Parmi les invités japonais que nous avons rencontrés ces dernières années, rares sont ceux qui sont prolixes. Souvent, les mangakas ne sont pas habitués des médias. Ces travailleurs de l’ombre sont timides et il n’est pas rare qu’à une question de trois phrases, ils répondent : "oui" ou "non", sans autre commentaire. Un cauchemar pour journaliste... Ils sont d’autant plus timides dans leur expression que, face à eux, derrière le journaliste, un éditeur les observe qui vérifie que les propos tenus sont bien conformes à la ligne éditoriale de la maison. Cela donne donc souvent des conversations un peu convenues, institutionnelles à tout dire.
Avec Tetsuo Hara, né en 1961, ce n’est pas le cas. L’homme est posé, élégant (sa veste en pied-de-poule noire et blanche lui donne un côté crooner, svelte (comme la plupart des Japonais). Il n’a pas sa langue dans la poche et a même tendance à en rajouter, au grand désarroi des attachés de presse du festival qui avaient bien insisté pour que nul ne dépasse le quart d’heure. Son interview exclusive, réalisée par Aurélien Pigeat, paraîtra dans nos pages sous peu.
Il est heureux d’être là. Son expo titre : 30 ans de combat. De fait, Tetsuo Hara est un produit de son époque. Avec Katsuhiro Ôtomô, l’auteur de Akira, il est celui qui fait prendre au manga un tour réaliste, l’éloignant du schématisme aux grands yeux si fortement imprimé par Osamu Tezuka dans l’après-guerre. Sa production subit l’influence conjointe des films de Kung Fu de Hong Kong et de l’ambiance post-apocalyptique de Mad Max. Des fighters. Il fait ses classes auprès de Kazuo Koïke, le scénariste de Lone Wolf & Cub, de Crying Freeman, de Lady Snowblood, lui-même descendant de samouraï, comme on sait.
Son premier grand succès, il le doit à Hokuto no Ken (Ken le survivant, 27 volumes d’abord chez J’ai Lu puis chez Asuka en 26 tomes) qu’il cosigne avec Buronson pour le Weekly Jump de la Shueisha en 1983. L’adrénaline est au rendez-vous, comme l’adaptation en dessins animés, lesquels construisent son succès en France.
La violence de Ken le survivant est d’ailleurs le principal argument à charge de Ségolène Royal dans sa croisade contre Dorothée en 1989. D’autres suivront désormais, en dépit d’un passage à vide de quelques années. On trouve ses œuvres chez Casterman (Keiji, 18 tomes), une œuvre contemporaine à Ken, Asuka (Ken, mais aussi La Légende de Raoh, 5 vol.), Kazé (La Légende de Rei, 6 vol. ; La Légende de Tôki, vol. ; Cyber Blue, 3 vol.), et enfin, son grand retour chez chez Weekly Comic Bunch en 2001 publié en France par Panini (Ken, Fist of the Blue Sky, 22 vol.).
Ces dernières années, comme son maître Kazuo Koïke avant lui, a repris ses droits et fondé sa propre société d’exploitation, en association notamment Tsukasa Hōjō (Cat’s Eye, City Hunter, ou Family Compo) où il produit ses bandes dessinées (avec des assistants depuis qu’une affection à l’œil l’empêche de dessiner efficacement) mais également des films d’animation de ses confrères.
30 ans de combat, effectivement.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Japan Expo
Du 4 au 7 juillet 2013
RER Station - Parc des Expositions Paris-Nord Villepinte.
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)