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Tome s’explique sur l’abandon de Spirou & Fantasio

Par Nicolas Anspach Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 9 juin 2005                      Lien  
Le quarante-septième album de {Spirou & Fantasio} sortait en décembre 1998, suscitant une vive polémique à propos de l'évolution du graphisme et du ton de la série. {{Tome & Janry}} se sont alors consacrés au {Petit Spirou}, délaissant peu à peu la série initiale. Quelques années après, les éditions Dupuis décidèrent de confier les personnages à {{[Morvan & Munuera->2469]}}. Nous avons rencontré Philippe Tome afin d'en savoir plus sur les raisons de ce coup d'arrêt.

« Nous présidions aux destinées de cette série depuis le début des années quatre-vingt, raconte Philippe Tome. Il était donc parfaitement envisageable de passer le relais à une autre équipe. Et ce, alors que la série parallèle que nous avions créée, « Le Petit Spirou », bénéficiait d’un accueil de plus en plus important. Enfin, la publication de notre dernier album de Spirou & Fantasio, « Machine Qui Rêve », pourtant encouragée et voulue par Philippe Vandooren, le précédent directeur éditorial aujourd’hui disparu, a entraîné un malaise entre nous et la direction générale. Alors que depuis toujours on nous avait laissé toute liberté, nous sentions cette dernière dérangée par cette nouvelle mouture susceptible de déplaire aux aficionados de la ligne classique ». [1]

Tome s'explique sur l'abandon de Spirou & Fantasio

Après avoir réalisé treize albums dans la lignée des précédents auteurs de la série (Franquin, Fournier, Nic & Cauvin), Tome & Janry décidèrent de faire évoluer plus radicalement l’univers du groom de l’Hôtel Moustic. Pour échapper à la routine, ils opérèrent un virage radical réalisant une histoire plus noire, où la psychologie des personnages avait une plus grande importance. Janry en profita également pour changer de style graphique, et s’orienter vers un style semi-réaliste plus sombre. Machine Qui Rêve reçut un accueil mitigé ;certains même crièrent au scandale, s’estimant trahis par cette évolution si abrupte. D’autres, en revanche, apprécièrent cette histoire dont le parallèle avec la série Soda saute aux yeux et sur lequel le cinéma hollywoodien imprime sa marque, même si, ainsi que le faisait remarquer Hugues Dayez le script fait très nettement penser au film A l’aube du Sixième Jour, pourtant bien postérieur.

«  Nous préférions ancrer Spirou & Fantasio dans une dynamique plus moderne, explique Tome. Nous estimions que cette évolution était naturelle. Une partie des responsables de chez Dupuis, attachée aux traditions, s’est inquiétée. Nous avons demandé à l’éditeur d’envisager une campagne de communication pour accompagner cette évolution. Mais finalement, il n’a pas été réalisé d’effort particulier pour promouvoir « Machine Qui Rêve ». Il y eut une baisse des ventes de cette nouveauté équivalente à environ 10%. L’ancienne direction de Dupuis souhaita donc que nous réalisions, dans la foulée, un autre album avec ces personnages. C’était une manière de renvoyer le problème chez les auteurs à qui il était surtout demandé de fournir une production régulière ! Nous nous sommes consacrés aussitôt au Petit Spirou, et petit à petit, notre envie de publier une nouvelle aventure dans l’autre série de ces personnages s’est quelque peu... émoussée ! »

On comprend le souci des auteurs de réformer des codes narratifs vieux de plusieurs décennies et qui risquaient de se scléroser face à l’évolution du genre et du public. Mais cette démarche radicale a sans doute effrayé l’éditeur confronté lui, à la nécessité, bien plus conservatrice, de préserver son patrimoine, d’autant qu’il s’agit d’un personnage qui est aussi une marque majeure de Dupuis. Face à une position radicale et à la prise de risque des seuls auteurs, Dupuis a choisi de multiplier les pistes, en espérant que parmi elles, il y en ait une qui soit bonne. Face au risque du changement radical, il a préféré prendre celui de la dispersion.

(par Nicolas Anspach)

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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images (c) Tome, Janry & Dupuis.

