Lors de ma première rencontre avec Jean-Louis Lejeune, on ne s’est pas dit un seul mot. C’était dans les pages de l’hebdomadaire politique et satirique belge Pourquoi Pas ?. Je n’étais encore qu’un jeune adolescent qui fantasmait plutôt sur Natacha, hôtesse de l’air, que sur l’actu satirique. J’étais pourtant intrigué et amusé par sa BD « Idi Amin Dada 1er, empereur de Belgique ». Je ne comprenais pas tout, mais il se dégageait de ces images une force et une truculence qui me parlaient. J’avais raison : il a été censuré quelques semaines seulement après le début de la publication.
Bien plus tard, lorsqu’en 1993 j’ai repris la direction du journal Spirou (dont Natacha avait malheureusement disparu entretemps), j’ai sollicité Jean-Louis pour le relookage complet du journal, logo compris. Car il avait, pour moi, une qualité indispensable qui manque malheureusement chez bon nombre de graphistes : Jean-Louis Lejeune est drôle. Et il me semblait crucial de confier Spirou à quelqu’un qui, lui-même, manie l’humour dans son travail. Nous nous sommes aimés, et son logo a tenu 12 ans, record pour ce genre de création par essence très vite démodée.
J’ai toujours divisé le monde en deux : d’un côté les illustrateurs (des rigolos). Et de l’autre les Graphistes (des qui se la pètent grave avec leur majuscule, s’habillent en noir, ont le dernier Mac avant tout le monde et font systématiquement le contraire de ce que vous leur commandez). Jean-Louis a sans doute un vieux Mac, mais a embelli de sa grâce ces deux mondes. Il rit et sourit. Tout le temps. De lui, des gens, du temps qu’il fait dans nos vies. Un rire tendre et bienveillant, jamais méchant.
Son regard est pointu, il voit là où les autres ne voient pas. Il y a en lui un éternel enthousiasme, une passion pour la transmission des images. Lors d’une soirée où chacun avait cinq minutes pour présenter un artiste, Jean-Louis a tenu une bonne heure en nous montrant des images du grand designer japonais Shigeo Fukuda. Les minutes de Jean-Louis sont comme ses dessins : élastiques et imprévisibles.
Une prière pour terminer. Ô toi, Grand Mamouchi Suprême, toi qui présides à nos destinées de mortels, confie STP le relookage de notre monde actuel à Jean-Louis Lejeune. Tu verras, ce sera plus joli et plus marrant ainsi.
Thierry Tinlot, ex-rédac chef de Spirou (mais aussi de Fluide Glacial, mais c’est une autre histoire. NDLR).
(par Thierry TINLOT)
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Jean-Louis Lejeune expose « Mes Dessins Généralistes » à la Seedfactory durant les heures de bureau. 19 avenue des Volontaires à 1160 Bruxelles.
Un catalogue de 144 pages est disponible (15 euros + port).
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