Après avoir affronté le personnage de La Mangouste dans XIII Mystery, puis une haletante chasse au monstre chez les Vikings, on pouvait se demander quel défi allait relever le tandem formé par Ralph Meyer & Xavier Dorison. Changeant encore de thématique, les voici qui nous apportent leur vision du western.
Une thématique évidente ? Pas vraiment, car à la lecture des planches d’Undertaker, la filiation, et donc la comparaison, avec le travail de Jean-Michel Charlier et de Jean Giraud est inévitable. Comment croître à l’ombre d’un géant de la BD tel que Giraud ? Et malgré ses qualités, comment Dorison peut-il rivaliser avec le scénariste belge ? Ils y arrivent, chacun à leur façon. C’est tout l’art de cette nouvelle série qui met en scène... un croque-mort !
Un héros atypique
Dans cette série, le décor est rapidement planté. Jonas Crow, croque-mort de son état, doit convoyer le cercueil d’un ancien mineur devenu millionnaire vers le filon qui fit autrefois sa fortune. Des funérailles qui devaient être tranquilles, à un détail près : avant de décéder, Joe Cusco avait avalé son or pour l’emmener avec lui dans l’éternité.
Mais, pas de chance, le secret est éventé et provoque la fureur des mineurs de la ville sur laquelle le millionnaire régnait en despote. Comment laisser enterrer une telle fortune alors que pour survivre, eux suent sang et eau dans les filons ? C’est là que les ennuis commencent...
La force d’Undertaker tient en partie à son héros. En marge, si l’on peut dire, du commun des mortels, il nous livre sa vision du monde dès la première page : cynique et sans concession. Belle gueule, bien que mal sapé, on n’est pas loin du lieutenant Blueberry qui jouait au poker dans les premières pages de Fort Navajo. Mais Meyer & Dorison vont plus loin, poussant leur personnage au paroxysme de la méchanceté. Si on ne se reconnaît pas encore dans son attitude si outrancière, on rit devant ses gaffes volontaires, impressionnés par la force de caractère de ce croque-mort hors normes... Qui sait d’ailleurs, peut-être lui-même revenu d’outre-tombe
Une galerie de personnages attachants, un univers graphique à couper le souffle
Après une entrée en matière où Xavier Dorison nous en dévoile plus qu’on aurait pu le croire, l’arrivée dans cette ville "typique" de l’Ouest réserve à la fois son lot de clichés, mais aussi de rebondissements inattendus. À cela s’ajoute la qualité du graphisme. Chaque page de Ralph Meyer est un émerveillement, même si, ou peut-être en raison de cela, les références à Blueberry se multiplient : "Je me suis longtemps empêché de réaliser un western à cause de cette filiation graphique, nous avoue-t-il. Il est temps que j’assume et que je me fasse plaisir !"
L’effet de filiation est confondant. Exception faite des cadrages, l’illusion que certaines cases auraient pu être réalisées par Giraud affleure nettement. Surtout en raison du fait qu’Undertaker est un très grand western, qui ravira les fans du genre.
Dorison, d’ailleurs, n’a pas son pareil pour retourner les clichés à son avantage. S’il ne peut s’empêcher d’en rajouter (le pont branlant comme seul chemin d’accès vers une ville minière nous semble bien irréaliste...), ses caractérisations sont truculentes, et le lecteur vibre à chaque page de ses péripéties rocambolesques.
La réussite graphique et scénariste de ce premier tome est incontestable. C’est l’un des meilleurs albums du moment. Et si l’on s’attend à de nouvelles pages flamboyantes de Ralph Meyer, on ne doute pas non plus que Dorison ait gardé pour nous quelques surprises en réserve qui prolongeraient l’état de grâce ressenti dans ce premier volume. Car on ne se lasse pas de lire et relire Undertaker !
(par Charles-Louis Detournay)
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une précédente interview des mêmes auteurs : Ralph Meyer & Xavier Dorison : « Dans une chasse au monstre comme celle d’Asgard, ce qui est intéressant, ce n’est pas le monstre, c’est celui qui le chasse. »
les chroniques d’Asgard tomes 1 et 2, ainsi que celle de XIII Mystery - La Mangouste
une interview de Vehlmann & Meyer : « IAN, notre robot humanoïde, s’humanise enfin ! », ainsi que les chroniques de Ian : tomes 2, 3 et 4.
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