Très cher frère - Par Riyoko Ikeda - Asuka

Nanako fait son entrée à Seiran, la prestigieuse école pour fille. A peine arrivée elle est admise, contre tout attente dans un cercle privé réunissant les filles les plus belles et les plus riches du lycée. Ce club très fermé, est dirigé par une très belle jeune fille, Mlle Miya, une des plus irréprochables élèves de l’établissement.

Nanako est tiraillée entre ses camarades qui la jalousent et l’ambiance idyllique qui règne dans le club, mais elle trouve du réconfort en écrivant à un étudiant qu’elle a rencontré quelques mois auparavant durant ses cours du soir et qu’elle considère comme le grand frère qu’elle n’a jamais eu. Par ces lettres, elle tente d’évacuer au mieux la pression qui l’oppresse, sans savoir le douloureux lien qui les unit…

On connaît surtout Riyoko Ikeda pour la Rose de Versailles, popularisé par l’animé Lady Oscar. Dans la volonté d’émanciper les jeunes filles japonaises, elle écrit une autre shojo après ce récit historique : Très cher frère. Si on retrouve des caractéristiques dominantes de la Rose de Versailles (personnages ambigus, jeune fille gracile et fragile, dilemme amoureux, etc.), ce récit s’intègre dans son temps, projetant le lecteur dans une école très formalisée, et décrivant la complexité de certains liens familiaux au sein de la société japonaise.

Bien entendu, 35 ans plus tard, la situation décrite a fort évolué, mais cela n’enlève rien à la beauté et à l’innovation de ce superbe manga. Tout d’abord, le récit n’est pas découpé en chapitres comme on en a l’habitude. Se libérant de cette emprise éditoriale, l’auteure impose le rythme de lecture qui convient le mieux pour ressentir les émotions des différentes situations. Après une brève présentation des personnages, l’intrigue se noue progressivement, jouant principalement sur les diverses et fortes personnalités des protagonistes et les liens qui les unissent.

L’esthétisme de la mangaka est bien entendu déterminant dans l’installation de l’ambiance : des personnages à l’apparence androgyne laissent deviner des intrigues amoureuses ; le physique élancé de ces jeunes filles aux longues jambes interminables traduit leur fragilité émotionnelle ; la composition de tableaux mêlant personnages, fleurs et divers éléments architecturaux tels que les miroirs et les escaliers nous permet de rentrer dans leurs tourments intérieurs.

Véritable roman graphique d’une redoutable efficacité, Très cher frère est un shojo incontournable qui évoque les violentes passions vécues par des jeunes filles en quête d’amour et de reconnaissance. Kaze vient d’ailleurs de sortir l’intégrale de l’animé.