Si son éclat est moins éblouissant que celui de ses compagnons Franquin, Morris, Peyo, ou Tillieux, il n’en est pas moins important : il contribue à leur intensité. Il fait partie des épaules -comme celles de Jijé- sur lesquelles ces grands noms se sont hissés pour atteindre à la gloire.
Considérer Will comme un "petit maître" est une erreur : son compagnonnage avec Jijé, Franquin, Peyo, Tillieux, Macherot, Yvan Delporte, Goscinny, Walthéry... montre qu’il est dans le noyau d’un processus créatif qui porte la bande dessinée belge aux premières place de l’histoire du genre.
Ce qui frappe chez Will, c’est l’extraordinaire étendue de ses aptitudes : un trait précis et clair, appuyé sur une observation documentée, un sens unique de la composition et de l’espace et une dimension plastique qui explique pourquoi ses collègues feront souvent appel à ses qualités de décoriste, une culture graphique sans ostentation, une maîtrise des couleurs héritée de l’apprentissage chez Jijé, une sensualité enfin, rarement atteinte par ses collègues.
Cette exposition en fait l’absolue démonstration. Il faut coller son nez sur les originaux, se perdre dans le détail de ses arrière-plans (la précision et la justesse de ses décors parisiens de Tif & Tondu dans Passez Muscade ou dans Choc au Louvre !), observer la mâle autorité de son trait où passe rarement le repentir, de ces décors du Midi parfaitement observés où les bastides entourées de cyprès respirent la quiétude... C’est d’une qualité inouïe !
La visite est ponctuée de peintures et d’aquarelles le plus souvent inconnues. Des toiles et des dessins faits pour lui, pour ses amis. Ce frustré de la couleur a pu en prendre le contrôle à la fin des années 1970. Elle devient un nouveau champ d’exploration où il transpose, ici les transparences du bleu de Delft, elles-mêmes inspirées par la faïence chinoise, là des paysages lumineux dont il élabore le glacis des nuances sur un apprêt profond et habile, à la manière de Cézanne ou de Matisse, ses peintres de référence.
Souvent s’y révèle une créature mystérieuse au regard oblique ou lointain, rêveur, et dont la moue, parmi ses formes affriolantes, couronne une sensualité pleine de promesses.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Jusqu’au 24 novembre 2013
de 10 à 18h
La Maison de la Bande dessinée
Bd de l’Impératrice 1
1000 Bruxelles
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
En médaillon : (c) Will