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Waterloo - La Bataille est en librairie ! (2/4)

Par Charles-Louis Detournay Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 13 juin 2015                      Lien  
Dupuis, Le Lombard, Glénat, Casterman, Bamboo, Sandawe, et d'autres éditeurs ont multiplié les nouveautés pour commémorer le bicentenaire de la Bataille de Waterloo. Passage des troupes en revue, à commencer par les ouvrages qui s'intéressent à la Bataille proprement dite.

Près d’une dizaine d’albums sont sortis ces derniers jours pour illustrer le dernier acte du destin d’un homme qui changea la face de l’Europe, et donc du monde. Vu l’ampleur de la thématique, chaque album a essayé de se démarquer, de faire preuve d’originalité, ou tout simplement de clarté. En effet, si le sujet de la Bataille de Waterloo est largement traité et répandu, bien moins nombreux sont les érudits qui peuvent expliquer ce qui s’y est réellement déroulé.

Commençons donc ce tour d’horizon avec trois albums focalisés précisément sur la bataille : Waterloo - Le Chant du départ, réalisé par Maurizio Geminiani, Bruno Falba, Andrea Meloni & Christophe Regnault chez Glénat ; Waterloo par Mor, TemPoe, Daniel & Courcelle sous le label Sandawe ; ainsi que le premier récit Waterloo, un classique du genre, paru dans l’intégrale Napoléon (Le Lombard), écrit et dessiné par Liliane & Fred Funcken.

Waterloo - La Bataille est en librairie ! (2/4)
Waterloo - Le Chant du départ} - Par Bruno Falba, Maurizio Geminiani, Andrea Meloni & Christophe Regnault (Glénat)

Waterloo - Le Chant du départ

Waterloo, le chant du départ (Glénat) n’est pas une BD qui séduit par son graphisme : c’est quasiment une production de studio, "à l’américaine", avec Christophe Regnault au storyboard, Maurizio Geminiani = au dessin et à l’encrage, ce dernier soutenu par Christian Dalla Vecchia, les couleurs étant assurées par Luca Bancone et Mads Factory.

Mais il serait dommage de passer à côté d’un album formidablement bien raconté par Bruno Falba qui ne découvre pas le sujet de Bonaparte puisqu’il l’avait traité déjà en 2010 dans la collection Soleil Ésotérique avec le deuxième tome d’Antichristus où il décrit le jeune général en Égypte entouré de Francs-maçons, cherchant le trésor des Templiers à Saint-Jean d’Acre...

Waterloo - Le Chant du départ} - Par Bruno Falba, Maurizio Geminiani, Andrea Meloni & Christophe Regnault (Glénat)
Waterloo - Le Chant du départ} - Par Bruno Falba, Maurizio Geminiani, Andrea Meloni & Christophe Regnault (Glénat)

Après avoir traité d’un épisode (très romancé) du début de la carrière de Napoléon, Falba s’intéresse cette fois à la bataille fatidique. L’idée géniale est de faire raconter l’histoire, à Gosselies en Belgique, quelques heures à peine après la défaite de l’empereur, par le baron Larrey, le médecin de l’armée du nord en charge des ambulances de la garde : or, qui mieux que le médecin-chef d’une armée en déroute peut débriefer au plus près les résultats d’une bataille ? Il le fait d’autant mieux que son interlocuteur est rien moins que le Feld-Maréchal Blücher, le Prussien qui renversa le sort de la bataille que le fieffé Bonaparte aurait bien pu gagner encore sans la trahison et le manque de diligence de certains de ses généraux.

Le rapport de force est formidablement décrit dans sa dramaturgie même par les deux hommes dans un dialogue qui n’est pas sans rappeler Le Souper (1989), la magnifique pièce de théâtre de Jean-Louis Brisville qui mettait en scène Fouché et Talleyrand justement quelques jours après la fameuse bataille. L’album se clôt par un dossier historique de l’historien Jean Tulard qui vient éclairer le contexte historique de la bataille. Et comme on sait, le président d’honneur de l’Institut Napoléon est l’un des meilleurs connaisseurs français du Premier Empire.

Waterloo - Le Chant du départ} - Par Bruno Falba, Maurizio Geminiani, Andrea Meloni & Christophe Regnault (Glénat)

Waterloo : les trois albums de Sandawe

Waterloo par Sandawe, la version française

Saluons le coup de maître habilement joué par l’éditeur participatif : réaliser la bande dessinée officielle du Bicentenaire de la Bataille de Waterloo. Il faut dire qu’il a ses bureaux pas loin du quartier général de l’empereur... Pour répondre aux attentes des officiels, il n’a pas eu de mal à respecter un cahier des charges qu’on imagine scrupuleux. Il en publie trois éditions différentes en quatre langues :

- L’album classique qui conte bien évidemment la reconstitution historique de la bataille en 32 pages de bande dessinée, ainsi qu’un dossier de quinze pages sur Napoléon, les cents jours, la campagne de Belgique, la Bataille de Waterloo, mais également les reconstitutions auxquelles s’ajoutent un portrait de Patrice Courcelle, une des références dans le domaine de l’illustration napoléonienne.

