Interviews

Yann & Henninot (XIII Mystery) : « Nous avons suivi les codes laissés par Van Hamme et Vance »

Par Nicolas Anspach le 8 novembre 2010               XIII Mystery) : « Nous avons suivi les codes laissés par Van Hamme et Vance »" data-toggle="tooltip" data-placement="top" title="Linkedin">       Lien  
Quand {{Yann}}, le scénariste de {Pin-Up} et des {Éternels} fait une intrusion dans l’univers de {XIII}, cela ne peut être pour une histoire consacrée à une femme ! Il a peaufiné le passé du Major Jones dans une Amérique sous l'emprise de la ségrégation raciale et les inégalités sociales dans laquelle le mouvement afro-américain « Black Panthers » tente de s’imposer par la violence. Yann et {{Éric Henninot}} nous parlent de « {[Little Jones->art10945]} ».

Yann, il se rzconte que le personnage de Jones était une chasse gardée, et qu’il était impossible de l’utiliser dans la spin-off XIII Mystery. Votre goût pour la transgression a-t-im pris le dessus pour écrire « Little Jones » ?

Y : Lorsque l’on m’a demandé d’écrire une histoire, j’ai directement signalé à Jean Van Hamme que le personnage de Jones m’intéressait ! Le scénariste de XIII m’a dit : « Tu le sais très bien, Yann. Tu peux utiliser tous les personnages sauf XIII, Jones et Carrington ! ». Je ne me suis pas démonté et j’ai répondu à Jean Hamme que je lui enverrais quand même un synopsis sur l’enfance de Jones … Je l’ai écrit et à mon grand étonnement, il l’a accepté !

Pourquoi traiter de la thématique de la ségrégation raciale ?

Y : Jean Van Hamme et William Vance avaient réalisé une histoire courte dans le treizième album de la série où Jones déjouait un attentat commis par son frère et les Black Panthers. Je me suis basé sur cette histoire pour écrire la mienne. La ségrégation raciale et les Black Panthers sont des sujets qui me passionnent ! Les années 1960, avec Malcom X et Martin Luther King ont été cruciales pour les Afro-américains. Ils ont commencé à se révolter pour obtenir des droits civiques, mais aussi pour ne plus servir de chair à canon au Viêt-Nam. Il y avait des compagnies américaines presqu’entièrement composées de noirs qui étaient envoyés au casse-pipe.

Yann & Henninot (<i>XIII Mystery</i>) : « Nous avons suivi les codes laissés par Van Hamme et Vance »
Extrait du T3 de "XIII Mystery"

Votre histoire est plus politique…

Y : L’arrière-fond est historique ! Le reste ne l’est pas … Nous suivons quand même les aventures de la petite Jones qui est tombée amoureuse du major Wittaker. Elle s’accroche au Major, comme à une bouée de sauvetage. Elle est seule, orpheline !
Je voulais aussi renverser les rôles, et que ce soit un paumé qui allait arriver à ses fins, et pas le bon et docile soldat gradé !

N’était-ce pas trop difficile pour vous d’écrire une histoire sérieuse, sans humour ?

Y : Mais ce n’est pas une histoire sérieuse ! Même si cela ne se voit pas, il y a plein d’humour dans ce récit. J’ai beaucoup rigolé en l’écrivant ! Tout ce qui arrive au Major Wittaker me fait marrer. Il est le prototype même de ce que je hais le plus : Mon père voulait que je devienne un bon petit soldat, comme Wittaker. Arriver à le flinguer dans ce Little Jones, c’était le comble de la Catharsis !

Eric Henninot : Mais tu le rends attachant !

Y : Parce que j’ai horreur des choses manichéennes ! Il fallait que Wittaker soit intéressant et humain. Il a choisi le côté lumineux de la force, et moi, je préfère le côté obscur…

Extrait du T3 de "XIII Mystery"

Eric Henninot, pourquoi avoir accepté de participer à cette aventure éditoriale ?

EH : J’avais adoré la série quand j’étais adolescent ! J’ai reçu le scénario de Yann à un moment où je me posais des questions sur les Humanoïdes Associés. Cette maison d’édition traversait quelques turbulences. Yann m’avait contacté quelques mois auparavant pour me proposer un projet. Enfin, pour plutôt faire connaissance afin de travailler ensemble sur un univers où nous aurions tous les deux des affinités. Yann aime connaître les dessinateurs avant de travailler avec eux. Il appréciait mon style graphique. Cette discussion n’a pas abouti sur un projet en particulier. Et puis, un jour, j’ai reçu le scénario de Little Jones. J’ai tout de suite apprécié cette histoire.

Pourquoi évoquer le meurtre de Sharon Tate, l’épouse du réalisateur Roman Polanski qui fut assassiné par Charles Manson.

Y : En lisant des livres sur le mouvement des Black Panthers, je me suis aperçu que le meurtre de Sharon Tate était lié à eux. Charles Manson voulait accuser les Black Panthers du meurtre de Sharon Tate et de ses amis. Il avait laissé une inscription « Pig », peinte avec le sang d’une victime. Il s’agissait de la signature des Panthers. Dans sa folie, Charles Manson voulait probablement provoquer des émeutes raciales pour mener à une sorte d’apocalypse.

