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Van Hamme & Vance : Retour sur une success story

Par Nicolas Anspach le 25 février 2004                      Lien  
Véritable phénomène de l'édition, la série XIII connaît encore aujourd'hui un succès croissant avec près de 450.000 exemplaires vendus à la nouveauté. Nous avons rencontré William Vance et Jean Van Hamme afin de faire le point sur ce thriller machiavélique et commercial, et dont certains albums (Les Trois Montres d'Argent - L'Enquête) sont fort audacieux

Vous avez signé seize albums de la série XIII en vingt ans. Quel est, aujourd’hui votre album préféré ?

Van Hamme & Vance : Retour sur une success storyVan Hamme : Sur le plan graphique, les Trois Montres d’Argent offre une variété de décors, de personnages et d’ambiances mexicaines fort intéressante. Le passé et le présent s’y entremêlent. Par contre, j’apprécie la trame du diptyque Le Dossier Jason Fly et La Nuit du 3 Août. La quête de XIII y est plus intime, plus sensible. Je songe notamment à sa relation avec le vieil aveugle, Zeke Hattaway, qui fut le premier à reconnaître XIII. Ceci dit, je tiens à vous rassurer, je m’amuse à écrire chaque nouvel épisode...

Vance : Ma préférence va à Rouge Total car l’intrigue est cohérente. Le dénouement de cette machination y est très fort. J’ai adoré dessiner El Cascador car cet album contient beaucoup de scènes d’action.

Vous pouviez enfin dessiner un autre pays ...

Vance : Exactement ! Et puis, il n’y avait aucune scène de bureaux (Rires).

Cela confirme donc la légende. Il se dit que vous détestez dessiner des scènes où les personnages sont confinés dans des bureaux...

Vance : Vous verrez dans le prochain : Je sais les dessiner ! (Rires)

Van Hamme : Les scènes de bureaux sont statiques. Rien ne s’y passe, mis à part des comportements répétitifs : un personnage qui allume un cigare, un autre va se servir à boire, etc. Lorsque je découpe une scène de discussion, j’essaie donc de la placer dans un parc. Le dessinateur aura plus de facilité à se renouveler en axant son dessin sur certaines parties du décor ou sur les mouvements des personnages...

Vance : On peut cependant rendre une scène de bureau très vivante en adoptant un cadrage innovant.

Van Hamme : Dans ce type de scène, le dialogue est plus important que le dessin. Mais il y en a d’autres où le dessin est au service de l’histoire, et où les dialogues sont superflus. Je serais incapable d’écrire une scène d’action où un personnage parlerait en flanquant un coup de poing à un autre. Greg le faisait ... Mais c’est très bizarre comme scène.

Jean Van Hamme & William Vance

XIII, malgré son aspect grand public, est une série innovante. Je pense notamment à l’album Trois Montres d’Argent, où le passé a des liens très étroits avec le présent...

Van Hamme : C’est une gymnastique très amusante. Comme XIII ne se souvient pas de son passé, d’autres personnes le lui racontent. Nous pouvons donc utiliser des flash-backs relatant différentes époques, tout en étant en interaction avec la situation actuelle...

Jean Van Hamme, vous avez déclaré que vous arrêteriez prochainement de scénariser la série...

Van Hamme : J’assumerai le scénario de XIII jusqu’au dix-huitième album. William continuera à la dessiner. Il restera différentes niches exploitables pour un autre scénariste. Les rapports entre Jones et XIII peuvent également évoluer. Mais avant, je réglerai une fois pour toute le mystère qui concerne l’identité du personnage principal...

William Vance, pourquoi continuer ?

Vance : Je n’ai pas envie de le tuer. Je souhaite continuer la série, pour la laisser à un autre dessinateur. On m’a donné plusieurs fois la chance de travailler sur des reprises (Bob Morane et Marshall Blueberry). Je ne suis pas éternel, et mon devoir est d’un jour confier le dessin à un jeune auteur talentueux...

La série est composée de quatre personnages principaux : XIII, Jones, Carrington & Amos... Lequel est le plus proche de vous ?

Van Hamme : Amos disparaît à la fin de cet épisode. C’est un homme de l’ombre au caractère fort discret. Carrington est beaucoup plus extraverti, mais trop grande « gueule ». Je me sentirai plus proche de XIII et de Jones...

Pourquoi avoir supprimé Amos à la fin de ce nouvel album ?

Van Hamme : Je n’en avais plus besoin, tout simplement !

Avez-vous l’impression d’avoir réussi à faire passer de l’émotion à travers cette scène ?