Waterloo par Sandawe : la couverture "Wellington"

Un détail fait sourire : cet album est disponible en français avec Napoléon en couverture, tandis que Wellington trône sur les éditions anglaise, néerlandaise et allemande.

- Une version collector sous jaquette de l’édition française et limitée à mille exemplaires qui reprend le précédent contenu, ainsi qu’un dossier complémentaire centré sur les reconstitutions historiques de la Bataille de Waterloo qui viennent égayer chaque année la morne plaine, truffé comme il se doit de photographies des dites reconstitutions. On y trouve un tiré à part d’un portrait de Napoléon. La couverture de cet album présente Napoléon seul face au drapeau français. Belle image.

- Un troisième album, enfin, de plus de 300 pages intitulé Waterloo - Les Secrets de la Bataille, détaille par le menu toutes les questions historiques : quelles erreurs ont fait perdre Napoléon ? Est-ce qu’un officier français fut coupé en deux par un boulet alors qu’il se trouvait à côté de l’Empereur ? Comment se trouvait l’état du terrain, au point que des soldats anglais ont dû y abandonner leurs chaussures, collées dans la boue ? Etc.

Waterloo (Sandawe) - version spéciale reconstitution

Le choix d’évoquer la Bataille de Waterloo en trente-deux pages relevait bien entendu de la gageure.On est obligé de faire l’impasse sur les Cents Jours ou sur la Bataille de Ligny qui a précède : le récit débute dans la nuit du 17 au 18 juin, alors que les diverses factions se préparent au choc ultime. Habilement, le scénariste TemPoe utilise les dialogues entre des personnalités historiques ou des quidams pour poser les réalités du moment : la stratégie militaire, les doutes, la faim, les conditions climatiques, etc.

Ceux qui veulent comprendre comment s’est déroulée la bataille opteront préférentiellement pour cette version par rapport à l’album détaillé : quatre cartes expliquent les mouvements de troupe et la progression de la bataille. Même le dessinateur Mor ne réalise pas beaucoup de plans larges (sans doute à cause du nombre restreint de pages), la scène de l’affrontement sur la crête où se trouve Wellington en fin de journée est bien mieux explicitée que dans Le Chant du départ.

Le traitement des personnages est également différent. Alors que l’album paru chez Glénat met en avant la fougue du Maréchal Ney, voire son emportement qui pousse Napoléon vers la défaite, la vision de TemPoe s’appuie sur sa bravoure. L’album de Sandawe présente également Napoléon mentant délibérément à ses troupes annonçant à tort l’arrivée de Grouchy, tandis que dans Le Chant du départ, il demande seulement qu’on en répande la rumeur et, alors que la vieille Garde se meurt, ses généraux doivent le ceinturer pour l’empêcher de les rejoindre. Le scénariste Bruno Falba glisse d’ailleurs ses mots dans la bouche de l’empereur : "Laisse-moi, je veux mourir avec eux !" L’album de Glénat dresse donc une plus belle et plus vertueuse image de Napoléon, tandis que Sandawe, sans doute pour des raisons commerciales, compose avec la vision internationale de la Bataille, sans doute pour mieux assurer son tirage en quatre langues... Il faut dire que du point de vue des vainqueurs de la Bataille, le rôle de Napoléon est moins glorieux...

Waterloo (Sandawe) : une page de la bande dessinée réalisée par Mor, TemPeo, Daniel & Courcelle

En dépit du grand soin apporté au récit de l’édition Sandawe, d’autres points dissonants affleurent : ainsi le "Merde" attribué à Cambronne fortement mis en avant alors que tous les autres récits soulignent l’équivoque à ce propos (

Enfin, s’il faut souligner l’intérêt du choix de la collaboration de Patrice Courcelle, spécialiste dans l’iconographie de l’Empire, pour épauler le dessinateur Mor dans la précision apportée aux costumes et aux éléments historiques. Certains lecteurs auront sans doute quelques difficultés à apprécier son dessin, en particulier dans le traitement des visages parfois trop approximatifs, ce qui nuit à l’identification du lecteur pour les héros qui tiennent le fl de l’histoire, comme le petit tambour choisi par les auteurs.

En dépit de ces quelques écueils, Sandawe a joliment relevé le défi de réunir une bande dessinée et dossier historique dans un album de 48 pages que l’on retrouvera forcément dans les mains des nombreux visiteurs du site dans les jours qui viennent. Une introduction plutôt plaisante à la compréhension de la Bataille qui conviendra sans doute aux néophytes.

Les Funcken sortent du lot

Figures de proue de la bande dessinée historique des années 1950 à 1980, Fred & Liliane Funcken ont travaillé d’abondance sur les costumes militaires et s’avéraient passionnés par l’époque napoléonienne. Au sein de la très belle intégrale réalisée par Le Lombard, on retrouve quinze courts récits et des documents publiés dans le Journal Tintin entre 1953 et 1965, ainsi qu’une histoire de 44 pages intitulée Le Sultan de feu. Nous développerons ces éléments dans notre prochain article consacré aux biographies de Napoléon. Mais intéressons-nous aujourd’hui au premier 44 pages de cette intégrale traitant exclusivement de la Bataille de Waterloo.

