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Un Amour exemplaire - Par D. Pennac et F. Cestac - Dargaud

Par Tristan MARTINE le 23 juin 2015                      Lien  
L’amour exemplaire de deux marginaux, librement racontée par Cestac et Pennac, qui se mettent en scène en train de construire ce beau récit, enjoué et rigolard.

C’est bien sûr pour son activité de romancier ou de dramaturge que l’on mentionne habituellement Daniel Pennac, mais l’auteur de Cabot-Caboche avait fait en 2000 une entrée remarquée dans le milieu du neuvième art en travaillant avec Tardi sur La débauche. Par la suite, il scénarisa avec un autre romancier, Tonino Benacquista, deux albums de Lucky Luke qui, sans être restés dans les annales de la bande dessinée humoristique, avaient néanmoins permis de redresser quelque peu la barre après le naufrage de la série sous la houlette de Laurent Gerra.
Un Amour exemplaire - Par D. Pennac et F. Cestac - Dargaud
Cette fois-ci, c’est avec Florence Cestac qu’il s’est associé, pour aborder un nouveau genre : celui de la chronique familiale romancée et distanciée. Cette distanciation passe par un dispositif narratif particulier, qui repose sur un va-et-vient perpétuel entre l’histoire de Germaine et Jean Bozignac, un couple des années 1960 qui avait quasiment adopté leur petit voisin, Daniel, et la manière dont Pennac la fait découvrir, aujourd’hui, à Cestac, dans un restaurant parisien. La dessinatrice réagit, se met à dessiner les situations comme elle les ressent, Pennac commente, rectifie. Leurs voisins de table et le patron du troquet interviennent eux aussi dans la discussion, se disputent entre eux, prolongent des conflits vieux d’un demi-siècle et, d’auditeurs, deviennent ainsi acteurs à part entière de l’intrigue.

Ces effets de mise en abyme sont très intéressants et, par moments, le sont même finalement davantage que l’histoire elle-même. On voit par exemple Pennac demander à Cestac une « rupture de style » pour abandonner ses sempiternels nez en forme de « pomme au four » pour affubler, pour une fois, son héros, Jean, d’un nez en « quart de brie ».

Le tout est extrêmement agréable à lire, à la fois fluide et rythmé, léger et enjoué. On a l’impression d’être dans cette brasserie et d’entendre la verve de Pennac, dont on reconnaît facilement l’amour des mots et du verbe haut. On perçoit aussi le sens du décalage de Cestac, qui trouve avec ces amoureux hors de leur temps deux personnages tout aussi irréalistes que son trait et tout aussi tendres et intelligents que son univers.

Les deux personnages principaux, Jean et Germaine, sont très attachants, vivant sans travailler, sans engendrer, uniquement pour s’aimer, pour lire, pour faire l’amour et flâner, bref, pour ne surtout rien faire d’« utile », recherchant leur bonheur de manière très libre.

Les deux auteurs plaisantent avant la projection du film Le Chat, de Pierre Granier-Deferre le 19 mai dernier, dans le cadre du MK2 Ciné BD. Si Pennac et Cestac ont choisi ce film qui présente un couple fusionnel et plein de haine (Gabin et Signoret, magnifiques de dégoût), c’est que les films présentant des couples fusionnels et heureux sont finalement assez rares….

Cestac et Pennac ont su conjuguer leurs talents pour nous offrir cette belle tranche de vie, faisant rimer leur nom à l’unisson de celui du couple Bozignac, dont l’amour, quoique totalement improductif, semble, en effet, d’une fertilité exemplaire.

(par Tristan MARTINE)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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