Né en 1955 dans la province du Yunnan, d’un père cadre du parti et d’une mère ouvrière, Xiao Li a grandi sous propagande, dans un moule. Comme tout enfant de l’époque -ou presque- il a appris à aimer, à aduler Mao Zedong et à connaître par cœur les citations de son "petit livre rouge". Il vécut durant sa jeunesse le mouvement du "Grand Bond en avant" mais aussi la famine qui suivit et qui dura trois ans. C’est également grâce à un annuaire illustré que le jeune garçon apprit à dessiner et qu’il mit plus tard son talent au service de la propagande.
C’est encouragé par les éditions Kana et avec l’aide scénaristique de son ami P. Ôtié (ayant vécu une dizaine d’années en Extrême-Orient) que Li Kunwu s’est attelé à cette œuvre autobiographique inédite. Un travail qu’on devine éprouvant pour un artiste s’étant illustré pendant trente ans dans le dessin de propagande. Il est particulièrement difficile de se détacher d’une éducation conditionnée lorsqu’on a toujours été fidèle au parti.
De la rencontre de ses parents au décès du Grand Timonier, le président Mao, Li Kunwu raconte fidèlement la Chine et son régime au travers de sa propre jeunesse. Son enfance, son cheminement jusqu’à son entrée dans l’armée, tout dans ce récit transpire la sincérité. Malgré une fascination palpable, le regard sait aussi se faire critique, intransigeant. Le lecteur se retrouve étonné, secoué et ébranlé par la découverte de ce qui était une réalité. On apprend, on s’interroge, on s’indigne également. Aidés par une relative facilité de lecture, les auteurs ne nous ménagent pas pour autant en images choc, comme lorsqu’un camarade de Xiao Li s’épingle une médaille à l’éffigie de Mao à même la poitrine pour prouver son engagement révolutionnaire.
Pinceau en main, Li Kunwu anime ses planches d’un trait épais et caricatural. On remarque au fil des pages une certaine irrégularité dans le dessin des personnages, mais la spontanéité qui ressort de cet aspect graphique sert agréablement l’authenticité du récit.
Une vie chinoise s’impose comme un ouvrage indispensable, à la fois instructif et accaparant l’attention comme s’il la prenait par la force, à ceci-près que nous la lui offrons avec une curiosité presque troublante.
Notons également la préface du journaliste Pierre Haski [1] qui nous dresse un rapide mais intéressant portrait de la Chine d’après-guerre.
(par Baptiste Gilleron)
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Une vie chinoise a été sélectionné pour le Prix Asie-ACBD 2009 qui sera remis le 2 juillet à Japan Expo.
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[1] Co-fondateur du site Rue89, il a vécu quelques années en Chine et est l’auteur de plusieurs livres sur le sujet, notamment Chine, les damnés du sida (Grasset, 2005) qui obtint le Prix International des Médias à Genève en 2005 et le Prix Joseph Kessel en 2006.