Le dossier de Jacques Pessis revient rapidement sur ce couple emblématique de la bande dessinée, et la passion que vouait Liliane Funcken à Napoléon. Après avoir convaincu son mari, ils se lancent en 1990 dans la réalisation d’un récit complet retraçant La Chute de l’Aigle, et qui sera édité en 1993 chez l’éditeur Mémoires d’Europe (Hélyode). Il a donc fallu attendre vingt ans pour que ce récit soit enfin diffusé plus largement, via cette intégrale qui vient de paraître au Lombard.

Deux livres réalisés par les Funcken sur les costumes du Premier Empire

D’emblée, le style des Funcken s’impose : si des lecteurs le trouvent vieillot, ils lui préféreront certes la mise en page moderne du récit du Glénat. Mais ce dédain pour a facture classique lui ferait pourtant passer à côté d’une véritable œuvre de bande dessinée qui n’a rien perdu de sa force.

La première édition de "Waterloo" par Liliane & Fred Funcken (1993)

Comme dans le récit paru chez Glénat, les Funcken mettent en scène un duo de personnages fictifs, dont un médecin, mais quii vivent cette journée du 18 juin principalement de l’extérieur, en commentant ce qu’ils observent du champ de bataille. Cette astuce permet d’avoir une réelle identification à ces personnages : les huit premières pages leur sont presque essentiellement consacrées, de façon à entrer en douceur dans cette immersion napoléonienne.

Le travail minutieux sur la représentation des costumes militaires n’a pas entravé l’habile machinerie des Funcken. Après une douce entrée en matière, le contexte est posé par une carte, avant que l’armée ne se mette en marche. Le point de vue des deux camps adverses sont évoqués avec force détails (notamment sur ce qui vit Grouchy, le grand oublié des précédents récits). Si les hors-textes sont plus nombreux, les auteurs n’hésitent pas à faire parler les personnages historiques dans une belle harmonie. Le lecteur reçoit son content d’explications stratégiques, de même que la disposition des bataillons. Ces données, ainsi que le descriptif des forces en présence et le décompte des victimes, sont insérées dans des moments d’actions particulièrement bien réalisés.

Si l’ensemble des plancheslaisse transparaître l’atroce boucherie qu’a été cette bataille (Pessis décrit dans le dossier l’horreur qui submergea Fred Funcken sur la fin du récit), des pauses salutaires sont placées ça et là : une demi-douzaine de cartes expliquent très précisément les déplacements ; on retrouve un très beau rendu en perspective de la Ferme d’Hougoumont, l’un des points névralgiques de la bataille, et des explications sont données sur l’usage décisif de certaines armes, comme le shrapnell. Par rapport aux précédents albums, la qualité graphique est incomparable, même si certains tons de couleur imposent de lire le récit dans une bonne lumière.

Napoléon, l’intégrale - Par Liliane & Fred Funcken - Le Lombard

L’ensemble de ces éléments permet au lecteur de vivre au plus près de la bataille, et l’on ressent même une forme de suspense, venant à espérer que le cours de l’Histoire change, donnant une autre issue à la bataille... avant de découvrir l’évocation réussie de la retraite, au cours de laquelle certains affrontements eurent encore lieu. Malgré une ambiance quelque peu désuète, le récit des Funcken parvient donc à rivaliser sans problème avec le traitement humain du Chant du départ et les explications stratégiques qui caractérisent l’album de Sandawe. Nous avons ici une vision enrichie de la bataille, le dossier historique en moins.

Le grand absent

En définitive, l’album hors-série d’André Osi ne sortira pas.

Depuis 2009, André Osi s’est lancé dans une biographie très détaillée en quinze volumes de la vie de l’empereur. C’est donc avec intérêt que nous avions pris connaissance de la sortie d’un album hors-série, qui consacré uniquement à la Bataille de Waterloo,au moment de couvrir l’actualité du bicentenaire.

Malheureusement, nous avons appris récemment que cet album n’a pu être terminé à temps : il ne verra donc pas le jour. Les planches ne seront bien entendu pas perdues, car elles viendront s’insérer dans le quinzième et dernier tome de la série. Quant à la couverture qui ne pourra pas être réutilisée, elle fera sans doute l’objet d’un ex-librix ou le bonheur d’un collectionneur.

Dans le prochain article de ce dossier, nous reviendrons d’ailleurs plus en détail sur les différentes biographies consacrées au perdant de cette bataille : Napoléon

Une planche de l’album hors-série qui sera certainement ré-utilisée pour le tome 15.
Napoléon - Par André Osi - Editions Joker

(par Charles-Louis Detournay)

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Concernant Waterloo - Par Mor, TemPoe, Daniel & Courcelle (Sandawe), commander :
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- l’édition collector en francais sur le site de sandawe
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Lire notre premier article de ce dossier : Waterloo - La bataille de la bande dessinée (1/4)

 
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