour, devant nos yeux.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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