Après « la plus grande planche de BD du monde » tirée d’Objectif Lune, c’est au tour de Radio France, aidé par le Centre National d’Études Spatiales (CNES) de rendre hommage à l’aventure lunaire de Tintin en rééditant 49 épisodes d’un feuilleton radiophonique passé sur antenne entre 1960 et 1961.
Tintin est joué par Maurice Sarfati, Haddock par Jacques Hilling ; Jacques Dufilho incarne le professeur Tournesol et Jean Carmet est l’un des Dupont. Le son, entièrement restauré, a un côté « vieille France », mais la réalisation et en particulier les bruitages sont remarquables. Les deux albums totalisent 24 et 25 épisodes de près de trois heures chacun, édités sous la forme d’un CD audio mp3 ! De quoi tenir en haleine les têtes blondes avant d’aller dormir pendant plus d’un mois !
La voix d’Hergé
Les esthètes se régaleront en écoutant les bonus sonores choisis par le CNES où Hergé cite comme source d’inspiration le professeur Alexandre Ananoff (1910-1992) [1] qu’il contacte pour se faire conseiller pour la conception de sa fusée lunaire. Savait-il que le même préconisa à Vaillant une histoire de science-fiction conçue par Lécureux & Gillon intitulée Les Pionniers de l’espérance (1945) ? Peut-être ce professeur d’origine russe géorgienne influença-t-il l’ « option soviétique » de la fusée du professeur Tournesol, à savoir un engin qui devait retourner sur terre, au contraire de l’option américaine qui faisait revenir les astronautes dans une capsule en abandonnant la fusée dans l’espace ?
Hergé cite aussi Bernard Heuvelmans, également inspirateur d’Henri Vernes pour Bob Morane
Le premier sur la Lune
Comme le dit justement Michel Polacco, secrétaire général de l’information de Radio France et passionné par la conquête spatiale, les lecteurs de Tintin sont « les premiers à avoir vu la lune » (avant la création de la NASA, qui n’intervient qu’en 1958), tant le travail d’Hergé est d’une incroyable précision. Le choix d’avoir couplé un moteur à carburant liquide pour arracher la fusée à l’atmosphère et un moteur atomique pour la vitesse de croisière étonne les scientifiques, même si Hergé rallie la Lune en quatre heures, alors qu’il a fallu quatre jours à Amstrong pour y poser le pied…
On notera la prescience d’Hergé qui trouve de la glace sur le satellite de la Terre. Alors que beaucoup de scientifiques ont longtemps cru que c’était impossible, il semble que ce soit aujourd’hui avéré.
On notera aussi que, alors que la conquête spatiale semble être l’affaire des deux superpuissances, Tintin les devance dans l’imaginaire, rappelant à quel point l’Europe joua également un rôle dans cette conquête, notamment grâce aux découvertes de Werner Von Braun, le créateur des V1 et des V2 qui inspira le pas de tir de la fusée hergéenne, tandis que les damiers étaient utilisés par Von Braun à Peenemünde pour mieux étudier l’évolution des rotations de la fusée, l’effet "pogo", alors encore inconnu.
On peut entendre également le reportage d’époque du premier pas sur la Lune sur Radio France et d’autres documents sélectionnés par Gérard Azoulay de l’Observatoire de l’espace du CNES.
Un document émouvant qui reste d’actualité puisque une nouvelle expédition sur la Lune est prévue en 2020 et une expédition sur Mars en 2040.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Dessin d’Hergé © Studios Hergé
[1] Écrivain et conférencier qui contribua à faire connaître l’astronautique. En 1950, au moment où Hergé entame les aventures spatiales de Tintin, il organise à Paris le 1er congrès international d’astronautique, une manifestation qui existe toujours. Il publia la même année L’Astronautique, un ouvrage recommandé à Hergé par Albert Weinberg.
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