La récente interview que Nick Rodwell, le directeur de Moulinsart, a accordé à nos confrères du magazine économique belge Trends-Tendances [1], a de quoi étonner : « J’ai un scoop pour vous. J’estime aujourd’hui qu’il est impossible de travailler avec Casterman ! C’est comme si deux personnes étaient mariées, mais que le couple ne fonctionnait plus et que ni l’un ni l’autre ne voulait quitter la maison. Entre Casterman et Moulinsart, c’est la même chose : le mariage ne tient plus.[...] Le dossier est entre les mains des avocats. ».
Le texte complet de cette interview sera publié demain dans le magazine économique, mais on sait déjà que ce sont les droits d’exploitation des films de Tintin qui posent problème au gestionnaire de l’œuvre d’Hergé. Si les films de Spielberg-Jackson entraînent une Tintinomania planétaire, les bénéfices risquent d’être juteux, et l’époux de Fanny met en doute les capacités de l’éditeur à gérer ces marchés émergents.
Nous avions rapporté quelques propos surprenants de Nick Rodwell lors du dernier festival d’Angoulême, mais une fois de plus, on peut raisonnablement se demander quelle mouche l’a piqué. Cela fait vingt ans que ce dernier croit en cette chance de faire vivre au journaliste de papier des aventures au grand écran, mais en lavant ainsi son linge sale en public, alors que tous tentent d’avoir des infos sur les films en préparation, cela ne donne pas une excellente image de la gestion de Moulinsart.
De plus, nous sommes maintenant à quelques semaines de l’ouverture du Musée Hergé. Serait-ce donc une manœuvre plutôt malhabile de faire parler de lui, ou encore une réflexion qui serait sortie trop vite, dans un contexte fort propice à la paranoïa ?
Chez Casterman, et toujours d’après nos collègues de Trends, c’est plutôt la stupéfaction qui règne : « Je peux juste vous dire que nous faisons tout ce que nous devons faire pour respecter l’œuvre d’Hergé comme nous le faisons depuis 75 ans déjà », expliqua Simon Casterman, responsable du marketing et des relations avec Moulinsart S.A. « Je ne vous dis pas que la vie est un long fleuve tranquille et que tout se déroule pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais nous n’avons pas de conflit avéré avec Moulinsart. Mais peut-être que Nick Rodwell aimerait bien avoir aussi les albums de Tintin, je ne sais pas. En tout cas, Casterman n’est pas à vendre ! ».
Rappelons tout de même que cette communication tendue entre les deux parties n’est pas une nouveauté. En janvier 2007, Nick Rodwell considérait déjà que Casterman qui édite et diffuse Tintin : « n’a[vait] pas bien géré l’international depuis au moins 20 ans ». La réaction de l’éditeur ne s’était pas fait attendre, et il rappela principalement qu’ils « sont titulaires exclusifs des droits mondiaux pour l’édition des albums des Aventures de Tintin jusqu’en 2053 ! ».
On attend impatiemment des informations complémentaires pour voir si ce divorce sera réellement consommé, mais beaucoup de doutes subsistent. Nick Rodwell jouerait-il de nouveau avec la presse pour parvenir à ses fins ?
(par Charles-Louis Detournay)
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Photos : © D. Pasamonik.
[1] à paraître dans l’édition de ce jeudi 30 avril 2009
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