En cette occasion rare, suscitée pour des raisons de promotion, Stanley Martin Lieber, alias Stan Lee, le papa de Spidey très en verve et plein d’humour, a répondu aux questions des journalistes. Derrière le scintillement de ses lunettes en or, fleurant bon les royalties bien gagnées, il a ainsi évoqué sa glorieuse carrière au service de la quintessence de la BD de genre américaine, le comic-book, et parlé des autoproclamés trois Nouveaux Super-Héros.
Le cousin de la patronne devenu le « roi » des créateurs de super-héros…
Comme le rappelle Jean-Paul Gabilliet dans Des Comics et des hommes (Éditions du Temps, 2005), le jeune Stan Lee incorpore en 1945 les rangs du futur éditeur Marvel, publiant des comic-books depuis quelques années. Il n’est autre que le cousin de l’épouse de Martin Goodman, son fondateur. Celui-ci est à la recherche d’un jeune homme capable pour l’épauler dans sa direction éditoriale plutôt déficiente. Ce « piston » se révéla bénéfique à long terme pour l’une des deux majors (avec DC Comics) qui ont longtemps dominé le marché des super-héros aux États-Unis.
En 1957, Stan Lee, cherchant à revivifier le catalogue de son employeur, rencontre Jack Kirby. Ensemble, ils vont donner un second souffle à la veine du héros costumé, avec Les Quatre Fantastiques ou les X-Men. Après le Golden Age de la fin des années 1930, elle va ensuite connaître son Silver Age au début des années 1950, notamment sous son impulsion, jusqu’aux années 1970. Face à l’archétype « monobloc » quasiment dépourvu de faille à la Superman, il popularisa une nouvelle espèce de personnage masqué, comme Spider-Man, conçu avec Steve Ditko.
Son profil comporte des faiblesses, en particulier psychologiques, et sa double identité lui pose de graves problèmes qui le rendent plus proche de ses lecteurs. Les protagonistes de Stan Lee provoquent ainsi « une empathie qui les rend plus humains ». Depuis, il a fait prospérer la recette. Même s’il ne se prétend « pas assez intelligent pour avoir différents styles »…
Hollywood lui a fait un boulevard
Chez son complice Jack Kirby, il met en avant le fait d’avoir trouvé en lui un collaborateur « très doué sur le plan narratif, qui savait raconter des histoires, […] un fantastique réalisateur hollywoodien ». Comme pour mieux désamorcer les insinuations de certains, car d’aucuns soulignent le caractère parfois sommaire de ses indications scénaristiques de responsable éditorial très occupé, qui aurait laissé une grande latitude créatrice à ses partenaires dessinateurs.
Toutefois, même les plus anciens admirateurs du génie graphique de l’auteur du Quatrième Monde savent bien que sa rigueur narrative laissait parfois à désirer. Sa capacité d’invention pâtissait d’une maîtrise moins évidente des mécanismes rodés dans l’art de raconter sur lesquels il pouvait s’appuyer lors de ses années de travail avec Stan Lee.
En outre, ce dernier n’a pas manqué de mentionner ses apparitions cabotines, proprement hitchkockiennes, dans les films plus récents inspirés de ses personnages aux super-pouvoirs. Mais nous retiendrons surtout que le vieux faiseur d’histoires se félicite que ses « contes de fées » modernes aient été rattrapés par la technologie. Celle-ci les ayant fait « grandir », grâce aux effets spéciaux de cinéma, et conféré de la crédibilité à leur adaptation à l’écran. Ce « retraité » de Los Angeles qui ne peut vraiment "décrocher", a même été récompensé d’une étoile sur Hollywood Boulevard !
L’alliance d’une jeunesse ambitieuse et d’une expérience éprouvée
Stan Lee est flatté que l’on fasse appel à lui aujourd’hui pour relancer la machine qui a fait son succès, en parrainant trois nouveaux super-héros, dont il a supervisé la conception éditoriale. Même si les initiateurs en sont les Studios Boom ! et le plus jeune mais également expérimenté Mark Waid.
Lors de cette intervention du scénariste de légende au MK2 Bibliothèque, par écran interposé, on pouvait en revanche rencontrer physiquement Javier Pina. L’Espagnol y a dédicacé Soldier Zero les deux jours suivants. Le dessinateur aurait été choisi par le maître lui-même, suite à ses collaborations avec DC Comics, pour illustrer des aventures développées avec le scénariste Paul Cornell (qui travailla sur la série télévisée Docteur Who). Emmanuel Proust Éditions est l’heureux éditeur de ces trois nouveautés en français.
L’espace MK2-Arludik était décoré de tirages numériques signés Stan Lee et de planches originales vendues au public. On pouvait y détecter les influences graphiques diverses dans lesquelles ces trois titres puisent pour tenter de faire oublier le caractère un peu trop systématique du recours aux vieilles « ficelles » de leur promoteur de renom.
Le manga notamment est mis à contribution. Si Javier Pina assume parfaitement l’intérêt de ce prestigieux travail de commande, il avoue néanmoins ne pas renier pour autant ses influences initiales qui prennent source chez Jean Giraud/Moebius et dans al bande dessinée franco-belge. Il souhaite y revenir dès que possible bien qu’il soit difficile pour un auteur espagnol de trouver des débouchés dans son propre pays.
Ce fut également le cas pour Riccardo Burchielli qui prit son envol grâce à DMZ (avec Brian Wood, DC Comics, Vertigo, 2006), une création plus bien plus marquante.
(par Florian Rubis)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
En médaillon : couverture de Soldier Zero T1 © 2011 Stan Lee, Paul Cornell, Javier Pina, Sergio Ariño & Emmanuel Proust Éditions
Soldier Zero T1 – Par Stan Lee, Paul Cornell, Javier Pina & Sergio Ariño – Emmanuel Proust Éditions – 104 pages, 14,95 euros
Participez à la discussion