Willy Vassaux : « Je désire transmettre les traditions initiatiques »

Je propose d’abord de retracer votre parcours pour les lecteurs qui ne vous connaitraient pas.

Comme beaucoup, je dessinais déjà dans les marges de mes cahiers. J’ai voulu raconter des histoires, tout en étant aussi passionné d’aviation. Jeune, j’ai débuté dans des travaux d’illustration dans des journaux jusqu’à ce que Raymond Leblanc me repère, et me demande de réaliser des courtes histoires authentiques pour le journal de Tintin, écrites par Yves Duval [1].

Vous aviez déjà réalisé le début de la Bataille des Ardennes ?

Oui, à 19 ans, j’avais dessiné une trentaine de planches de Nuts - Bastogne. A cette époque, les récits de guerre n’intéressaient pas vraiment les éditeurs, et il a fallu attendre quelques années, lorsque je travaillais pour Tintin, pour que cela se concrétise. Je devais d’abord publier chez Duculot, mais par un concours de circonstances, nous n’avons pas pu signer, et, averti par la bande, Raymond Leblanc fut ravi d’éditer Nuts, avec le succès que l’on connaît : le Lombard en a tiré 700.000 albums sous différentes tirages et traductions.

Comment êtes-vous passé de Nuts au Templier de Notre Dame, des aventures résolument maçonniques ?

J’étais moi-même initié depuis longtemps, faisant partie d’une loge parisienne, Porte de la Chapelle. J’avais toujours désiré traiter de cela en bande dessinée : cela faisait partie d’une de mes techniques d’évolution dans mon initiation, tout en développant des écrits valides pour le public. Il y a effectivement plusieurs lectures dans ces divers albums : l’histoire en elle-même, mais aussi les symboles et les clés qu’elle comporte, et l’explication d’origines maçonnique. Avec le concours de Christian Piscaglia, j’avais donc entamé les aventures d’un templier, qui devient initié. Dargaud m’ayant sollicité après le succès de Bastogne, c’est chez eux que j’ai publié ses deux premières aventures : L’Envoûtement et la Nuit du Golem. La série fonctionnait assez bien.

Pourquoi vous êtes-vous alors interrompu ?

Parallèlement au Templier, j’avais développé une longue série mettait en scène l’histoire des Jeux Olympiques : la Grande aventure olympique. Tout était signé chez Dargaud, des sponsors voulaient s’associer à l’aventure et tout semblait prometteur. Mais Georges Dargaud a demandé la majorité des royalties pour Dargaud France, ce que l’antenne belge a refusé. Nous sommes alors partis dans un procès épouvantablement long ! Cela a déjà été incroyable lorsque Francçois Pernod et la nouvelle équipe de Dargaud m’a rendu mes trois cents planches des années plus tard. Je suis donc alors parti chez Casterman pour leur proposer. Ils étaient partant, tout était signé et trois mois plus tard, Casterman était en faillite. Cela a donc été de nouveau toute une affaire pour récupérer mon matériel ! Pour la petite histoire, j’ai été exposer ces planches dans une exposition itinérante à travers cinq très grandes villes chinoises pour les JO de Pékin en 2008.

Le Templier de Notre-Dame coincé chez Dargaud, ainsi que vos planches de la grande aventure olympique, vous avez continué d’évoquer les bases et l’historique maçonniques parmi d’autres albums ?

Effectivement, dans le désordre et avec de nouveaux l’appui de personnes très influentes dans l’Ordre, il y a eu les deux tomes des Colonnes de Salomon, l’Histoire secrète de l’Ordre du Temple, Nicolas Flamel, etc. Il faut bien entendu y ajouter les nombreux travaux d’illustrations chez Laffont, aux éditions du Rocher et d’autres, ainsi que les livres qui ont suivis, souvent adressés aux milieux spécialisés. J’ai retravaillé les récits du Templier parus chez Dargaud, c’est ainsi que sont sortis deux albums chez Dervy, reprenant à chaque fois une moitié du premier tome du Templier, l’initiation et la rencontre avec les Cathares, avec une bonne part de nouveautés. J’ai aussi publié le Prix de la Liberté, un album fait d’une bonne part d’illustrations et de textes, retraçant les grands moments de la Seconde Guerre Mondiale en Europe.

Tous ces livres étaient très fouillés et intéressants, pourquoi n’a-t-on pas toujours pu en avoir la suite ?

