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Turk & Bob De Groot : "Léonard est né grâce à Achille Talon Magazine "

Par Nicolas Anspach le 2 avril 2010                      Lien  
Cela fait 35 ans que {{Bob de Groot}} et {{Turk}} animent les personnages de Léonard et de Basile son fidèle disciple et « cobaye ». Des centaines d’inventions délirantes, censées révolutionner le monde, ont servi de prétexte aux auteurs pour muscler les zygomatiques de nombreux lecteurs. Ce classique de la bande dessinée vient d’être adapté en dessin animé. 78 épisodes de 7 minutes seront diffusés sur Canal J et la RTBF en 2010. Les créateurs de {Léonard} reviennent pour nous sur leur rencontre et leur manière de travailler.
Turk & Bob De Groot : "Léonard est né grâce à Achille Talon Magazine "

Vous souvenez-vous de votre première rencontre ?

Bob de Groot : J’ai travaillé un an chez Dupuis, dans le studio graphique à l’époque où leurs bureaux étaient situés à Bruxelles. J’y ai fait des petites besognes, c’est-à-dire du lettrage et de la mise en pages. Je suis parti au bout d’un an. Peu de temps après mon départ, Turk a été engagé. Il a confié son envie de rencontrer un scénariste à l’une des personnes qui travaillait au studio. Ce dernier lui a refilé mon numéro de téléphone. Il lui a même dit que nous allions bien nous entendre. Il ne s’est pas trompé (Rires).
On a tout d’abord travaillé pour Greg. Il habitait à cent mètres de chez moi. Un jour, je lui ai présenté une idée de série à gag : Robin Dubois. Il l’a prise pour Tintin. Au bout de quelques gags, je me suis dit qu’il faudrait que je trouve autre chose. Finalement, nous en avons fait près de mille de Robin Dubois.

Et Léonard, comment est-il né ?

B. de Groot : Je devais faire valider les gags de Robin Dubois par Greg. Il nous avait demandé de créer pour Achille Talon Magazine un nouveau personnage, mais je séchais. Je ne trouvais pas d’idée. Je lui ai amené un gag où apparaissait un certain Léonard. Dans le gag, Robin amène au shérif un de ses amis et lui dit : « Voici mon ami Léonard, qui a inventé une machine formidable : le parcmètre ». Évidemment, Robin trouve rapidement le moyen de le détrousser l’ustensile. Greg a regardé le gag et s’écrie : « Non d’un chien ! Vous tenez là quelque chose d’intéressant ! ». On s’est donc servi de ce personnage pour une nouvelle série. Et comme on n’avait pas beaucoup d’argent à l’époque, nous avons gardé le gag du parcmètre pour Robin , tout en changeant le nom du personnage que l’on a appelé Mathusalem !

Léonard s’anime en 3D !

Comme Franquin, vous étiez obsédé par les parcmètres ?

Turk : Nous avions surtout un compte à régler avec ces objets, qui commençaient à être installés à Bruxelles à ce moment-là.

Bob est connu pour réaliser des découpages dessinés assez précis. Turk, Quelle est votre part d’inventivité et de création dans Léonard ?

Turk : Bob me remet effectivement un scénario dessiné. Cela me facilite la vie. Il ne tient pas compte des proportions et des perspectives. Et lorsqu’il implique un nouveau personnage secondaire dans un gag, il ne dessine souvent qu’une forme pour le représenter. Mais pour Léonard, le disciple et les autres personnages principaux, il dessine déjà les expressions. Je perçois directement où il veut en venir. Nous travaillons sur la même longueur d’onde.

B. De Groot : En fait, nous avons la même façon de placer la caméra, et le même rythme dans la narration.

Turk : Bob place parfois la barre très haut, car il est un bon dessinateur. Il donne des expressions particulières aux personnages. Celles-ci sont percutantes, et je m’efforce donc de les reproduire. Mais je suis aussi obligé de tenir compte de contraintes techniques telles que par exemple les proportions. Souvent, donc, ses dessins sont plus expressifs que les miens. Mais l’apport de Bob est indéniable. Il y a un dynamisme particulier et un sens du mouvement, dans Léonard, qui est du au fait que nous sommes deux à travailler ces aspects.

B. de Groot : En fait, les expressions des personnages sur mes scénarios sont souvent dues à une magie de l’instant. Je me lâche, et j’arrive à l’expression la plus juste ou la plus marrante. Mais si je recommence le même dessin quelques heures plus tard, je n’arriverai pas à la reproduire. Alors, je comprends fort bien que Turk n’y arrive parfois pas non plus !

Le découpage d’un scénario de Léonard par Bob De Groot.
(c) De Groot, Turk & Le Lombard.

Quelle est l’invention de Léonard que vous préférez ?

B. de Groot : Celle que Léonard a nommé par une phrase : « Vendre du rêve par aérosol ». Il a inventé un aérosol qui permet de rentrer dans un autre univers : la mer, la montagne, les îles paradisiaques lointaines, etc. Dès que l’on appuie sur le bouton de l’aérosol, une île apparaît et nous personnages évoluent dans ce décors. C’est d’ailleurs pour cela que Léonard a inventé un aérosol pour revenir à sa maison. Il n’est pas stupide (Rires).

