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Université d’été de la BD d’Angoulême 2011 : Quid de l’auteur ?

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 11 juillet 2011                      Lien  
Sans l’auteur, la bande dessinée n’existerait pas. Ce truisme sous-tendait toutes les interventions de l’Université d’été qui a eu lieu à la Cité de la BD d’Angoulême du 6 au 8 juillet dernier et à laquelle ActuaBD a assisté cette année. Une occasion de définir le profil socio-économique de l’auteur et ses rapports avec les autres acteurs de la chaîne du livre : les éditeurs, les diffuseurs, les distributeurs et les librairies.

C’était d’ailleurs le sujet de l’introduction de cette université par le maître de conférence de Paris 13, Benoît Berthou. Sa première partie, intitulée « L’Europe : pour une bande dessinée d’auteur ? » laissait accroire que les auteurs étaient européens et non américains, japonais ou chinois. Une position qui a très vite appelé des « nuances » du côté de la salle… Globalement, son exposé insistait sur l’antagonisme entre l’auteur et l’éditeur mettant en avant des « logiques divergentes » que révèleraient certains épisodes récents comme « L’appel du numérique » par le SNAC ou encore le coup de gueule de Kris sur sa page Facebook.

Le cœur du problème, selon M. Berthou, serait le « contrat d’édition » entre l’auteur et l’éditeur, dépassé par les nouvelles pratiques liées à l’Internet et notamment le fait que les auteurs y font eux-mêmes la promotion de leurs ouvrages, qu’il est possible aujourd’hui de publier des livres en se passant de l’éditeur, du diffuseur et du libraire… En conclusion, l’auteur se conçoit comme un partenaire, susceptible de faire appel à un agent pour mieux négocier ses droits. Cette vision, pas vraiment révolutionnaire et toute juridique du rapport auteur-éditeur, a elle-aussi fait l’objet de « nuances », notamment de la part d’éditeurs présents dans la salle.

Le débat suivant, « Vivre de son métier, vivre de son art » avec l’auteur Jean-Luc Loyer, le représentant de l’Agessa Stéphane Bismuth, le secrétaire de la Société des Gens de Lettres Dominique Le Brun et le juriste Sébastien Cornuaud, s’est surtout penché, autour du cas très touchant de cet auteur, sur les statuts sociaux et fiscaux de l’artiste en inventoriant toutes les activités actuelles d’un auteur, activité composite fait de travaux d’illustration, de publicité, de vente de planches, voire de petits boulots salariés d’appoint qui n’ont rien à voir avec ce métier. Nous y reviendrons cet été dans un prochain article.

Université d'été de la BD d'Angoulême 2011 : Quid de l'auteur ?
Face au juriste Sébastien Cornuaud, l’auteur Jean-Luc Loyer, le secrétaire de la Société des Gens de Lettres Dominique Le Brun et le représentant de l’Agessa Stéphane Bismuth.

Absence d’étude sociologique sur l’auteur de BD

Ensuite, le dessinateur François Boucq, l’historien et théoricien de la BD Thierry Groensteen, les mêmes Dominique Le Brun et Sébastien Cornuaud ont tenté de donner une approche sociologique de l’auteur, en prenant exemple le parcours du dessinateur lillois. En réalité, en dehors d’une étude belge faite par le bureau social belge Smart qu’ActuaBD vous avait signalée, Thierry Groensteen fait observer, en réponse à une question de la salle, qu’en France, en dehors d’une étude faite par Luc Boltanski [1], aucune étude sociologique n’a été faite en France depuis 1975.

La deuxième journée commença par une rencontre avec François Boucq et le scénariste Denis Lapière où chacun a raconté son rapport au scénario. En gros, François Boucq reçoit un scénario et le met en scène à sa sauce tandis que Denis Lapière adapte au fur et à mesure son scénario à son interlocuteur.

François Boucq et Denis Lapière parlent de scénario.

La suite de la journée a surtout été rythmée par des ateliers : rencontres avec les auteurs Olivier Jouvray et Pascal Mirleau, avec les éditeurs Thierry Joor (Delcourt), Louis-Antoine Dujardin (Dupuis), Arnaud Bauer (Manolosanctis) et Yannick Lejeune (Delcourt).

