Des souvenirs vieux d’un demi-siècle, ça vous rajeunit un homme ! François Walthéry, 72 ans « aux chanterelles », comme on dit dans Johan et Pirlouit, était en pleine forme hier, quand il s’agissait d’évoquer Peyo à qui le Centre Wallonie-Bruxelles de Paris consacre en ce moment une exceptionnelle rétrospective.
Lors de cette soirée où se trouvaient sur scène les commissaires de l’exposition, Hugues Dayez et José Grandmont, Walthéry s’est souvenu de ses débuts chez Dupuis, lorsque, accompagné par sa mère, il était venu voir l’éditeur en 1962 à la Galerie du Centre à Bruxelles, en omettant d’apporter ses planches originales. Sa mère le gifla, devant Charles Dupuis, pour son oubli. Ce dernier n’eut plus qu’à prendre sa défense !
Premiers travaux
C’est la qualité de ses décors qui avait attiré l’œil de Peyo à qui l’éditeur carolorégien avait montré les planches du débutant, mais aussi celle de son encrage, très précis. Il lui est alors demandé de « silhouetter » les personnages. Ce terme emprunté au cinéma d’animation signifiait encrer le dessin : « Quand on encrait un dessin de Peyo, explique Walthéry, on n’avait presque pas besoin de gommer, tellement c’était précis. On ne redessinait pas dessus, on passait sur le crayonné, c’était compliqué ! »
Quand on parle de « studio Peyo », il faut relativiser. C’était une pièce attenant à la maison de l’artiste. « J’avais 17 ans –on était mineur jusqu’à l’âge de 21 ans à l’époque- et je me retrouvais tout seul avec un type de 36 ans. Il avait affaire à un adolescent, vous voyez à peu près ce que c’est. Il m’a mis dans le bain tout de suite en me faisant travailler avec lui sur « Schtroumphonie en ut », un épisode paru dans l’album « Le Schtroumpfissime », plus une page toutes les semaines d’une histoire qui paraissait dans Le Soir illustré [Jacky et Célestin. NDLR]. J’apprenais un métier en immersion : pas d’état d’âme, il fallait que le boulot soit terminé. »
Un "pénible du dessin"
Des travaux souvent effectués la nuit.« C’était un travailleur qui prenait du temps pour faire sa planche, nous explique encore Walthéry. Il disait souvent : « Je suis un pénible du dessin ! ». On aurait voulu être pénible comme lui ! »
Walthéry raconte qu’avec Peyo, un petit groupe "de créativité" : Franquin, Will, Tillieux, Delporte… se réunissait souvent pour aider les uns et les autres à se décoincer d’une situation scénaristique ou d’un dessin trop compliqué.
Par exemple, Hugues Dayez souligne le fait, Peyo est incapable de faire un dessin inquiétant : c’est Franquin qui dessine le Cracoucass ou le château lugubre du Sortilège de Maltrochu. Pour La Schtroumpfette, Walthéry raconte l’anecdote suivante : Peyo ne s’en sort pas, multiplie les croquis, aucun ne le satisfait… Franquin passe le voir, se saisit de l’un deux et lui dit : « - Mais la voilà, ta Schtroumpfette ! ». C’était celle que l’on connaît aujourd’hui…
Voici quelques-unes des anecdotes que les quelques Parisiens chanceux ont pu entendre hier dans une salle comble. Un joli moment de célébration d’un génie de l’École belge.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Expo Peyo
Jusqu’au 28 octobre 2018
CENTRE WALLONIE-BRUXELLES
127-129 Rue Saint-Matin
75004 Paris
(Face au Centre Georges Pompidou - Beaubourg)
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