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Spirou & Fantasio Intégrale T 12 : 1980-1983 - Par Nic & Cauvin - Ed. Dupuis

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 30 mars 2012                      Lien  
Voici une intégrale qui mérite le détour : celle des aventures de Spirou dessinées par Nic Broca et Raoul Cauvin. Le temps de réhabiliter une séquence de l'histoire de Spirou injustement déconsidérée?

Le début des années 1980 est délicat pour les éditions Dupuis. C’est la fin du règne de Thierry Martens qui quitte la rédaction en chef de Spirou sous la pression de tous les ténors du journal et le début de celui d’Alain De Kuyssche qui amène une nouvelle génération d’auteurs au journal.

Les tendances nouvelles de la bande dessinée favorisent l’émergence d’une production "adulte" vers laquelle les grandes signatures du journal louchent de plus en plus, frustrées qu’elles sont par des années de censure et d’autocensure. Il y a aussi la volonté d’être reconnus comme des auteurs à part entière, le clivage entre "bande dessinée commerciale" et "bande dessinée d’auteur" commençant à s’insinuer dans les esprits.

C’est aussi un moment de mutation industrielle et commerciale. Un certain modèle économique de BD qui s’appuyait sur la presse jeunesse prend du plomb dans l’aile. L’avènement de l’album fait basculer le centre de gravité du métier du kiosque vers la librairie.

Le développement multi-médias, si courant aujourd’hui, commence à faire ses gammes : Astérix, Les Schtroumpfs, Tintin, Lucky Luke... passent sur les petits comme les grands écrans. Les fondateurs de la BD belge : les familles Dupuis et Casterman, Raymond Leblanc, le fondateur du Lombard, et, en France, Georges Dargaud ont leur carrière derrière eux. Les enjeux financiers de ces nouveaux développements les dépassent largement.

De nouvelles stratégies s’installent. On a beaucoup déblatéré en son temps l’arrivée de Nic Broca et de Raoul Cauvin sur Spirou, après un Fournier débarqué sans ménagement et qui pourtant n’avait pas démérité. Or, à l’examen de cette intégrale, on voit bien la stratégie qui se met en place : assurer la présence de Spirou chaque semaine dans le journal et surtout lui attacher une équipe capable de produire en coulée continue des dessins et des histoires qui alimenteront la véritable ambition qui est derrière cette mutation : sa portée à l’écran.

Le choix par Dupuis comme "directeur du concept" de José Dutillieu qui avait été la cheville ouvrière du développement de Belvision, la filiale du Lombard qui avait produit les dessins animés d’Astérix, de Tintin, des Schtroumpfs et de Lucky Luke, excusez du peu, passé ensuite à la SEPP, la filiale audiovisuelle et merchandising de Dupuis, correspond à cette stratégie nouvelle pas si mal vue.

Que Dutillieu ait cherché à imposer sur Spirou son animateur vedette qui avait travaillé sur les longs métrages précités, Nic Broca, ne semble pas un choix déraisonnable, surtout quand on en regarde aujourd’hui le résultat. On est loin du génie de Franquin et même du charme de Fournier, mais ce n’est pas affreux. Il est vrai que ses successeurs Tome & Janry avaient une meilleure tenue graphique, plus conforme au "canon".

Quant aux scénarios de Cauvin, ils ne sont pas honteux non plus. Le créateur des Tuniques bleues avait déjà du savoir-faire. Les thèmes sont variés et bon enfant. Ils répondent à une volonté de rajeunir la cible avec un bon nombre de gags visuels qu’il sera un jour facile de transposer à l’écran, d’où une inévitable sensation de simplicité qui tranche avec les traitements précédents.

