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Vincent Montagne contre les monopoles numériques

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 28 février 2013                      Lien  
Le président du groupe Média-Participations (Lombard, Dargaud, Dupuis, Kana...) est aussi le président en titre du Syndicat National de l’Édition. Aussi, quand il parle de politique numérique du livre, nous tendons l'oreille...

C’était pendant la conférence de presse du Salon du Livre de Paris (du 22 au 25 mars 2013, dont nous vous parlerons prochainement). Or, au cours du prochain Salon du Livre aura lieu une journée dédiée spécialement au numérique organisée par l’International Digital Publishing où sera présente Neelie Kroes, la commissaire européenne à la Stratégie numérique, le lundi 25 mars en début d’après midi pour parler des stratégies du numérique en Europe. "Nous allons parler de toutes ces questions de concentration et de distribution, thème majeur aujourd’hui qui secoue toute la chaîne du livre en Europe", nous dit Christine de Mazières, la déléguée générale du Syndicat National de l’Édition.

Vincent Montagne contre les monopoles numériques
Bertrand Morisset, directeur du Salon du Livre, Vincent Montagne, président du SNE et Christine de Mazières, déléguée générale du SNE
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

"Notre métier, c’est de servir des lecteurs et de provoquer la rencontre avec les auteurs, martèle Vincent Montagne, par conséquent, le support est toujours second par rapport à la création éditoriale. Néanmoins, il faut qu’émerge des liseuses et des tablettes interopérables et en cela, je rejoins les libraires : pour que cela fonctionne bien, il faut que l’accès éditorial vers les tablettes ne passe pas par un guichet unique ou un opérateur unique. La France a cette spécificité d’essayer d’éviter qu’il y ait un ou deux opérateurs qui trustent 80% des ventes du livre numérique, ce qui serait à mon avis très dommageable pour la création éditoriale."

Apple Store censure Lucky Luke

Il poursuit : "Je voudrais insister sur ce point en prenant un exemple, c’est celui de Lucky Lucky : En remontant le Mississipi qu’un opérateur numérique retoque parce que cet album assez ancien montre des noirs avec des grosses lèvres. Par conséquent, il interdit la vente sur son site. Cela s’appelle une censure. Qu’ils nous disent "pour le marché américain, on ne peut pas", c’est un choix, mais qu’il imposent cette censure en France, c’est inacceptable. Face à un tel acte de censure, il nous apparaît très important qu’il y ait un certain nombre d’offres numériques en parallèle."

Renseignement pris, il s’agit d’un des nombreux exemples de censure sur l’Apple Store où sont pareillement censurés toute nudité ou encore un baiser en pleine bouche de deux jeunes femmes dans Largo Winch...

Lucky Luke, étonamment censuré aux USA... et en France
(c) Morris / Goscinny- Ed. Dupuis.

"Il y a certainement des censures beaucoup plus graves que celles-là, convient Vincent Montagne. C’est un travail de fond pour la richesse éditoriale européenne. C’est en plus un acte économique : le gros intérêt dans nos métiers culturels, c’est justement la localisation. La complémentarité de la création éditoriale en Europe donne une richesse qui n’est pas délocalisable, ce sont donc des points de croissance pour l’Europe."

Augmentation unilatérale des prix

Et de plaider en faveur d’une baisse des prix sur le numérique : "En même temps, lorsqu’Apple, repasse les bande dessinées en numérique de 4.99 euros à 5.99 euros sous le prétexte d’une parité euro/dollar qui change, cela ne va même pas dans le sens du consommateur. Donc tout l’argumentaire européen s’effondre : les éditeurs français voulaient qu’Apple ne remonte pas ses prix."

