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Warnauts & Raives ( "Les Temps nouveaux" ) : "Les rancœurs envers les rexistes sont toujours existantes dans les campagnes"

Par Nicolas Anspach le 9 février 2011                      Lien  
{{Warnauts}} et {{Raives}} reviennent dans la prestigieuse collection {Signé} du Lombard en publiant le premier volume des {[Temps nouveaux->art11379]}, un récit évoquant le rexisme (mouvement belge d'inspiration nazie) dans la campagne ardennaise. Une histoire où se mêlent tensions familiales, passions amoureuses et idéaux politiques divergents.

Warnauts & Raives ( "Les Temps nouveaux" ) : "Les rancœurs envers les rexistes sont toujours existantes dans les campagnes"Comment naissent vos histoires ?

Guy Raives : De rencontres, de moments vécus dans notre vie ou par nos proches, de réactions par rapport à des événements historiques. Dans les Temps nouveaux, nous avons mis en scène ma région, mon village. Je l’ai un peu réinventé car je ne voulais pas que l’on réalise une reconstitution historique. Il était préférable de maintenir le flou pour une autre raison : nous abordons des événements politiques qui ont eu lieu avant la Seconde Guerre mondiale. Il y a toujours dans rancœurs dans ma région, à propos des rexistes. Même après plus de soixante ans après la fin de la guerre. La Roche/Erezée, dans les Ardennes belges, était la deuxième région qui apportait le plus de voix à ce parti, juste après Bouillon [Ville d’origine de Léon Degrelle, le leader belge de l’extrême droite pro-nazie. NDLR] . Il y a toujours des tensions lorsque l’on aborde ce sujet et des gens qui ne se parlent plus depuis cette époque ! Rex était très présents dans les campagnes qui étaient les lieux les plus catholiques du pays.

La grand-mère de mon épouse est décédée à cent ans. Elle m’a beaucoup parlé des deux Guerres mondiales. J’ai rencontré d’autres témoins de cette époque. Ses discussions m’ont nourri. Et puis, un jour, j’ai eu assez de contenu pour raconter une histoire qui aborde ce sujet. Éric Warnauts a également des proches qui ont participé à la guerre. On s’était déjà inspiré de son passé familial dans L’Innocent.

Votre album fait également écho à ce qui se passe actuellement en Belgique.

GR : Effectivement. Les Temps nouveaux est aussi une parabole de l’actualité belge, de la montée du nationalisme dans le pays. Il faut regarder le passé pour mieux comprendre l’avenir. Je ne dis pas que l’histoire trébuche et se répète, mais il y a des similitudes étonnantes. Les discours que Paul-Henri Spaak a prononcés en 1938 sont fort actuels. La montée du populisme n’existe pas qu’en Belgique. Elle est présente dans toute l’Europe. Quand on évoque Rex, on parle du populisme wallon. Mais il y avait aussi, à l’époque, des mouvements populistes en Flandre. Rex était même présent à Anvers. Dans le deuxième album, nous évoquerons les raisons de la libération des prisonniers flamands par les Allemands. Ils ont été relâchés plus rapidement que les Francophones après l’invasion. Ce sont des petits éléments de l’histoire qu’il est intéressant de rappeler.

Vous avez donc construit une histoire mettant en scène les antagonismes entre deux frères : Thomas est communiste et Charles, rexiste. Ce dernier ne supporte d’ailleurs pas Adolf Hitler.

GR : Oui. Ce n’est pas parce que l’on était rexiste, que l’on était forcément fasciste. Certains rexistes avaient des limites. Mais ils étaient très engagés, très nationalistes. On peut le lire dans de nombreux textes.

E. Wartnauts : Il y a eu une brisure dans le rexisme lorsque la guerre s’est déclarée. Certains membres du mouvement ont collaboré. Mais d’autres ont rejoint la Résistance. Léon Degrelle avait une véritable personnalité. C’était un tribun et un baratineur. Il a tiré profit des faits de corruption d’autres mouvements politiques, notamment catholiques, pour asseoir sa notoriété. Beaucoup voulaient que la « Belgique oligarchique » soit déboulonnée après la crise de 1929.