Il faut donc avoir ces éléments en tête en lisant ces pages et le dossier introductif très bien fait de Christelle & Bertrand Pissavy-Yvernault qui l’accompagne. Il est truffé de témoignages inédits sur ce passage de relais globalement incompris à l’époque et qui fait désormais partie intégrante de l’histoire du héros au calot de groom.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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9 Messages :
  • perso je n’ai pas envie de réhabiliter Nic Broca. J’ai fait il y a 2-3 ans le test avec mes enfants (alors agés de 6 et 9 ans) : comparer les 4 dessinateurs (Franquin, Fournier, Broca et Tome & Janry) sur le dessin et l’histoire. Si Franquin emporte la palme, suivi de Tome & janry (album test : Spirou à New York), la sentence venant de la bouche d’enfants sur le regard abruti et les yeux globuleux - qui sont la marque de fabrique de Broca - est sans appel : c’est mauvais. A mon regret, les enfants par contre se sont davantage amusés avec "La Ceinture du Grand Froid" qu’avec "L’Ankou" qui est une très bonne histoire,à mes yeux. Je peux donc imaginer que lorsqu’on n’est pas trop regardant sur le dessin, les albums signés Cauvin passent mieux chez les enfants que ceux de Fournier, plus engagés, plus destinés à un public jeune ado.

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  • Le problème étant que quelque soit tout le bien que l’on puisse penser de cette "stratégie", elle à tout de même échoué sur tous les plans...

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  • "Le développement multimédia, si courant aujourd’hui, commence à faire ses gammes : Astérix, Les Schtroumpfs, Tintin, Lucky Luke... passent sur les petits comme les grands écrans."

    Le multimédia consiste à cumuler différentes techniques dans UN médium donné. Un seul. Lorsqu’on passe de la BD au cinéma, on parle plutôt de transmédia.

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    • Répondu par Valentin le 30 mars 2012 à  19:14 :

      Non Gill, le multimedia c’est la volonté d’être sur des média différents (livres, TV, ciné, jeux, ordi...), le transmedia c’est juste de glisser d’un medium à un autre.

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      • Répondu par Gill le 31 mars 2012 à  09:08 :

        J’ai peut-être dit une bêtise (transmédia), mais je ne suis pas le seul. Il faut dire qu’il n’y a pas de réel consensus sur ces définitions (l’exemple-type pour lequel Wikipédia n’aide pas). D’après mes recherches :

        - multimédia = regroupement de plusieurs médias (textes, images, vidéos, interactivité...) en un seul (CD-ROM, WEB,...)(c’est historique, j’y tiens)
        - multi-médias = prise en compte de plusieurs médias séparés différents (campagne multi-médias : dans la presse, sur le web, affiches, mailings...)
        - crossmédia = adaptation du contenu d’un médium vers d’autres (un écrit de base prévu pour être adaptable, à l’identique ou presque, sur plusieurs médias : print, pdf, web, mailing, epub...)
        - transmédia : écriture globale dont les différents chapitres sont répartis sur plusieurs médias (genèse en film, suite en dessin animé, préquelle en animation 3D, spin off en série TV,...)

        Donc, dans le contexte ci-dessus... il est bien possible qu’il s’agisse effectivement de "multi-médias" (avec un tiret et un "S") plutôt que de crossmédia (car déclinaison plutôt qu’adaptation à l’identique. Quoique parfois...). Mais en tout cas pas "multimédia" (en un seul mot), dont la définition est la plus claire et la plus ancienne de toutes.

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  • Amusant de constater que dans cet article sur lequel je suis retombé par hasard, vous êtes beaucoup moins indulgent avec cette version : http://www.actuabd.com/Le-Spirou-Catastrophe
    parce que terminer cette charge par Face à ces pages, on peut considérer qu’on a finalement été très injustes avec Broca et Cauvin dans les années 1980. Je m’en vais les relire, tiens…, il faut en déduire que vous les teniez en piètre estime

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 10 avril 2012 à  16:51 :

      Non, non, lisez-moi bien, tout cela est très cohérent : on a été très injustes avec Broca et Cauvin.

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      • Répondu le 21 juin 2012 à  20:53 :

        C’est vrai rendons leur les honneurs qu’ils méritent, on parle quand même des créateurs des Snorkys...

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  • Non, décidément, à l’époque j’avais trouvé ça mauvais, dessin et scenario, et aujourd’hui même si le temps qui passe a en général tendance à magnifier les choses parce-que c’était le bon temps...c’est toujours mauvais.
    ça n’arrive pas à la cheville des franquin, fournier (surtout les derniers) et tom et janry

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