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Xavier Coste ("À la dérive ") : " Pour cet album, j’ai vraiment essayé de retrouver une curiosité graphique que j’avais l’impression d’avoir perdue."

Par Christian MISSIA DIO le 13 avril 2015                      Lien  
Après "Egon Schiele" et "Rimbaud, l'indésirable", deux albums salués par la critique, Xavier Coste revient cette année avec un projet qui a pour cadre la Ville Lumière au début du XXe siècle.
Xavier Coste ("À la dérive ") : " Pour cet album, j'ai vraiment essayé de retrouver une curiosité graphique que j'avais l'impression d'avoir perdue."
À la dérive
Xavier Coste (c) Casterman

Quel est le pitch de cette nouvelle histoire ?

Xavier Coste : L’histoire se passe pendant les inondations de Paris en 1910. Un couple qui est acculé par les dettes décide de commettre le braquage de la plus grosse banque de la capitale mais, vous vous en douter, les choses ne vont pas se dérouler comme prévu. Le titre fait aussi référence au fait que leur couple traverse de grosses difficultés...

C’est votre troisième album et c’est aussi la troisième fois que vous mettez en scène un personnage borderline au destin tragique. Qu’est ce qui vous attire tant dans ce type de portraits ?

En fait, je ne crois pas aux gentils et aux méchants. J’aime les personnalités ambiguës. Egon Schiele n’était pas quelqu’un de sympathique mais on finissait toujours par avoir une certaine empathie à son égard.

Dans À la dérive, Eddy est un “gentil” mais qui va se retrouver dans une situation inextricable. Il décide de faire un braquage et il va se retrouver un peu malgré lui leader d’une bande de cambrioleurs, mais il va vraiment se faire dépasser par les événements. Il sera entraîné dans une série d’événements violents et brutaux dans lesquels il ne va pas se reconnaître.

Au début de l’histoire, on découvre que mon personnage a quitté les USA pour revenir vivre en France mais je suis resté volontairement flou sur ce point. On ne sait pas si c’est un retour définitif ou s’il est juste de passage en France. Il n’y a aucun indice sur ce point car ce n’était pas le sujet du livre.

Pourriez-vous nous parler de la réalisation de cet album ?

À la dérive est un album important pour moi car il marque une rupture par rapport à mes deux précédents essais. J’ai changé de méthode graphique. Pour mes deux premières BD, j’avais travaillé à l’ordinateur mais pour celui-ci, je voulais vraiment me faire plaisir au niveau graphique. J’ai donc utilisé de l’aquarelle, de l’acrylique, plein de techniques différentes ! J’ai vraiment essayé de retrouver une curiosité graphique que j’avais l’impression d’avoir perdue ces derniers temps. J’avais envie de faire des décors parisiens, de dessiner de l’eau et comme je suis un passionné de l’histoire de Paris, je suis tombé sur des cartes postales représentant les inondations. Après, il m’a fallu trouver une histoire comme prétexte pour dessiner cet événement qui eu lieu il y a un siècle. Cet album est d’abord un désir purement graphique.

Finalement, le casse n’est pas l’intrigue principale de cet album. C’est surtout le destin d’Eddy qui est abordé.

Le casse se passe relativement vite. C’est le cas aussi dans la réalité, d’autant plus qu’il tourne mal. Ce qui m’intéresse, c’est après, après cet échec, et comment leur couple va évoluer...

C’est votre troisième album chez Casterman. Pouvez-vous faire un bilan de votre collaboration avec cet éditeur ?

Les ventes de ma première BD Egon Schiele - vivre & mourir était assez encourageantes. Il y avait eu un petit tirage de 8000 albums et nous en avions vendu 7000.

Par contre, celles de Rimbaud, l’indésirable furent décevantes car il s’est vendu entre 6000 et 7000 pour un tirage de 10 000 albums. C’est relativement honorable comme score mais c’est moins bien que pour le livre précédent. Surtout, nous espérions plus, vu le thème choisi.