Votre série contient de nombreux personnages secondaires : Maturine, le Chat, le crâne, la souris…

B. De Groot : Oui. Il y avait bien entendu, Léonard et le disciple. Les autres sont venus peu à peu. Nous aimons beaucoup les chats tous les deux. Turk en dessinait beaucoup dans la série, car il avait beaucoup de plaisir à les animer. Et puis, un beau jour, j’ai posé un phylactère au dessus d’un chat pour le faire parler. Cela n’a choqué personne…

Turk : En fait, le chat fut tout d’abord un élément du décor. Je me souviens d’un gag ou j’avais dessiné le chat qui dormait. La souris, perchée sur une commode, renverse un pot de colle sur lui, puis une boîte de clou. Le chat s’était visuellement transformé en hérisson. Ce gag a déclenché un autre niveau de lecture dans la série. Nous nous sommes pris au jeu et nous avons continué à animer ces facétieux personnages. Ils marchaient encore à quatre pattes…

B. de Groot : Ce double niveau de lecture pose d’ailleurs parfois des problèmes de mise en scène. Il faut penser aux interactions entre Léonard et son disciple et à ceux entre le chat, la souris et le crâne. Il faut conserver à l’esprit que les planches doivent être dynamiques et lisibles.

... et la planche dessinée par Turk
(c) Turk, De Groot & Le Lombard.

Comment expliquez-vous la longévité des personnages ?

B. de Groot : Oui, nous nous amusons à réaliser Léonard et je pense que les lecteurs le ressentent. Je n’ai jamais recherché à plaire et écrire pour satisfaire le lectorat. Mon père, qui était néerlandophone, me disait souvent un dicton de sa région : « Tu ne peux pas faire plaisir à tout le monde, et à ton père ». J’ai mon humour, et je l’ai partagé dans mes histoires. Au début de Robin Dubois, les gens se demandaient avec quoi je venais… Puis, ça a plu !
J’essaie aussi quand même de respecter les attentes des lecteurs en incluant certains running gags. Je pense au coup de tromblon, par exemple. D’ailleurs, les personnes qui ont géré la conception du dessin animé, n’ont pas trouvé « politiquement correct » d’en mettre dans l’adaptation audiovisuelle. Tant Pis ! Mais je pense que les lecteurs de Léonard seraient déçus s’il n’y en avait pas dans un album.

Avez-vous eu un rôle à jouer dans le dessin animé ?

Turk : Il a été minime ! On a signé un contrat (Rires).

B. de Groot : On nous envoyait les scénarios à lire. Mais ils n’ont pas tenu compte de toutes nos remarques. C’est logique. Quand on cède un personnage, il est réinterprété par ceux qui lui donnent vie. Mais ils ont fait un excellent travail.

Turk : Les dessins animés sont réalisés en trois dimensions. L’animation est d’une grande qualité. Je n’ai pas participé à la modélisation des personnages. Je le regrette. J’aurais aimé y participer car j’aurais peut-être pu apporter une sensibilité supplémentaire grâce à mon expérience. Léonard, à cause de sa longue barbe blanche, est un personnage difficile à animer.




Quels sont vos projets ?

B. de Groot : Je travaille sur le prochain album de Léonard. Ce sera une histoire complète. J’ai eu une idée intéressante et enthousiasmante, et j’écris actuellement l’album. Par contre, le quarante-deuxième tome, qui sera constitué d’histoires courtes, est déjà bouclé au point de vue du scénario.

Et Robin Dubois ?

B. De Groot : Les éditions du Lombard vont sortir quatre intégrales best of de Robin Dubois cette année. Une par saison, je pense. On essaie ainsi de relancer la machine. Si le succès est au rendez-vous, Ludo Borecki dessinera un nouvel album.

La reprise de Diaz et de Borecki était mimétique !

Turk : Leurs planches sont mêmes meilleures que les miennes. Lorsque j’ai vu les premières planches, je leur ai donné quelques conseils. Mais cette reprise graphique est tellement réussie que si on me demandait de comparer une de leurs planches avec l’une des miennes, j’aurais du mal à distinguer celle que j’ai dessinée.

B. de Groot : Ils m’ont offert la planche d’essai qu’ils avaient réalisé. Derrière un arbre, on pouvait distinguer un Schtroumpf. C’était la seule différence de style que la planche comportait. Mais c’était plus un clin d’œil par rapport à IMPS, la société des enfants de Peyo. Diaz et Borecki travaillaient pour Thierry Culliford, le fils de Peyo, sur les Schtroumpfs. J’ai cinq scénarios d’avance pour Robin Dubois, et je suis prêt à recommencer dès demain s’il le fallait. Mais la série s’est arrêtée pendant près de dix ans entre le dernier album dessiné par Turk et le premier de Borecki et Diaz. Les lecteurs ont un peu « oublié » cette série malheureusement. Pourtant, je sens en dédicace que les gens sont intéressés. Souvent, les lecteurs de Robin Dubois ne savent pas qu’il y a eu deux albums supplémentaires.

Bob de Groot et Turk, devant l’exposition "Léonard" à Angoulême
(c) Nicolas Anspach

(par Nicolas Anspach)

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Lire la chronique du T39 et Génie à la Page, la Compil de Léonard.

Lire d’autres interviews de Bob De Groot :
- "J’ai sorti le champagne lorsque j’ai vu la planche d’essai de la reprise de Robin Dubois" (avec Diaz, Août 2008)
- "Je ne me priverai pas d’un bon gag !" (Avril 2005)
- "J’écris comme il dessine" (Avec Bercovici, janvier 2007)

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Photo (c) Nicolas Anspach
Illustrations : (c) Turk, De Groot & Le Lombard.

 
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