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Tabou, l’éditeur qui repousse les limites de l’érotisme

Par Charles-Louis Detournay le 6 mars 2011                      Lien  
Avec près d'une demi-douzaine de nouveautés en quelques semaines, l'éditeur érotique met la pression en explorant divers genres de la bande dessinée (SF, adaptation de roman, historique, humour social, mélodrame, polar) sans oublier son atout principal : le bouleversement des sens.

Tabou, l'éditeur qui repousse les limites de l'érotisme
Aux côtés de gros éditeurs qui se sont réapproprié le genre comme Glénat et Delcourt (nous reparlerons prochainement d’Erotix), d’autres maisons d’éditions se sont entièrement consacrées à l’érotisme, par exemple la Musardine ou les Éditions Ange.

Mais aujourd’hui, nous voudrions mettre en avant les récentes parutions de Tabou, une maison qui traite le genre de façon transversale avec les autres grands domaines de la bande dessinée. Si on avait déjà pu remarquer quelques titres accrocheurs comme les albums explicites de Xavier Duvet ou l’intéressant Indiscrétions d’Axterdam, cette maison semble passer à une vitesse supérieure en multipliant les sorties dans des genres aussi divers que la SF, l’adaptation historique, le polar fantastique, les saynètes sociales, voire le mélodrame.

L’amour…bestial ?

Parler d’amour dans un livre érotique, semble tomber sous le sens… Et pourtant, l’on y évoque plus souvent le coït sous toute ses formes, voire l’abandon aux fantasmes, que l’amour au sens large. Trois cerises d’Andréa Camic s’avance avec aplomb au sein de l’intimité d’un couple, pourtant illégitime.

N’allez directement pas penser à l’aventure sans lendemain, car ces deux personnes vivent un amour fort et entier, aussi charnel que passionné. Pour éviter la monotonie d’ « une histoire ordinaire » comme la chantait Cabrel, l’auteur truffe le début de son récit de quelques flashbacks, mais la particularité de l’album vient de la représentation de ses personnages : loin des canons esthétiques traditionnels, ils ressemblent plutôt à des hommes-singes !

L’amour, dans toute sa dimension !

Après un instant de surprise, on comprend que l’auteur nous décrit l’homme dans son aspect bestial mais aussi sentimental qui semble ne pas avoir changé depuis Neandertal. L’envie de trouver sa moitié, de pouvoir aller au bout de son amour, sans tabou. Pourtant, la famille du mari volage devra trouver sa place dans ces instants éphémères où l’on voudrait tout remettre en cause, tant la passion est forte.

Baldazzini ne s’y est pas trompé en préfaçant cet ouvrage. Bien sûr, on y parle de récit érotique, mais dans lequel Eros prend toute sa dimension de dieu de l’amour, si tant est qu’il puisse y avoir un dieu qui fasse vibrer ces bêtes.

L’enquêtrice ravageuse

Plus commun, le personnage de l’enquêtrice qui donne de sa personne pour découvrir le pot aux roses est un standard de la littérature érotique. Ici, Mara n’est d’ailleurs pas plus policière que policée, mais elle évoque le sexe et la violence au travers de ses récits, car elle est écrivaine de métier. C’est lors d’un week-end à la campagne dans la demeure d’une famille de la haute que les drames se produisent. Mara utilise donc ses atouts pour dénouer l’énigme, non sans profiter d’un étrange don, celui de percevoir le fantôme d’un jeune garçon.

Avec sa trame classique secouée de quelques rebondissements bienvenus, Mara ne révolutionnera pas la bande dessinée du genre. Toutefois, il faut reconnaître que son auteur, Cosimo Ferri, n’a pas son pareil pour évoquer des ambiances baroques ou chargées, et que sa couleur directe est un des ses meilleurs atouts. Voilà donc une enquêtrice qui ne s’embarrasse pas ni de scrupules, ni de pudeur pour parvenir à ses fins. Distrayant.

La SF délurée

Tabou avait déjà mélangé un brin d’anticipation avec un schéma social intéressant dans Les 4 amies, mais voici que cette recette prend un tournant plus orienté vers la science-fiction. On se surprend à faire un lien facile avec SkyDoll en voyant ce gros extra-terrestre enguirlander son employée. Sauf que celle-ci est on-ne-peut-plus humaine et que sa fonction ne consiste pas à laver les vaisseaux, mais bien à réparer les ordinateurs et robots défectueux.

On comprend bien vite que ces Urgences cybernétiques manquent quelque peu d’une véritable innovation scénaristique, mais les saynètes présentées permettent de saisir le quotidien d’une cybertechnicienne au costume aussi réduit que rapidement inutile.

