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Tintin et l’Alph-Art : un album pour faire le deuil.

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 17 décembre 2003                      Lien  
Le 10 janvier prochain, Tintin aura 75 ans. Pour marquer le jubilée, Casterman republie « Tintin et l'Alph'Art » dans une version plus populaire agrémentée de dessins inédits, alors même que le Festival d'Angoulême a décidé de débaptiser les Prix d'Angoulême qui portaient ce nom depuis quinze ans.

En 1988, Pierre Pascal, alors en rupture avec la mairie d’Angoulême, quitta la direction du Festival qu’il avait contribué à créer en convaincant Greg -par mesure de rétorsion- à retirer au FIBD la jouissance du nom d’Alfred. Le petit pingouin compagnon de Zig & Puce de Saint-Ogan, avait servi jusque là d’emblème pour les prix remis aux cérémonies de fin janvier et le créateur d’ Achille Talon en était devenu l’héritier. Pour parer le coup, les organisateurs avaient alors trouvé l’idée d’utiliser celui d’ « Alph’art », tiré de l’album posthume d’Hergé que les éditions Casterman venaient de publier afin que la communauté des amis de Tintin puisse, cinq ans après la mort du maître, faire son travail de deuil.

Les raisons qui décidèrent Jean-Marc Thévenet à débaptiser cette année les Alph’Art pour un transparent « Prix d’Angoulême » sont plus obscures (Thévenet raconte que c’est à la demande de Schuiten qui jugeait le mot imprononçable) mais, ironie du sort, c’est le moment que choisit Casterman pour ressortir l’ouvrage dans une nouvelle édition, à l’occasion du 75ème anniversaire de Tintin, le 10 janvier prochain.

Il s’agit bien entendu une esquisse d’album de Tintin, de la part d’un Hergé à bout de souffle. Il est alors inspiré par la biographie romancée d’un marchand de tableaux, mi-aventurier, mi-escroc, grand pourvoyeur de faux tableaux réalisés par Elmyr de Hory, publié par le sulfureux Roger Peyrefitte (Tableaux de Chasse ou la Vie extraordinaire de Fernand Legros, Albin Michel, 1976) en même temps que le film extraordinaire d’Orson Welles traitant du même sujet (F for Fake, 1976).

Pendant plusieurs années, Hergé va manipuler dans tous les sens ce projet référentiel qui est à la fois un avatar de son intérêt pour l’art contemporain (il fut acheteur, grâce à Pierre Sterckx, de nombreux peintres du Pop Art comme Andy Warhol ou Roy Lichtenstein) et une réflexion sur la destinée de son propre travail. Ces recherches sur la nature du vrai et du faux participaient peut-être à la décision de la continuation ou non des aventures de Tintin par les membres de son studio.

On sait que Bob De Moor, son principal assistant, avait toujours affirmé qu’Hergé lui avait promis la suite de ces aventures. Après le décès d’Hergé, la décision appartenait à sa veuve Fanny Remi qui prit le parti très respectable d’en rester à ces esquisses. Elles ont le mérite de montrer l’œuvre en plein questionnement, de figer ce dernier souffle dans une brillante et éternelle pulsion de vie. Cet album s’inscrit dans la collection des albums traditionnels de Tintin, fermant une marche ouverte, lors du 70ème anniversaire, par la réédition de Tintin au Pays des Soviets.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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