L’Afrique est à nouveau en filigrane de ce récit. Pourquoi ?

EW : Le Congo était une colonie belge à l’époque où se déroule le récit. Thomas n’aurait pas pu revenir d’un autre pays, même s’il a bourlingué auparavant.

Les aspects politiques et géopolitiques priment sur les relations humaines

EW : Vous trouvez ? Nous racontons aussi une histoire d’amour et la relation tendue entre les deux frères, Thomas et Charles. Mais il faut que vous imaginiez l’époque. En 1938 et 1939, les gens sentaient arriver la guerre, les tensions, donc forcément les événements politiques sous-tendent les discussions. C’était même la chose essentielle pour la plupart des gens. Imaginez-vous que si une guerre européenne éclatait maintenant. Notre discours serait différent. On en parlerait souvent avec nos amis, et même sans doute dans des interviews. On ne pourrait pas s’en empêcher. C’était une époque charnière, et on sentait que quelque chose se préparait...

GR : Et puis, notre récit se passe quelques temps après que le Front Populaire ait permis de réaliser des réformes sociales importantes. Le mouvement rexiste émergea au même moment. La période était très intense politiquement. Il était logique que la politique ait des répercussions sur la sphère privée. Mais Les Temps nouveaux est aussi une grande histoire d’amour.

Cet album est publié dans la collection « Signé » du Lombard. Pourquoi avoir changé d’éditeur ?

GR : Il était temps de changer. Nous avions un excellent contact avec Gauthier Van Meerbeeck, l’un des éditeurs du Lombard. La collection nous plaisait. Casterman pêche peut-être, pour l’instant, par un manque de visibilité par rapport à des livres comme les nôtres. Ils n’ont plus réellement de collection pour nous accueillir. Il fallait que nous nous positionnions en prenant cette décision.

EW : Des amis nous ont confié qu’il y avait un état d’esprit particulier au Lombard. Et puis, de nombreux auteurs que nous apprécions ont été publié dans Signé. Nous y avons retrouvé l’enthousiasme. Cela nous manquait. Peut-être qu’au bout d’un certain temps, nous faisions partie des meubles de Casterman ? Nous cherchions une émulation. Et les gens passionnés, il y en a de moins en moins dans ce milieu.

Croquis

Quels sont vos projets ?

GR : Terminer le dernier tome de ce diptyque. Le premier album se déroulait avant la déclaration de la guerre. Et le second commencera à la libération de Liège. Cette coupure amènera un dynamisme. Nous allons raconter ce qui s’est déroulé entre les deux périodes. La Bataille des Ardennes va apporter une dynamique au récit. Les habitants des Ardennes ont vécu des moments particuliers. La guerre était finie, puis est revenue. La contre-offensive Von Rundstedt a failli réussir.

EW : Après, dans nos projets, nous avons deux pistes. Un récit qui se déroulera en Haïti, et qui sera scénarisé par quelqu’un d’autre. Et un album qui se passerait à New-York.

Comment expliquez-vous votre bonne entente. Vos premiers albums datent de la fin des années 1980…

EW : un jour, lors du festival de la BD de Saint-Malo, un journaliste nous a posé la même question. Nous lui avons résumé notre manière de travailler. Il nous a répondu : «  Ah ! Deux auteurs, un égo ». C’est une jolie expression, qui nous convient parfaitement.

Crayonné d’un ex-libris réalisé pour la librairie Brüsel

(par Nicolas Anspach)

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Eric Warnauts & Guy Raives sur Actuabd.com, c’est aussi :
- Des chroniques : Les Temps Nouveaux T1, Liberty, A Coeurs Perdus, Fleurs d’ébène.
- Une interview : "La question est toujours plus importante que la réponse" (Septembre 2008)


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Illustrations (c) Warnauts, Raives & Le Lombard
Photo des auteurs : (c) Nicolas Anspach

 
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