Une grandiose adaptation historique

Quelques-unes des plus grandes pages de la bande dessinée érotique ont été dessinées pour des adaptations de romans ou des légendes déjà connues. Les plus grands s’y sont frottés : Crepax, Magnus, Cavell et bien d’autres, et ces transpositions historiques donnent une ambiance souvent propice aux ébats que d’autres ont réinvestis avec une réussite égale.

Bien entendu, la bande dessinée n’a encore que partiellement exploré ces grands écrivains, et c’est donc avec intérêt qu’on ouvre Les Aphrodites. Contemporain de Sade, et sans atteindre sa complète libération des sens, André-Robert Andréa de Nerciat est un des grands romanciers français intéressé aux récits érotiques et en particulier libertins. Son œuvre n’était pas encore transposée en bande dessinée. Tabou en franchit le pas avec une grande superbe.

Loin des deux albums précédents qui rivalisent de scènes explicites, Les Aphrodites abordent les choses de la chair avec beaucoup plus de nuance. Le thème n’est pas lié au bondage comme on pourrait le croire en voyant la couverture, mais plutôt à un ordre créé sous Philippe d’Orléans qui prônait le plaisir du libertinage. En 1792, nous retrouvons un de ces palais du plaisir, alors qu’un jeune chevalier revient de quatre années d’éloignement auprès de celle qui fut sa préceptrice en matière de félicité.

Entre comte et duchesse, c’est une véritable pièce de théâtre coquine qui se joue devant nos yeux. Les planches sont esquissées en délicatesse. Même les bulles ne ressortent que (trop) légèrement, comme si éviter de troubler l’atmosphère des lieux par leur bavardage ! C’est pourtant bien leur contenu qui ravira le lecteur exigeant : les propos du romancier tombent parfaitement avec les traits fins des personnages d’Emmanuel Murzeau. Si certaines tournures de phrase ne sont pas toujours évidentes à saisir dans les premières pages, on se prend rapidement au jeu et l’on s’amuse de la partie qui s’organise entre les personnages.

En ces heures sombres de 1792 où les têtes tombent aussi implacablement que la frontière entre classes, ce quintet de diverses extractions est jubilatoire d’expression, d’une joie de vivre débonnaire et d’une douce lubricité. Cet album est sans doute un des plus réussis du catalogue, en dépit du fait qu’il soit moins explicite que les exemples précités.

Les fantasmes de Manunta

Pour finir ce tour des nouveautés chez Tabou, voici le troisième tome de Giuseppe Manunta, un auteur qui expose divers fantasmes avec une candeur toute simple, et dont nous vous avions déjà parlé plus en détails précédemment.

Cette nouvelle soixantaine de pages sont une fois de plus un excellent mélange de fraîcheur et de lubricité. Manunta explore certaines penchants que l’on croît fort répandus : le quotidien de l’actrice X, le rôle catalyseur des salles obscures, les voyages dans l’espace, le triangle amoureux qui se transforme en carré, l’envie de toucher l’envers des choses, etc.

Bref, Quand Cupidon s’emmêle, les hommes et femmes en font souvent autant. Pourtant, avec l’aspect gracile voire naïf que Manunta donne à ses personnages, on s’en voudrait de leur en tenir rigueur, les envies semblant finalement répondre à un penchant finalement très naturel. Un bon cru qui vient clore la trilogie de cet auteur chez Tabou, mais on espère qu’il reviendra prochainement avec des nouveautés.

Des personnages qui semblent empreints d’une naïveté impudique.

À contre-courant de certaines maisons qui semblent réduire légèrement leur voilure en terme de production éditoriale, Tabou surfe donc sur le succès du genre pour pousser les feux. Quelles que soient les envies du lecteur, diversité et qualité sont en rendez-vous et parfois même dans le même album. Reste au lecteur curieux de s’en convaincre.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Lire nos précédents articles à ce sujet :
- Glénat et Delcourt, les duellistes de l’érotisme chic
- le retour du charme
- 2009, année érotique
- l’interview de Vincent Bernière, directeur de la collection Erotix : "Il faut être très vigilant, car la pornographie goûte mal la vulgarité."

Tabou ✏️ Cosimo Ferri ✏️ Xavier Duvet adulte
 
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1 Message :
  • éditions ANGE
    30 avril 2011 09:56, par ANGE

    Bonjour,
    Même si notre jeune collection SEXY BULLES est un succès, nous ne nous consacrons pas, comme vous le dites en introduction (sans jeu de mot), exclusivement à la BD érotique.
    Nous avons des collections jeunesse, humour, ados-adultes, SF ... venons d’éditer "Black et Mortamère", "Entre deux eaux", "Quadrata" ... Merci de nous avoir cité, cependant.
    Voir notre site : http://www.editionsange.com/
    ANGE

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