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Thomas Mathieu (Les Crocodiles) : "Les hommes se sentiront directement concernés par le sujet, même s’ils ne font pas partie des harceleurs."

Par Christian MISSIA DIO le 5 mars 2015                      Lien  
À l'occasion de la Journée internationale de la femme qui aura lieu le 8 mars, nous revenons un instant sur l'album "Les Crocodiles", une BD parue l'automne dernier aux éditions du Lombard et qui abordait le sujet du harcèlement des femmes dans la rue et ailleurs. L'auteur, Thomas Mathieu, avait accepté de répondre à quelques-unes de nos questions.
Thomas Mathieu (Les Crocodiles) : "Les hommes se sentiront directement concernés par le sujet, même s'ils ne font pas partie des harceleurs."
Les Crocodiles
Thomas Mathieu (c) Le Lombard

D’où vous vient l’idée de ce livre ?

Thomas Mathieu : Le projet est né à l’époque où j’entendais souvent parler du harcèlement dans la rue. Après avoir vu le film de Sofie Peeters, Femme de la rue, j’en ai discuté avec des amies et un an après, je me suis lancé dans sa réalisation.

Les hommes, de manière générale, ne sortent pas grandi de votre BD...

Oui, en effet parce que les histoires racontées par ces femmes victimes de harcèlement produit une sorte de miroir sur le groupe masculin. En tant qu’homme, on se sent directement concerné par le sujet, même si on ne fait pas partie des harceleurs. On se sent quand même pointés du doigt, ce qui produit un malaise. Un de mes questionnements était d’identifier à quel moment notre attitude pouvait être perçue comme du harcèlement. : où commence le harcèlement ?

Selon vous, relève-t-il d’un problème de société ou est-ce plutôt une question d’éducation ?

Je pense que c’est un problème de société, mais qui peut être aussi corrigé par l’éducation. Je ne pense pas que les gens qui n’ont pas reçu d’éducation sont de gros malpolis. J’entends souvent des hommes dire qu’ils ne respectent que les femmes qui se respectent, ce qui me donne l’impression que quelques-uns ont une certaine idée de la femme et qu"ils adaptent donc leur comportement en fonction de la personne qu’ils ont en face d’eux.

Il existe aussi des femmes qui, malheureusement, exagèrent certaines situations ou vont même jusqu’à mentir. Ce comportement a une conséquence sur le traitement général des plaintes pour harcèlement à la police. Ne pensez-vous pas que ce genre de comportement nuit à la grande majorité des femmes qui sont effectivement victimes ?

Je ne sais pas... En fait, je n’en parle pas, ce n’est pas le sujet du livre, mais je pense que les fausses déclarations sont très vite repérées. C’est vrai que cela n’aide pas forcément. Lors de la réception des plaintes, il faudrait que les policiers soient formés à cela et qu’ils sachent détecter le harcèlement de rue.

Il y a aussi des femmes dans la police. Ne pensez-vous pas que cela amène des résultats ?

Oui, sans doute. C’est de toute façon une évidence que la mixité est profitable dans ce genre d’affaire. Ça aide les victimes à être plus en confiance lorsqu’elles vont porter plainte.

Concernant la conception de votre BD, vous avez opté pour une bichromie composée de nuances de gris et des personnages masculins verts revêtant l’apparence de crocodiles. Est-ce que ce choix graphique vous est venu directement à l’esprit ?

C’est venu assez naturellement. J’avais besoin d’une astuce graphique pour prendre un peu de recul par rapport au sujet. Le fait de ne mettre que les crocodiles en vert a fait qu’ils ressortaient de la page et ça marchait bien.
Le crocodile est aussi une allégorie du dragueur qui attend sa proie pour la “dévorer”.

Le fait d’être un homme aide-t-il à porter ce type de message ? Vous sentez-vous légitime dans le rôle de celui qui dénonce ?

Le fait d’être un homme me donne au contraire moins de légitimité, car ce n’est pas une expérience que je connais. J’ai retranscrit des récits de femmes que je n’ai moi-même pas vécus, donc je dois faire attention. D’ailleurs, j’ai montré mes dessins aux personnes qui ont accepté de témoigner afin qu’elle valident ou corrigent mon interprétation des situations. Du coup, je prends plus de précautions.

S’il y avait une chose à retenir de votre album, qu’est-ce que ce serait ?

Désolé, c’est compliqué de répondre à votre question... je ne peux pas réduire mon travail à un seul message...

Peut-être, lorsqu’une personne vient se plaindre de harcèlement ou de violence, la première chose à faire c’est de l’écouter et surtout, ne pas prendre à la légère ses propos car ce serait un manque de respect.

Voir en ligne : Les Crocodiles sur le site du Lombard

(par Christian MISSIA DIO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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