Les cantons suisses se sont réunis trois siècles auparavant pour défendre leurs intérêts territoriaux et commerciaux. Mais l’Autriche, une des plus importantes puissances de l’époque, ne l’entend pas de cette oreille. Le duc Léopold Ier met le pays au pas. Une faible résistance s’est organisée dans la Suisse du XIVe siècle. Mais pour fuir la sévère répression ou rechercher de l’aide extérieure, en Italie notamment, les patriotes doivent franchir le Col du Loup. Or cette passe est réputée infranchissable car contrôlée par la forteresse de Saint-Gothard. Pourtant, quelques-uns tentent de prendre à défaut le seigneur, l’Amman Wolfram, qui en contrôle l’accès. Mais aucun subterfuge ne parvient à duper son extraordinaire clairvoyance. Sa cruauté indescriptible fait de ce col une souricière pour nombres de voyageurs fuyant un sombre passé ou se battant contre l’oppresseur.
Ce manga se distingue de plusieurs façons. D’un côté par un procédé original de narration qui met en place les éléments de l’intrigue. De l’autre, le dessinateur Mitsuhisa Kuji, ancien assistant de Kentaro Miura sur Berserk, ne rend qu’un tome d’essai au niveau du dessin et de plusieurs éléments scénaristiques : il navigue amèrement entre une naïveté surfaite et des personnages à l’héroïsme débridé.
L’histoire est plutôt simpliste de prime abord. Une personne quelconque est recherchée par le seigneur des trois cantons. Elle tente donc de fuir et de passer la frontière pour recevoir de l’aide. Mais confrontée au gardien de la porte, elle est découverte et exécutée. Une morale de sacrifice et de dévouement est encore à l’ordre du jour ici. Le côté historique est intéressant mais trop scolaire dans son explication. Néanmoins une documentation historique inédite sur le sujet a été faite et il n’y a pas d’approximation exagérée dans son rendu.
Le dessin se révèle un peu carré et trop linéaire. Les aspérités ne sont pas assez nombreuses pour qu’on se croit réellement en Suisse en plein cœur du Moyen Age. De plus, les décors suisses d’une grande beauté ne sont qu’esquissé. Le trait est parfois très attentionné, parfois ensuite trop relâché.
Cela dit, ce premier opus laisse entrevoir de bonnes choses pour la suite. Les premières histoires ont la lucidité de mettre en place totalement et clairement la situation sur laquelle va se reposer l’intrigue. Ces trois premières histoires liées entre elles par la résistance à un envahisseur ont le mérite de la cohérence. Ce procédé original de lien entre trois saynètes a priori indépendantes les unes des autres construit un schéma intéressant et singulier, c’est intelligent et bien réalisé. L’auteur empêche par cette décision une présentation classique de ses protagonistes et une situation qui peut créer de la lassitude. Enfin, les personnages se complètent et permettent une plus grande source d’information condensée, en attendant la suite.
(par Vincent GAUTHIER)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.