Tout commence donc avec le personnage de Tom Taylor, que l’on retrouve hantant les conventions de culture populaire, répondant aux demandes des fans de la saga écrite par son père. L’histoire d’un jeune sorcier dont les aventures rappellent fortement celles d’un certain Harry Potter : Tommy Taylor. La coïncidence des noms n’est pas fortuite : le personnage fut créé par Wilson Taylor à partir de son fils, si bien que pour les lecteurs du monde entier le personnage de fiction et la personne réelle se confondent complètement.
Du côté de Tom, la situation n’est pas facile. Son père a disparu il y a maintenant dix ans, ce qu’il a vécu comme un abandon pur et simple. Sans preuve de son décès, la gestion de l’immense fortune familiale et des droits liés à la saga lui échappe, ce qui le conduit à mener lui-même une vie de produit dérivé afin de tirer des revenus marginaux à partir du personnage qu’il a inspiré.
Sa vie bascule lorsque lors d’une conférence une jeune femme suggère que l’identité de Tom pourrait bien ne pas être authentique. Des hordes de fans se déchainent, un phénomène d’hystérie collective gagne la planète entière contraignant Tom à mener lui-même l’enquête. De fil en aiguille, Tom s’aperçoit que de ses origines il ne sait rien. Son univers s’effondre et il en vient peu à peu à douter de la réalité même de sa propre existence. Pourrait-il n’être qu’un personnage issu de l’imagination de son père, miraculeusement fait chair ?
Car dans le même temps, une étrange secte poursuit Tom et tente de le compromettre avant de l’éliminer. S’engage alors un jeu de cache-cache aux quatre coins du monde, mais toujours dans des lieux majeurs de la littérature et de l’imaginaire collectif. Une course-poursuite aux frontières du rêve et de la réalité au cours de laquelle Tom s’apprête à rencontrer quelques-unes des figures les plus connues de notre patrimoine culturel.
Mike Carey et Peter Gross, qui avaient déjà collaboré sur Lucifer, spin-off de Sandman de Neil Gaiman, dans la lignée duquel ils s’inscrivent, proposent là un projet d’une rare ambition, passerelle entre le comics mainstream et le graphic novel référencé et expérimental. Ils déploient en effet une intrigue où s’entremêlent réalité et fiction, littérature et histoire.
Au-delà même de ce thème, finalement classique, c’est tout un jeu avec les grands mythes littéraires, et leur ancrage dans le réel, par le biais de lieux emblématiques, qui se déploie de manière brillante et enlevée. D’autant que l’intrigue policière, entre cavale et occultisme, confère une bonne dynamique au récit. Et que les troubles de l’identité du héros enrichissent immédiatement tout ce qui touche à la caractérisation des personnages.
Au final, on se trouve avec une aventure intelligente, oscillant entre poésie et horreur, à l’onirisme tour à tour enchanteur et angoissant. Une franche et belle réussite dont on a hâte de lire les développements dans les prochains volumes. Car la saga promise s’annonce déjà riche : cinq épais volumes !
(par Aurélien Pigeat)
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