Nous avions relayé dans nos pages les nombreux déboires qui ont conduit à la fermeture du Musée Jijé le 27 février 2005. François Deneyer promettait dans nos pages de poursuivre l’aventure et de continuer à exposer les planches du créateur de Jerry Spring et de Blondin & Cirage. On envisagea même, dit-on, une délocalisation du Musée Jijé en Wallonie. La Dernière Heure du 9 décembre 2005 dévoile qu’un nouveau musée, une fois encore initié par François Deneyer, ouvrirait ses portes au « Mont Des Arts », à côté de la gare centrale de Bruxelles. Un lieu de 250 m² qui, d’après nos informations, devrait continuer de promouvoir le travail accompli par l’école de Marcinelle, tout en présentant les 400 planches et dessins de la collection du Musée Jijé. Dans une interview accordée au quotidien bruxellois Le Soir [1], Deneyer confie : « Nous allons exposer tous les créateurs que Jijé a formés ou influencés comme Franquin, Roba, Will, Peyo, Tillieux ».
Sur ce projet, Benoît Cerexhe [2], le ministre-président de la Commission Communautaire Française (Cocof), aurait accordé un subside de 30.000 € à François Deneyer, destiné à couvrir tout ou partie du loyer de l’emplacement qui devrait abriter cette « Maison de la Bande Dessinée », aide qui devrait être reconduite en 2007. Détail amusant : le bâtiment de la future « Maison de la Bande Dessinée » a lui aussi été dessiné par Victor Horta, l’architecte du magasin Waucquez dans lequel est installé le Centre Belge de la Bande Dessinée !
François Deneyer annonce également à Daniel Couvreur du Soir qu’il envisage un prix d’entrée symbolique de un euro pour rendre les lieux accessibles à tous. Interrogé par nos soins, l’initiateur de cette future Maison de la BD promet que l’endroit n’aura qu’une vocation muséale. En d’autres termes, il ne s’agira pas d’une galerie car les planches n’y seront pas vendues. En revanche, comme le Centre belge, cette Maison de la BD devrait également abriter une librairie. Ses recettes seront-elles suffisantes pour financer les frais de fonctionnement en attendant que le Conseil des Musées de la Communauté Française examine le dossier de reconnaissance présenté par François Deneyer ?
Rien n’est moins sûr. Deneyer, avec le Musée Jijé déjà, avait spéculé sur des aides qui ne sont finalement jamais venues.
Si l’on reste admiratif devant le persévérance, sinon l’obstination, du créateur du défunt Musée Jijé, on est stupéfait devant l’attitude des pouvoirs publics décidant de soutenir un projet aux intentions quasi identiques au précédent ; lequel, on s’en souvient, s’était malheureusement soldé par un échec.
On essaye d’en comprendre le sens, à l’heure où le ministre fédéral Didier Reynders vient d’accorder un soutien décisif au Centre Belge de la Bande Dessinée, cette dernière institution cherchant encore une solution pour assurer sa pérennité financière et son développement sur le long terme.
Si une saine émulation nous semble toujours une bonne chose, cette course à l’échalotte entre les différentes officines culturelles, dont la bande dessinée est l’enjeu, nous fait craindre que ne se produise une dispersion des forces et des moyens destinés à la promotion du Neuvième Art plutôt qu’un renforcement des institutions qui doivent le défendre.
(par Nicolas Anspach)
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