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Taïwan s’apprête à créer son musée de la bande dessinée

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 septembre 2017                      Lien  
La chose a fait sensation aux 8e Golden Comic Awards & Connection + de Taïpei à Taiwan : Tsai Ing-wen, la présidente de la république de l’île est venue annoncer en personne l’intention de l’état taïwanais de créer un musée national destiné à la conservation et à l’exposition de la bande dessinée.

D’abord un petit rappel géographique et historique : Taïwan est une île au large de la République Populaire de Chine à peine plus grande que la Belgique occupée par 23 millions d’habitants. Elle occupe une situation stratégique car elle se situe à équidistance entre le Japon et les Philippines, face à la Chine continentale. C’est pourquoi successivement les Portugais, les Hollandais, les Espagnols, les Mandchous, les Japonais enfin occupent l’île, ces derniers pendant plus de cinquante ans jusqu’en 1945, année où le Kuomintang en prend le contrôle avec l’accord des Alliés.

Taïwan s'apprête à créer son musée de la bande dessinée
La présidente de la république de Chine de Taïwan, Mme Tsai Ing-wen. Elle annonce la création d’un musée de la BD dans son pays.

Sur le continent, les communistes créent la République populaire de Chine avec Mao Zedong à sa tête. De son côté, Le maréchal Tchang Kaï-chek, après avoir perdu la guerre contre Mao, se replie sur Taïwan et y impose la loi martiale (elle ne sera levée qu’en 1987), emmenant avec lui des millions d’émigrants chinois qui bousculent les équilibres sociaux de l’île, intensifiant les tensions avec les minorités, notamment les aborigènes. Taïpei se rangeant du côté des États-Unis et du Japon revendique la Chine entière, tandis que la Chine de Mao revendique la propriété de l’île... Même si les signes de bonne volonté ont été multipliés de part et d’autre, les deux gouvernements restent sur leur position.

Influence japonaise

Et la bande dessinée dans tout cela ? Elle est profondément influencée par la culture japonaise et notamment par les mangas et, dans les premières années de l’après-guerre jusque dans les années 1980 en tout cas, par un ton anticommuniste assez marqué et par un nationalisme exacerbé. Mais, depuis quelques années, il y a prise de conscience que l’affirmation nationale passe plus sereinement par la culture et par la bande dessinée. Il s’en est suivi une présence régulière dans les festivals francophones, notamment à Angoulême et à Bruxelles. On se souvient en particulier de l’intervention en Charente de S. E. Michel Ching-long Lu, représentant de la République de Taïwan, qui n’hésita pas à faire le spectacle, en français dans le texte, avec des marionnettes traditionnelles pour faire la promotion des manwhas taïwanais.

RowLong Chiu, l’auteur de Seediq Bale, dans son atelier à Taïpei.

La BD tawaïnaise en France

Ces efforts ont été payants puisqu’un certain nombre de traductions ont pu être faites, dont des auteurs comme Hung-Yao Cheng, récemment décédé, RowLong Chiu (Seediq Bale chez Akata), Iron, Chen Huen (L’Epée d’Abi) Li-Chin Lin (Formose et Fuda-Fudak chez Ça & là), mais aussi un éditeur comme Aho Huang Jianhe ont eu l’honneur de nos colonnes.

Un musée de la BD à Taichung ?

Cela encouragea les échanges dans l’autre sens, les Taïwanais s’intéressant de plus en plus près à la bande dessinée franco-belge. Taichung, au sud de Taïpeï, entretient en particulier une filiation avec la bande dessinée européenne. C’est une ville qui accueille déjà un important festival d’animation et où avait lieu la semaine dernière le Comic Art Festival avec comme invité d’honneur Brecht Evens. « A partir du moment où la bande dessinée est considérée comme un 9e art en Europe et en France au Festival d’Angoulême […], nous espérons qu’il puisse créer des échanges entre les talents locaux et internationaux de ce nouvel art  », écrit le maire de Taichung, Chia-Lung Lin, en préface du programme. Des échanges confiés aux soins de la commissaire d’expo et autrice de BD Li-Chin Lin qui, faisant le parallèle entre les chais qui accueillent le musée angoumoisin et ceux qui abritent ce premier festival de Taichung, nous informe que le Conseil Général de Taichung travaille activement à un projet de musée de la BD afin que «  la ville puisse devenir un jour au autre Angoulême qui accueille les talents du monde entier et qui devienne un lieu permanent de création pour la bande dessinée et pour l’animation taïwanaise. »

Li-Chin Lin fière de montrer la version taïwanaise de "Formose", d’abord publié en France.

Golden Comic Awards & Connection +

Le lendemain de notre visite avait lieu la 8e Cérémonie des Golden Comic Awards & Connection +, un événement où se rencontrent des auteurs et des éditeurs dans un très moderne complexe de la capitale taïwanaise. Avouons que nous n’en avions jamais entendu parler avant notre venue. Cela a été l’occasion d’assister à des workshops où l’on pouvait croiser des professionnels de la BD chinoise, japonaise, ou singapourienne, mais aussi française, italienne, finlandaise...

On retiendra un Prix Special remis en hommage à Hsu Mao-Sung, né en 1936, l’une des figures pionnières de la bande dessinée taïwanaise dont les séries « Big Mystery » et « Kid with Great Strength » ont enchanté plusieurs générations de lecteurs de l’île. Quelle n’a pas été notre surprise de découvrir que c’est la présidente de la république elle-même, Madame Tsai Ing-wen, qui est venue remettre la distinction (recueillie par la fille de l’artiste, car sa santé est défaillante) en écrasant une larme sur ses lectures de jeunesse et qui annonça solennellement que l’État allait soutenir le projet de création d’un musée national destiné à la conservation et à l’exposition de la bande dessinée taïwanaise.

La ministre de la culture, Madame Li-Chiun Cheng, ouvrant la cérémonie des 8e Golden Comic Awards.

À l’occasion du « Prix de la bande dessinée de l’année » remis à Ruan Guang-Ming pour L’Épicerie de Yong-Jiu vol. 1 publié chez Yuan-Liou publishing, nous avons eu l’occasion de rencontrer la ministre de la culture, madame Li-Chun Cheng qui, dans un français parfait (elle a fait une partie de ses études à Paris), nous a expliqué tout l’intérêt qu’elle avait de favoriser les échanges entre nos nations de bande dessinée.

Car bon nombre de nos œuvres françaises et européennes sont publiées là-bas : Tintin, Les Schtroumpfs, mais aussi celles de Moebius, de Bilal, André Juillard, Nicolas de Crécy, Bastien Vivès, Étienne Davodeau, Emmanuel Lepage, Manuele Fior, Gipi, Frederik Peeters, ou Clément Oubrerie.

Bon nombre d’auteurs sont publiés en chinois (mandarin traditionnel) à Taïwan. En tête : Bilal...

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

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