Willy Vassaux avec le petit-fils de Patton lors de la commémoration de la Bataille des Ardennes.

Effectivement, tous ces albums demandaient pas mal de connaissances de base et des recherches très approfondies dans certains domaines. A la sortie de la Nuit du Golem, mettant en avant des données ésotériques hébraïques pointues, le grand rabbin d’Anvers était certain que j’étais juif moi-même. Il y avait des suites de prévues pour tous les titres évoqués. C’est ainsi que j’ai onze albums terminés, parfois avec des traductions déjà réalisées, mais de mauvaises aventures avec les éditeurs ne m’ont encore permis de les éditer. J’ai donc quatre albums sur les Jeux Olympiques, quatre albums du Templier avec deux complètement inédits et deux autres enrichis qui reprennent chacun la base du second tome paru chez Dargaud, ainsi que quatre albums de guerre dans la mouvance de Bastogne, traitant entre autres de la montée du Nazisme en Allemagne dans les années 1930, et de l’invasion nippone en Asie. Il y a aussi la suite de l’Histoire secrète de l’Ordre, de Nicolas Flamel, et le début du Fils d’Hiram.

Mais l’Histoire secrète de l’Ordre du Temple a tout de même été rééditée chez Soleil. Pourquoi ne pas être resté chez eux ?

C’était au tout début de Soleil. J’avais juste envoyé une photocopie de mes planches à Mourad pour qu’il se fasse une idée. Mais je n’avais jamais eu de réponse de sa part, jusqu’à ce qu’un ami me félicite pour mon album qui venait de paraître ! Il avait utilisé mon matériel, l’avait mis en couleur et publié sans m’en parler…

Un album où le récit se mêle aux différents symboles maçonniques et initiatiques.

C’est comme cela qu’on a donc pu voir Bastogne réédité chez Joker, ainsi que cette très belle mouture des Colonnes de Salomon !

Tout-à-fait, c’est d’abord les deux volumes des Colonnes de Salomon qui intéressaient Joker. Nous voulions éditer l’ensemble dans un gros album, avec de nouvelles couleurs et trois cahiers supplémentaires qui expliquent la symbolique et l’initiation maçonniques. J’ai surtout voulu réaliser ces explicatifs, suite aux nombreux articles et débats qui suivirent la publication des romans de Dan Brown, dans lesquels on pouvait lire ou entendre pas mal d’énormités, pour ne pas dire plus. Il y a donc dix-huit pages inédites dans cette intégrale. On peut malheureusement aussi retrouver quelques coquilles. Si elles ne sautent toujours pas aux yeux des non-initiés, elles seront inévitables dans les milieux où je suis bien connu. Enfin, mon manuscrit était juste, et j’ai toute confiance en Joker. Je peux vous assurer que cela sera corrigé pour la seconde édition et que les albums à venir seront minutieusement épluchés. D’ailleurs, j’ai été ravi du travail réalisé pour la réédition de Bastogne. Les ventes sont d’ailleurs très bien parties !

Quand on voit dans ces cahiers le degré de connaissance que vous possédez dans cette matière, quel regard avez-vous porté sur le Triangle Secret ?

Je pense que c’est de la contre-initiation ! On m’a proposé d’y participer, mais j’ai gentiment décliné. Cela me rappelle l’utilisation qu’Hugo Pratt en a faite avec Corto Maltese dans Fables de Venise. On s’éloigne de mon point de vue, qui s’axe plus dans la tradition et la transmission. On peut bien entendu voir les différentes formes que peuvent prendre ces règles à travers le monde, comme j’ai pu le constater moi-même en Chine, mais elles demeurent immuables.

Quels sont vos futurs projets ?

Je cherche bien entendu un solide partenaire pour la parution de la Grande aventure olympique, afin que tout soit prêt pour Londres 2012 ! Je vais aussi voir quels seront les futurs albums que je publierais avec Joker. J’aurais envie de réaliser d’autres diptyques des aventures du Templier de Notre-Dame, de nouveau avec un cahier inédit inséré, afin de donner un complément d’information aux non-initiés qui chercheraient à en savoir plus. On pourrait ainsi en dire beaucoup plus sur certains grands maîtres de l’Ordre du Temple ou initiés renommés, tels que par exemple Saint-Bernard, Dante, Michel-Ange ou Blaise Pascal : il reste beaucoup à faire, mais c’est une autre histoire.

Les Jeux Olympiques modernes