Au passage, il fait un plaidoyer pro domo, en faveur de l’éditeur : "Je voudrais rappeler les auteurs et les éditeurs sont des co-créateurs. Plus de 40% de la création éditoriale est faite par des éditeurs. 60% viennent exclusivement des auteurs, mais le reste vient essentiellement des éditeurs qui portent des collections encyclopédiques ou des recueils ou d’autres qui s’étalent sur 20 ans ou 30 ans. C’est la capacité d’être à la racine de l’accompagnement d’un auteur, pas seulement pour un premier roman, mais sur 20 ans ou 30 ans. Dans nos discussions avec les auteurs, ils sont en parfaite adéquation avec cela. Une chose est de mettre un roman sur un site avec un contrat de 60 à 80 pages dans une langue étrangère qui a ensuite le contrôle du titre ad nutum. C’est tout à fait autre chose que de l’accompagnement éditorial. J’insiste sur ces 40% : Il se fait que c’est aussi la partie la plus rentable qui fait vivre la création en littérature. En bande dessinée, c’est particulièrement vrai parce qu’un dessinateur qui va mettre un an à dessiner un album, il faut l’accompagner sur plusieurs titres car sa série va peut-être mettre cinq ans à percer."

Harmonisation fiscale nécessaire

Autre sujet brûlant sur le numérique : la volonté de la France d’harmoniser la TVA entre le livre papier (actuellement de 5,5%) avec celle qui frappe le livre numérique (actuellement de 21%). Elle a décidé, en infraction avec la réglementation européenne, à appliquer le même taux de TVA réduit dans les deux cas : "Il faut qu’il y ait une neutralité fiscale entre le support papier et le support numérique. J’ajoute que quand on parle à la Commission Européenne et en particulier à Neelie Kroes, ils sont d’accord avec cette vision-là. Quand on initie un mouvement, il faut prendre quelques risques et la France a su prendre ce risque-là, sachant que c’est moins la Commission Européenne que les 27 états membres qui permet de changer le taux de TVA. Il faut considérer que le livre numérique n’est pas un service mais un produit comme le livre papier, c’est simplement le support qui change. Vous savez que lorsqu’un livre marche en numérique, il finit pas être édité sur le papier. Ce balancier entre les supports est très important et justifie que le numérique soit présent au salon de façon structurelle."

À cela s’ajoute la nécessité d’une harmonisation européenne de la TVA sur le livre qui va de 3% au Luxembourg à 25% au Danemark, mais c’est encore une autre histoire...

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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5 Messages :
  • un dessinateur qui va mettre un an à dessiner un album, il faut l’accompagner sur plusieurs titres car sa série va peut-être mettre cinq ans à percer

    C’était vrai dans les années 90... Mais depuis, il y a eu du changement...C’est le moins qu’on puisse dire...

    Est-il aussi sourd qu’aveugle ou c’est juste de l’intox ?

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  • Vincent Montagne contre les monopoles numériques
    28 février 2013 14:51, par Alban Day-Scinnais

    Or, au cours du prochain Salon du Livre aura lieu une jour au née dédiée spécialement au numérique

    j’imagine qu’il s’agit d’une "journée"

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  • Vincent Montagne contre les monopoles numériques
    28 février 2013 15:01, par Alban Day-Scinnais

    Renseignement pris, il s’agit d’un des nombreux exemples de censure sur l’Apple Store où sont pareillement censurés toute nudité ou encore un baiser en pleine bouche de deux jeunes femmes dans Largo Winch...

    Le Figaro avait fait de même lors de la pré-publictaion de l’album en "découpant" la planche concernée pour faire disparaitre la scène en question...

    Répondre à ce message

  • Je vais peut être passer pour un troll, mais bon. Quand un president de SNE s’étonne de la censure d’un ouvrage sur un support de vente américain, n’est ce pas là l’aveu d’une forme d’inculture ? Si la richesse culturelle européenne doit passer par la diffusion de clichés au combien nécessaire à l’histoire de la BD. Qu’il se rapproche d’une société capable de mettre en place des supports de ventes ou tout sera permis.

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  • Vincent Montagne contre les monopoles numériques
    1er mars 2013 01:50, par Willi

    Je voudrais rappeler les auteurs et les éditeurs sont des co-créateurs.

    Rien n’est plus faux, les auteurs sont les seuls créateurs. Quand un éditeur signe des albums (comme Yves Sente) il n’en est que le repreneur, pas le créateur, ou alors (comme Delcourt sur Sarkozyx) il a un scénariste qui fait le boulot (Lupano).

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