Nerei, étudiante en peinture à Tokyo, vit mal ses interrogations artistiques et sa relation avec un de ses profs, séparé de sa femme. Elle est par ailleurs fascinée par le terrain vague situé en bas de son immeuble. S’y installant régulièrement, elle s’évade de plus en plus, et souvent dans des ruminations dépressives, pensant surtout à des épisodes douloureux de sa vie.
C’est ainsi qu’elle retrouve dans ce monde fantasmé une ancienne amie suicidée qui cherche à l’entraîner dans cet univers onirique.
Oda multiplie les thèmes dans cet album très personnel : la tentation suicidaire, la vie amoureuse, la fraternité (Nerei retrouve également son frère, mort lui aussi, dans ses échappées). La quête artistique de l’héroïne est aussi importante que son questionnement ; tout en s’interrogeant sur sa vie, elle cherche à créer son style propre. On peut ainsi découvrir une technique qui consiste à creuser la toile avec un cutter, en raclant la peinture. Pour cela, l’auteur a utilisé les vraies oeuvres de Yûko Kawada.
L’histoire n’est pas toujours facile à suivre, car le lecteur lui-même se perd entre rêve et réalité. L’ensemble dégage un climat très poétique, et les petits personnages qui s’immiscent dans les rêves de Nerei évoquent Alice au pays des merveilles.
Le trait fin, fragile, presque tremblant, de Hideji Oda, tranche avec le style net et dynamique des mangas conventionnels et met en relief la sensibilité des personnages.
Un réel travail d’auteur, à la portée presque philosophique.
(par David TAUGIS)
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