Alors que la bande dessinée pâtit outre-Rhin d’une réputation assez médiocre, Wilhelm Busch est, lui, une véritable institution. Poète, peintre et dessinateur prolifique, très célèbre de son vivant, son œuvre fait à ce point partie de la culture populaire allemande que l’on en trouve encore un recueil dans presque chaque foyer. Plus largement, ses histoires satiriques dessinées et légendées en vers aux rimes savoureuses font de lui l’un des pères fondateurs du 9ème art.
Parmi ses personnages les plus fameux, Max und Moritz, duo de gamins infernaux qui terrorisent leur village en s’attaquant à tous les représentants de l’ordre, ont inspiré les fameux Katzenjammer Kids de Rudolph Dirks. Ils ont également donné son nom à la plus haute distinction de la bande dessinée allemande : le Max-und-Moritz-Preis, qui est décerné tous les deux ans dans le cadre du festival de la bande dessinée d’Erlangen à un auteur germanophone ainsi qu’à des auteurs internationaux – Loisel, Tardi, Cosey, Van Hamme ou Christin comptent parmi ses lauréats francophones.
Timbres de la Deutsche Post représentant un autre des héros de Busch, Hans Huckebein, pièce d’argent à son effigie, mais surtout plusieurs expositions présentées à Hanovre, où se trouve le Musée Wilhelm Busch, ont marqué l’année 2007.
L’un des projets-phare du programme de commémoration visait à relier l’œuvre du génial ancêtre à celle des auteurs allemands de bande dessinée de ce début de XXIème siècle. Une exposition et un livre, sous le titre Wilhelm Busch und die Folgen (Wilhelm Busch et ses suites), rassemblent les travaux de dessinateurs plus ou moins actifs sur un marché de la bande dessinée moins foisonnant que le nôtre.
À tout seigneur, tout honneur : l’incontournable Ralf König (édité en français par Glénat), chroniqueur des mœurs contemporaines (celles des homos et, au-delà, d’une société en quête de nouveaux repères), que l’on trouve dans toutes les librairies du pays, signe la couverture du recueil et l’un des hommages à Busch les plus réjouissants, transformant Max et Moritz en petits obsédés forniquant en rime !
Mais ce livre est aussi l’occasion de (re)découvrir bon nombre de jeunes et moins jeunes auteurs de bande dessinée allemands, aux styles très variés. Volker Reiche, dessinateur underground des années 70, nous offre ainsi un récit entièrement réalisé à la peinture d’une noirceur enthousiasmante, bel hommage à la misanthropie de Busch ; Martin Tom Dieck nous régale de son graphisme si particulier dans une histoire presque dénuée de texte ; Ulf K. et Martin Baltscheit, surtout connus pour leurs livres pour enfants et leurs quelques travaux de BD comme Un tango avec la mort chez Treize Etrange, s’en passent eux totalement ; Flix, talentueux auteur de Héros (éditions Paquet), évoque sa découverte, petit, des histoires de Busch… Deux auteurs de "germanga" (manga allemand) sont également de la partie, DuO et Anike Hage, qui adaptent avec talent, dans un style résolument contemporain, des intrigues datant du XIXème siècle.
On perçoit bien, au fil de ces histoires, la place de Wilhelm Busch dans la culture allemande, la force de son imaginaire, qui inspire encore les dessinateurs contemporains, voire même la contribution qu’il a pu apporter à certaines vocations. Ce recueil, si sa lecture reste pour l’instant réservée aux germanophones, offre par ailleurs un échantillon de la création de bande dessinée allemande contemporaine d’une qualité et d’un intérêt indéniables. S’il est vrai que la bande dessinée du futur est dans le mixage des cultures, il serait dommage de passer à côté de celle de nos voisins !
(par Arnaud Claes (L’Agence BD))
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