Ne jetons pas la pierre à Yves Sente : son album, Le Jour du Mayflower, vient à la suite d’un duo d’auteurs époustouflants, le râblé William Vance et le virtuose du scénario Jean Van Hamme.
Les nouveaux titulaires de la série ont décidé de creuser le continent inconnu de la mémoire de leur personnage. Leur héros interroge ses souvenirs à l’aide de techniques nouvelles et dégote des indices qui lui permettent de relancer l’enquête. Mais ce retour aux origines de Jason Mac Lane alias XIII est suivi de près par des gens qui n’ont pas intérêt à ce que ces éléments remontent à la surface. Tous les coups bas, jusqu’au meurtre, seront bons pour atteindre cet objectif.
Cette quête se double d’une tentative de recrutement du héros par une espèce d’officine privée de type « Blackwater » mais notre baroudeur à la tempe grise se montre boyscoutement récalcitrant.
Pendant ce temps-là, les neuf conjurés du groupe des XX arrêtés à la conclusion des précédents épisodes sont exfiltrés de leur prison et les preuves accablent le 13ème numéro.
On a peu de choses à dire sur le dessin de Jigounov, toujours aussi précis et clinique. Il met quelques pages à dominer son personnage mais il se fond parfaitement dans l’univers graphique de William Vance dont il n’a cependant pas la fougue lyrique.
Curieusement, l’insert historique de cet album qui a été demandé au dessinateur originel est en-deçà de son habituel brio. Il faut dire que c’est une séquence particulièrement bavarde et didactique, sans explosion fracassante...
On s’ennuie un peu dans ce premier volume du relaunch de XIII, sans doute parce que Sente n’a pas le même tempo que celui de Jean Van Hamme et qu’il lui faut jeter les fondations d’un nouveau cycle. Les scènes d’action sont souvent convenues et parfois invraisemblables : on voit notre maître-espion manipulé par une simple écoute téléphonique, pourtant le B.a.-ba du métier.
Deux titres en concurrence
Cet album soufre surtout de la comparaison avec son pendant, XIII Mystery de François Boucq et Didier Alcante centré sur le destin de Colonel Amos, haute figure de la CIA qui mena l’enquête sur l’assassinat du président Sheridan.
Appuyé sur une documentation solide et intéressante dont les ressorts sont aussi bien diplomatiques (Amos est un des fondateurs du Mossad passé à la CIA qui est amené à enquêter sur son ancien service, alors que les relations entre Israël et les USA sont particulièrement tendues) que psychologiques (notre colonel se découvre un enfant caché), l’intrigue est basée sur la psychologie complexe d’un personnage pour lequel on a facilement de l’empathie. Le scénario est rythmé, crédible, intrigant. Didier Alcante s’en sort avec brio et nous apparaît légitimement comme l’un des meilleurs successeurs de Jean Van Hamme.
Quant au dessin de Boucq, il est au diapason de cette réussite scénaristique. Le grand prix d’Angoulême produit parfois trop mais ne déçoit jamais. Doté d’une virtuosité comparable à celle de Moebius, il est sans aucun doute l’un de nos meilleurs dessinateurs réalistes actuels.
On comprend que la comparaison entre les deux ouvrages est un peu meurtrière pour la série régulière, d’autant que son argument est le même que celui de la série Mystery : creuser le passé de son personnage.
Ce qui est dérangeant, pour l’heure, c’est qu’on a l’impression que nous sommes dans le spin-off et pas dans la série principale.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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