Elle se conclut par une rencontre sur les blogs et les webcomics avec Thomas Cadène (Les Autres Gens), Olivier Jouvray ([8Comix), Wandrille (Prix révélation blog), et Yannick Lejeune (Festival Festiblogs).

Une édition sans éditeur, sans diffuseur et sans libraire...

Les débats du vendredi ont surtout mis en évidence, dans une table ronde très « locale » (Editions Polystyrène, Ego Comme X, Scutella) sur l’édition alternative, la micro-édition et l’autoédition, la difficulté actuelle de la diffusion qui se résout pour Scutella par la création d’une structure, 16 Diffusion, soutenue par le Conseil Régional.

La table-ronde sur l’aide à l’édition avec Emmanuelle Lavoix, responsable du programme de soutien à l’édition pour le Centre du Livre Poitou-Charentes, Florabelle Rouyer, du Centre National du Livre et Frédéric Cros, directeur du Pôle Image Magelis interrogés par Pili Munoz, la directrice à la Cité de la Maison des Auteurs a requis toutes les attentions. La BD est très aidée en France, encore faut-il que les acteurs du livre le sachent. Nous reviendrons dans un prochain article sur ces questions.

« Comment peut-on être éditeur ? » était la question d’un débat avec les éditeurs Thierry Groensteen (L’An 2), Arnaud Bauer (Manolosanctis), et Greg Neyret (Bamboo). Outre les expériences réciproques, cette séance a surtout été marquée par l’annonce faite par Arnaud Bauer de la création d’une plate-forme de distribution sur Internet qui permettrait virtuellement à chaque auteur de publier ses livres et de les offrir au public sous la forme d’une impression à la demande, un système qui permettrait d’effacer une bonne part de la chaîne du livre, de l’éditeur au diffuseur et au libraire. Cette solution a reçu une violente hostilité de la part des éditeurs présents dans la salle. Là encore, nous y reviendrons.

les éditeurs Arnaud Bauer (Manolosanctis), Thierry Groensteen (L’An 2) et Greg Neyret (Bamboo) avec Jean-Philippe Martin, conseiller scientifique de la Cité de la BD

Si cette université d’été n’a rien révélé de bouleversant, elle a permis aux personnes présentes de faire un état des lieux des rapports entre auteurs et éditeurs, ce qui n’est pas si mal.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

[1Boltanski, Luc, La Constitution du champ de la bande dessinée, Actes de la recherche en sciences sociales, 1, 1975, p.37-59.

 
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15 Messages :
  • Université d’été de la BD d’Angoulême 2011 : Quid de l’auteur ?
    11 juillet 2011 12:34, par Brigade aurtografik

    "laissait à croire" et non "laissait accroire".

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  • On peut donc en conclure, une fois de plus, que les éditeurs serrent les fesses : face au numérique ils deviennent dispensables. Il est bon de rappeler qu’à la base les éditeurs étaient des imprimeurs, les deux activités se confondaient (même dans le siècle passé en BD, Dupuis comme Casterman), et finalement dans la plupart des cas actuellement les éditeurs ne sont rien d’autres que les gens qui avancent l’argent pour payer l’impression en prenant au passage une marge énorme.

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    • Répondu le 11 juillet 2011 à  21:51 :

      Et occasionnellement paye des avances sur droits aux auteurs en faisant un pari plus ou moins risqué sur le potentiel commercial desdits auteurs. Pour minimiser ce risques certains éditeurs vont même jusqu’à accompagner leurs auteurs dans leur processus créatif, apportant une valeur ajouté au travail des auteurs.
      Cela fait des décennies que l’édition à compte d’auteur existe en romans, essais, etc.... Il n’en est pas sorti grand chose de bon et prouve par l’absurde que l’éditeur qui accompagne l’auteur, lui paye des avances, assure la promotion, la diffusion ET la fabrication (qui n’est donc qu’un aspect parmi d’autre de son travail) a un vrai role dans la création des oeuvres de nos auteurs chéris.

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      • Répondu par Tssss le 12 juillet 2011 à  04:01 :

        Cela fait des décennies que l’édition à compte d’auteur existe en romans, essais, etc.... Il n’en est pas sorti grand chose de bon

        Proust pas grand-chose ? Le roi des bourdons pas grand-chose ?
        Les auteurs de l’Asso pas grand-chose ?