[1NDLR : depuis, suite au rachat de Dupuis par Média-Participations, l’équipe dirigeante de Marcinelle a été profondément remaniée.

 
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3 Messages :
  • Ce n’est pas le premier article que je lis dans lequel Tome explique ses motivations par rapport à Spirou et Fantasio. le problème est que ce qu’il disait il y a 4 ans était différent et encore différent de ce qui était repris dans son interview de "l’année BD 2004" où il prenait les lecteurs pour des idiots en disant qu’il allait terminer Spirou à Cuba alors que tout le monde savait déjà officieusement que Morvan et Munuera travaillaient sur Spirou. De plus, à le lire, on a l’impression qu’heureusement qu’il est arrivé pour redonner une autre dimension à Spirou et Fantasio. Or sur le point d’un style plus dur, je ne trouve pas, à titre d’exemple, que "La mauvaise tête" (vol, prison,hopital...) soit une histoire à mourir de rire. QRN non plus, pas plus que Z comme Zorglub. Pourtant Franquin avait assez de génie pour réaliser des albums plus durs sans changer son graphisme. Je crois plutôt que cette sorte d’obsession à faire "original" a fini par aboutir à une impasse : Spirou amoureux, bonne idée, puis Seccotine amoureuse. Bon, sauf que maintenant il faut l’appeler Sophie (pour quoi faire ? A l’heure où des enfants s’appellent Zidane ou Sue Hellen, Seccotine sonne plutôt sympa et autrement plus original que Sophie). Que restait-il ensuite ? Le mariage de Fantasio ?Fantasio et Spirou virent homo ?
    Cela dit si Tome et Janry avaient encore des choses à dire avec Zorglub, pourquoi ne pas prendre le temps de le dire dans la collection hotrs série ?

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    • Répondu par Philippe le 13 juin 2005 à  00:02 :

      On peut penser effectivement (ce n’est evidement pas explicite) que Spirou et Fantasio vivent ensemble au vu de l’album "machine qui reve". Non moi ce qui m’a fait reculer par rapport à cet album, c’est le style graphique complètement différent de tout ce que l’on avait connu. Je fais parti de ceux qui ne l’ont pas acheté quand il est sorti. Je ne l’ai acheté qu’à la fin de l’année dernière. Mais en le lisant, il est pouratnt très intéressant.
      Mais pour plaire au plus grand nombre, il aurait fallu sortir un autre spirou tel que nous l’avons toujours connu (graphiquement parlant) et en parallèle une version alternative avec le graphisme de "machine qui rêve". En tout cas, le défi de Munuera sur les prochains albums sera de faire revivre les autres personnages de la série (comte de champignac, zorglub, etc...).

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  • Lecteur de Spirou depuis mon plus jeune age (la bibliotheque de mon pere contient entre autres la collec complete depuis le N°1), j’ai toujours aime les aventures ecrites par Franquin. Apres quelques deceptions avec les episodes ecrits par Fournier et Nic & Cauvin, ca a pour moi ete le choc revelateur avec l’arrivee de Tome et Janry aux commandes de la serie, notamment avec les cultissimes "Virus" ou "La Frousse aux Trousses/La vallee des bannis". Apres quelques faiblesses sur les derniers episodes (je pense notamment au "Rayon noir"), j’ai decouvert "Machine qui reve", et une fois de plus ca a ete le choc : graphisme extremement abouti, scenario plus adulte (j’approchais de la trentaine au moment de la sortie de l’episode), bref tous les ingredients qui font que, pour moi, Tome & Janry auront ete, apres Franquin en son temps, les dignes parents de Spirou. Autant dire que j’ai ete extremement decu d’apprendre qu’ils arretaient la serie, et que le dernier album "Paris sous seine" m’a laisse plus que sur ma faim. Je comprends que certains lecteurs aient pu ne pas comprendre cette evolution des personnages dans "Machine qui reve", et c’est bien regrettable car la serie s’inscrivait veritablement dans une trame "aventure", telle qu’elle l’avait toujours ete depuis Franquin. Dommage...

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