Van Hamme : Cela dépend de l’affection que le lecteur pourrait porter pour ce personnage. Mais je ne pense pas qu’il en avait beaucoup. Elle s’est émoussée car Amos avait une faible implication dans les derniers albums. Il a eu un rôle de premier plan à jouer. Mais il ne faisait plus que suivre ses amis dans leur exil. Sans ces connexions, Amos n’est rien ! De plus, ce n’est pas un baroudeur, à l’instar de Carrington...

Sa disparition se règle en une page, ce qui est finalement fort peu pour susciter de l’émotion. Maintenant, si je voulais faire pleurer le lecteur, c’est Jones que je devrais tuer !

Greg confiait à Benoît Mouchart dans sa monographie (Dialogues sans bulles) : « J’attends que Van Hamme incorpore à ses histoires une vraie bouffée de cœur, quelque chose de sincère, d’humain et de désarmant. Il peut, mais cela lui fait peur. Il redoute le ridicule comme la peste ».

Van Hamme : J’avais lu cette phrase. Je ne suis pas d’accord avec ces propos. Une bouffée de cœur ne rend pas ridicule ! Mais ce n’est pas facile d’en mettre dans des récits d’espionnage. Par contre cet exercice est plus propice aux one-shots. Ils sont souvent plus intimistes. L’émotion, en bande dessinée, est très particulière car vous ne pouvez pas jouer sur certaines techniques : filmer le plan au ralenti, accompagner la scène d’une musique, etc.

C’est pour cela que les histoires d’amour sont fort peu présentes en bande dessinée.

Greg y est-il parvenu ?

Van Hamme : A certains moments, oui.

Quand il a supprimé le commando Caïman ?

Van Hamme : Non. Là, c’était un massacre (Rires). Trop c’est trop !

William Vance, vous expliquiez dans le dossier de presse d’ Opération MonteCristo que vous adoriez dessiner les scènes de nuit sous la pluie... Pourquoi ?

Vance : Les éléments naturels, tels que la pluie et la neige, apportent une atmosphère. Et puis, la nature est généralement fort belle à ces périodes. J’adore l’automne par exemple...

Van Hamme : La pluie apporte de l’émotion. Si je devais réaliser une scène représentant l’expulsion d’une veuve et de ses enfants d’un appartement. Elle aurait plus d’impact si le ciel est ombrageux et s’il pleut à verses...

Vous voulez que je vous invente une scène d’émotion pour XIII ? Lors d’une fusillade quelconque, une balle perdue vient toucher un pauvre chien. La caméra fixe le chien agonisant et, à ses côtés, son maître en larme...

Vu comme cela, c’est facile...

Van Hamme : Exactement. J’ai déjà utilisé cette technique dans Golden Gate, un épisode de (Largo Winch). Une balle perdue y avait touché un cheval. La caméra fixait son cadavre, avec un autre cheval près de lui, l’air triste...

Les personnages dénichent la troisième montre d’argent, et connaissent à présent le message codé qui était gravé dans celles-ci... Le lecteur est-il capable de résoudre son mystère ?

Van Hamme : Absolument ! Je suis certain qu’une personne va trouver. Ce n’est pas facile, mais certains aiment résoudre ce genre d’énigme. Ils en ont les moyens. Ils connaissent les mêmes éléments que nos héros qui, eux, vont trouver.

William Vance, connaissez-vous la clé du mystère ?

Vance : Evidemment !

Van Hamme : L’éditeur ne la connaît pas encore. Je ne lui ai pas envoyé le synopsis afin d’éviter les fuites.

Vous allez donc lui envoyer en dernier lieu les planches relatives à l’explication de ce mystérieux code.

Vance : C’est une idée (rires).

William Vance, n’avez-vous pas parfois l’impression d’être enfermé dans une prison dorée avec XIII ? Vous pourriez vous consacrer à des one-shots, ou à d’autres univers ...

Vance : Aucun one-shot ne suscite l’intérêt d’autant de lecteurs.

Van Hamme : Je ne me sens pas prisonnier d’une série. Je réalise un scénario en deux mois et demi. Après m’être consacré à XIII, je peux changer d’univers en réalisant un nouveau Largo Winch ou un Thorgal. Et puis, entre ces diverses séries, je voyage régulièrement avec mon épouse.

Et quand bien même ! Il est plus agréable d’avoir des barreaux dorés que d’autres plus rouillés.

William Vance, avons-nous un espoir de lire la suite des aventures de Bruce J. Hawker ?

Vance  : J’aimerais bien. Mais malheureusement, mes priorités sont autres. J’y travaille de temps en temps. J’en profite pour utiliser d’autres techniques, qui me permettent de percevoir la bande dessinée d’une autre manière.

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Les illustrations sont (c) Vance, Van Hamme & Dargaud

La photographie des auteurs est (c) Nicolas Anspach.

 
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