Une villa cossue dans un quartier de Berlin, accueillant des dignitaires nazis occupés à régler le "problème juif". En ce début d’année 1942, le vocable « solution finale » devient un leitmotiv, et chacun va comprendre au fil de la discussion qu’il est question d’éliminer physiquement 11 millions de Juifs.
Les rares réticences font long feu : camions capables de gazer des prisonniers durant un trajet routier, disparition des corps dans des fours crématoires : toute la logistique de la Shoah est planifiée en deux heures, dans une ambiance de bilan comptable, au milieu des volutes de fumée de cigarettes et des tintements de verres d’alcools fin.
Fabrice Le Hénanff a choisi un huis-clos éprouvant pour mettre en scène cette conférence macabre, fondamentale dans la compréhension de la vision raciste du régime hitlérien. Ses personnages, décrits avec précision au début du récit, manifestent un certain charisme. C’est à la fois insupportable et logique, l’auteur s’étant appuyé sur des documents officiels de l’époque. Et pas surprenant quand on sait à quel point l’ordre et la discipline s’érigeaient en art de vivre du côté de Berlin.
On peut s’interroger sur le choix esthétique de l’auteur, qui valorise ces criminels de sang froid, mais la mission éducative, la pertinence historique méritaient ce récit en BD. Les références de fin de volume, certes imprécises [1] donnent de riches possibilités d’approfondir.
Et le travail remarquable de Le Hénanff en matière de décors et d’ambiances crépusculaires, avec des cases aux allures délavées, approche souvent les qualités de peintures hyper-réalistes.
(par David TAUGIS)
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