Je n’ai aucune attente pour ce livre-ci. J’ai d’abord cherché à me faire plaisir et je suis très content des retours que j’ai eus. Je voulais aussi remettre mon dessin à plat, réapprendre presque à dessiner parce que j’ai travaillé de manière assez classique pour Rimbaud. Il n’y avait pas vraiment de surprise. Dès que je commençais une page, je savais à quoi allait ressembler le résultat final. Je faisais mon encrage, je passais à la couleur. Mais pour ma nouvelle BD, c’était à chaque fois le dessin qui guidait un peu la suite du récit et je trouvais le résultat intéressant.

L’autre changement notable c’est que pour cet album, vous avez écrit une vraie fiction alors qu’avant, vous vous intéressiez à des personnages historiques.

C’est vrai que je m’intéresse beaucoup aux biographies et mes deux premiers albums illustrent bien cela. Cette fois-ci, j’avais envie de plus de liberté et cela se ressent aussi dans le dessin et le scénario. Au début, j’étais un peu perdu car en cas de panne créative, je n’avais aucun plan B. C’était une pression mais au final, je trouve que j’ai réussi à m’exprimer pleinement. J’ai vraiment la sensation d’avoir évolué graphiquement.

Je fais le parallèle avec vos deux précédentes BD, Egon Schiele était un auteur transgressif qui choqua ses contemporains. Rimbaud aussi, d’une certaine manière. Pensez-vous des attentats du mois de janvier ont affecté notre tolérance face à la transgression ?

C’est assez dur pour moi d’en parler car j’étais vraiment écœuré de ce qui s’est passé. Je pense que les gens de Charlie Hebdo n’étaient pas obligés de publier les caricatures de Mahomet, ce n’était pas un devoir pour eux de le faire... Je veux dire, je suis dessinateur aussi mais je n’ai pas d’engagement politique ou social. Je pense qu’il avait le droit de le faire, forcément mais... je ne me reconnaissais pas non plus dans l’esprit de Charlie Hebdo qui a tendance aussi, il faut le rappeler, à cogner sur tout le monde de la même manière. Je comprends tout à fait que des gens ne soient pas d’accord et soient choqués avec la démarche de Charlie Hebdo. C’est assez délicat comme sujet...

... J’ai un peu de mal à prendre parti. C’est vrai qu’il y avait pour Egon Schiele des suspicions de pédophilie et il a fait pas mal de dessins dans lesquels il se mettait en scène en train de se masturber. C’est forcément des choses qui mettent mal à l’aise. Je ne juge pas, mais c’est évident que l’on ne peut pas se reconnaître dedans.

En ce qui concerne Charlie Hebdo, j’étais ni pour, ni contre. Ça ne me parlait pas forcément avant qu’il y ait les attentats. Je respecte tout à fait qu’ils fassent des caricatures engagées et je trouve même très bien que certaines personnes se mouillent pour faire cela.

Quels sont vos prochains projets ?

Actuellement, je travaille sur un nouveau one-shot de science-fiction/anticipation avec le scénariste et historien Olivier Cotte.
C’est un récit au long cours de cent-cinquante pages qui se passe sur une planète assez sauvage. J’ai l’intention d’expérimenter de nouvelles choses comme travailler avec de très grandes planches. Il y aura aussi des aquarelles.

Quel en est le sujet ?

L’histoire est très difficile à raconter... En fait, cette planète est entièrement recouverte d’eau. Dans cet album, nous allons interroger la technologie et les intelligences artificielles, en quoi elles peuvent changer notre vie et notre rapport à l’autre. Cette BD est prévue chez Casterman courant 2016.

(par Christian MISSIA DIO)

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À lire sur ActuaBD.com, deux interviews de Xavier Coste :
- Sur Rimbaud
- Sur Egon Schiele
- Lire la chronique de l’album

À voir sur le web :

Le site de l’auteur, Xavier Coste

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Photo : DR

 
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