        Quand on voit Continental Circus chez Paquet, les trucs Bamboo, Jungle ou autres qui sont censés être passés par des éditeurs, votre pitoyable tentative de les faire passer comme indispensables tombe à l’eau.

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        • Répondu le 12 juillet 2011 à  12:09 :

          ne-sont-ce pas ce que l’on appelle "les exceptions qui confirment le règle" :)

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          • Répondu le 12 juillet 2011 à  18:01 :

            Quand les exceptions sont nombreuses, ce ne sont plus des exceptions.

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      • Répondu par Tom le 12 juillet 2011 à  10:35 :

        Vrai que l’éditeur, quand il fait son boulot, accompagne vraiment l’auteur et son livre. Et j’imagine mal de nombreux auteurs se lancer dans l’auto-édition. Mais ne méprisons pas trop celle-ci ; cela donne parfois d’excellentes choses : David de Thuin, par exemple, auteur publiant aussi chez de gros éditeurs et qui s’est créé un espace à lui tout à fait intéressant. Les deux systèmes ne sont pas incompatibles.

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      • Répondu par Lieutenant Kaboom le 12 juillet 2011 à  12:31 :

        J’aimerais savoir,s’il vous plaît, en quoi l’éditeur intervient quant à la création d’un album ? Sur le scénario, le graphisme, la mise en couleur ? S’il a accepté de publier un projet auquel il croit, pourquoi intervenir sur la création pure qui est du ressort du ou des auteurs ?

        Force est de constater qu’actuellement, dans les rayons BD l’uniformité est en majorité de mise ! Derrière, il y a de nombreuses équipes de marketing qui ne connaissent pas vraiment leur boulot.

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    • Répondu le 11 juillet 2011 à  22:58 :

      Moi je dis : Attendons voir ce que donnera l’expérience des auteurs s’auto-éditant sur le Net... Je crains que l’enthousiasme ne retombe vite et que les rires, l’arrogance et le mépris laisseront la place aux pleurs... Si les auteurs pouvaient s’éditer eux-même, cela se saurait.

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      • Répondu le 12 juillet 2011 à  13:38 :

        Cela c’est déjà fait, pourtant : gotlib, mandryka, bretecher. Giraud/moebius, fred, godard & ribera, l’association...et j’en oublie.

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      • Répondu par batman le 12 juillet 2011 à  14:34 :

        mais cela se sait : Image comics aux usa, où aujourd’hui "l’auto-édition" représente la moitié du marché si ce n’est plus.Ah oui, Clint Eastwood est aussi un salaud d’autoédité, puisqu’il produit lui-même ses films.Ce qui reste est toujours le mérite des créateurs, pas des primates aux chevilles larges. Et puis quel orgueil d’enfant, à railler ce qui vient d’ailleurs, autre que les livres biodégradables qui pullulent et disparaissent aussi vite.Quelle gloire de se parer des mérites de l’argent qui souvent n’est que spéculation, magouille de pirates, ou subvention.
        Ensuite le problème, ce n’est pas les maisons d’éditions, mais les paranoïaques névrosés qui usurpent les places.

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        • Répondu le 14 juillet 2011 à  11:48 :

          Il y a confusion de termes faux-amis : Clint Eastwood "produit" ses films au sein du système des grands studios. Liberté relative, indépendance relative. Ce n’est pas du tout de l’autoproduction : l’argent est celui est studios, ce sont les studios qui assuren la diffusion, etc. Le film ne se fat pas sans l’accord du studio, qui se négocie (d’où le passage de l’un à l’autre dans la carrière d’Eastwood réalisateur), parfois au prix d’un film d’Eastwood-acteur pour le studio... Impossible, donc, de comparer le système de production cinématographique avec l’édition, et encore moins ene les deux continents... On commence par une comparaison déraisonnable comme celle-là, et on poursuit avec des approximations, généralisations et à-peu-près qui ne font pas avancer le débat. L’université d’été, justement, s’élevait au-dessus de ces propos de café du commerce.... Dommage de ramener le débat au niveau du comptoir...

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          • Répondu le 15 juillet 2011 à  17:48 :

            En films autoproduits il y a les films de Jean-Marc Barr (petits budgets), voire même JP Mocky.

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