La recette avait été initiée par Jacques Martin, et avant lui les grands auteurs de romans historiques du 19e : Scott, Dumas, Sienckiewicz, Bullwer-Lytton sans oublier le Flaubert de Salammbô ! Tout le charme de ces récits épiques réside dans la reconstitution de ces civilisations d‘autant plus fascinantes qu’elles ont disparu malgré leur raffinement et la munificence de leurs apports à notre culture.
On sent la compétence dans le scénario de Patrick Weber, sa profonde connaissance de l’histoire antique et sa capacité d’en sortir des personnages qui ont marqué leur temps. Le scénariste, journaliste, homme de télé et de radio, auteur d’essais et de romans à succès, surnommé « le Stéphane Bern belge » en raison de son attachement à la royauté et de sa présence au moindre mariage princier, commence à avoir de la bouteille y compris dans la bande dessinée où il aligne projet sur projet. Normal pour ce Belge qui débuta il y a vingt ans dans les pages de Spirou et qui accompagna les dernières créations de Jacques Martin, notamment sur Alix.
C’est d’ailleurs là qu’il rencontre Christophe Simon qui œuvra dix ans avec le maître de Bruxelles sur ses séries Orion, Lefranc et Alix. Faisant cavalier seul, Simon, dont le dessin est pétri d’académisme, se détache peu à peu de la gangue maniériste du style Martin. Excellent dessinateur, Simon n’a pas son pareil dans l’évocation des scènes de gymnase qui ne manquent pas dans cette histoire, dont le secret réside précisément dans le corps.
Solidité des références historiques comme du dessin, donc. Mais pourquoi donc alors l’histoire n’accroche-t-elle pas ? Difficile à dire. L’intrigue est correctement ficelée mais à la différence du modèle martinien, la lenteur n’y a pas sa place. Les dialogues du fondateur de l’école belge étaient, comme ceux de Jacobs, ampoulés et abondants, mais ils avaient le mérite de faire s’attarder le lecteur sur l’image dans laquelle le dessinateur pouvait faire abonder le détail. Comme dans une visite guidée, le spectateur peut s’interrompre pour regarder un objet de près en faisant un instant abstraction du commentaire.
Idem pour le dessin de Christophe Simon. Si l’on peut apprécier la qualité de ses anatomies, on aimerait que ce même effet de réalité et son aptitude à la sensualité se porte également sur les décors, les costumes, les matières…, non pas dans leur justesse, mais dans leur ressenti.
Sparte est une lecture décevante, en dépit de ses promesses et de l’indéniable talent de ses auteurs. Peut-être ont-ils simplement manqué d’ambition.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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