Directeur commercial du Lombard depuis 1950, Jack (ou Joseph, Jack étant son prénom dans l’armée anglaise) De Kezel a été celui qui en avait construit le réseau de partenaires étrangers.
Dans les années 1960, l’hebdomadaire Tintin était publié, soit intégralement, soit via des cessions partielles, en Hollande, en Scandinavie, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Portugal et au Brésil, en Yougoslavie, en Turquie même. Un véritable phénomène éditorial. De Kezel en était le chef d’orchestre et le premier à organiser via le Lombard les cessions internationales d’Astérix. En rupture avec Raymond Leblanc, le patron du Lombard, au début des années 1970, De Kezel commence d’abord à offrir ses services à Dargaud, avant de se lancer seul (avec l’ancien directeur financier du Lombard, Jacques De Meester) dans l’aventure de Zack Magazine, une publication du puissant groupe allemand Springer dirigée par l’éditeur Ralf Kläsener, publiée simultanément en trois langues (néerlandais, français et allemand) dont la version française porte le titre de Super-As.
Cette publication qui est organisée autour de la personnalité de Jean-Michel Charlier (on voit ainsi passer à "l’ennemi" : Blueberry, Tanguy et Laverdure, Barbe Rouge, mais aussi Michel Vaillant, Dan Cooper, Julie Wood, Éric Castel et Tounga...) aura quelques bonnes années devant elle avant que Springer ne décide d’en arrêter la publication et que De Kezel ne reprenne ces actifs dans la société Novedi qui finira, après la mort de Charlier, par être rachetée par Dupuis.
Parmi les transfuges, on trouve Édouard Aidans, une des figures du Journal Tintin (Tounga...) qui y lance Tony Stark. Le scénariste n’est pas crédité. Il s’agit en réalité d’un certain... Jean Van Hamme qui publie la même année Thorgal dans Tintin. Son statut de débutant : il n’a alors aucun "best seller" en dépit de collaborations prestigieuses avec Cuvelier (Epoxy, Corentin), Chéret (Domino), Géri (Magellan), Beautemps (Michaël Logan) et quelques scénarios de gags pour Franquin notamment... le pousse sans doute à cette discrétion de violette...
Mais à le lire, il ne fait aucun doute : Tony Stark porte la marque de Van Hamme : un riche auteur de best-seller, aventurier et proche de la nature, y fait la rencontre d’une ravissante blonde, Karin Stern, activiste écologique comme on n’en fait plus, l’aventure commençant par un cocktail de riches excentriques, de milliardaires folles-dingues et de rednecks patibulaires. Ensemble, le bel écrivain et la ravissante scientifique vont vivre une aventure, seuls contre le monde entier, poursuivis par des Étasuniens barbares et fétichistes des armes, risquant leur peau pour sauver celle d’un puma dont ils veulent préserver l’espèce.
Dialogues brillants truffés de mots d’auteur qui sentent encore l’influence de Michel Greg, intrigue cousue à la corde de western, et couplet économique expliquant comment l’humanité est en train de compromettre sa propre survie en construisant des villes, des usines, des aéroports... (datant de 1977, cette analyse reste pertinente), Tony Stark est en quelque sorte un prototype de Largo Winch qui, affiné, trouvera en Philippe Francq un dessinateur moins rapide et plus précis qu’Aidans,... et un succès plus important encore que son avatar de papier et ses romans lancés "à l’américaine".
On se penche avec intérêt sur cette première matrice des aventures du milliardaire en blue-jeans, dans une publication de qualité proposée par un petit éditeur généraliste de Perpignan à un prix parfaitement abordable. Quatre autres volumes sont prévus.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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