Extrait du T3 de "XIII Mystery".

Se réapproprier la grande histoire de la sorte, est-ce jouissif ?

Y : Mais je ne fais que suivre les traces de Jean Van Hamme. XIII est truffé de clin d’œil à l’histoire des États-Unis : l’Assassinat de Kennedy, la guerre du Viêt-Nam, etc. Il a été heureux que je suive ses codes narratifs. Il nous laisse travailler sereinement, sans intervenir dans la construction de l’histoire. Je le remercie pour cette liberté totale. Je n’attendais pas à ce qu’il me laisse donner et dévoiler le prénom de Jones dans ce récit. Il m’a juste demandé de corriger des grades de militaires. À vrai dire, je n’y connaissais rien, et j’avais fait des erreurs…

EH : Ils ne se sont peut-être pas rendus compte que nous avions donné un prénom à Jones (Rires).

Eric Henninot, comment avez-vous abordé cet album du point de vue graphique ?

EH : Je n’ai pas cherché à faire évoluer mon style, même si les univers sont différents. Carthago (avec Christophe Bec, au scénario) est un récit d’aventure contemporain, saupoudré de science-fiction. J’ai travaillé de la même manière, en soignant la mise en scène et les décors. J’essaie de rendre crédible les atmosphères et les lieux que je dessine.

Yann, il paraît que vous vous êtes inspiré de l’affaire du tueur aux mangas pour l’un de vos projets.

Y : Oui. J’avais lu les articles dans les journaux sur cette sordide affaire en 2007 ! C’était une affaire exceptionnelle puisqu’un bout de papier sur lequel était écrit une phrase sortie d’un best-seller de l’édition était posé à côté d’un cadavre dépecé. On quittait le registre du crime sordide. Il y avait tout pour accuser les auteurs du manga de dévoyer la jeunesse, de pousser les lecteurs au crime, etc. J’ai rédigé une première version du synopsis à l’époque. Et puis, dernièrement, la police belge a arrêté les tueurs. Les journalistes que j’avais contactés pour bénéficier de leurs informations ont rédigé un article sur mon projet. J’ai eu une proposition d’un éditeur pour publier mon histoire, et je recherche aujourd’hui « mollement » un dessinateur.

Vous préparez également un diptyque où vous raconterez le périple américain de Jijé, Franquin et Morris.

Y : Olivier Schwartz est à la moitié du premier tome. Le premier album s’intitulera Gringos Locos et procède comme un road-movie à la Kerouac au Mexique. Le deuxième tome se déroulera aux USA et nous y monterons leur rencontre avec l’équipe de MAD, et surtout avec René Goscinny. Cette odyssée à la belge s’est terminé par un retour pathétique et a surtout considérablement enrichi la bande dessinée franco-belge. Ce voyage aux États-Unis a imprégné René Goscinny et ces auteurs majeurs du journal de Spirou. Je me fais tuyauter par Bertrand et Christelle Pissavy-Yvernault qui rencontre les derniers témoins de cette époque pour leur livre sur le journal de Spirou. Dernièrement, ils m’ont envoyé un mail pour me dire que Francine De Bevere, la femme du créateur de Lucky Luke appelait son mari par un surnom, devinez lequel : Spirou ! (Rires). Ce genre de détail tombe à pic et nourrit mon travail.

D’autres projets ?

Y : Si ! Romain Hugault et moi-même venons de boucler Le Grand Duc. Nous allons commencer une trilogie qui se déroulera durant la Première Guerre mondiale. Ce sera bien entendu une histoire d’aviation publiée par Paquet.

André Juillard a quasiment terminé de mettre en image Mezek, un récit de 60 pages qu’il réalise en couleurs directes. Nous abordons les débuts de l’aviation israélienne, en 1947 et 1948. Ce récit allie la fiction (une triple histoire d’amour compliquée) et l’Histoire, avec le rachat en Tchécoslovaquie, malgré l’embargo des Nations-Unies, de quelques dizaines de « Mezek », c’est-à-dire des Messerschmitt tchèques. Ceux-ci seront repeints aux cocardes israéliennes et convoyés clandestinement par des pilotes plus ou moins mercenaires, qui devront affronter des Spitfire anglais, pilotés par des Égyptiens. L’album paraîtra dans la collection Signé du Lombard.
J’ai écrit un nouvel album de Pin-Up que Philippe Berthet est en train de dessiner. Nous retournons dans les années 1940, pour combler un trou que nous avons laissé entre le troisième et quatrième tome. Cette histoire sera découpée sur soixante pages, et mise en couleur par Dominique David.

Et vous, Éric Henninot. Quels sont vos projets ?

EH : Réaliser le troisième tome de Carthago, avec Chrisophe Bec au scénario…

Eric Henninot & Yann - Comble de l’élégance, Eric Henninot porte un t-shirt très « Afro ».
(c) Nicolas Anspach

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :


Lire la chronique de « Little Jones »

Lire la chronique du T2 et du T1 de XIII Mystery.

Commander ce livre chez Amazon
Commander ce livre à la FNAC


Illustrations : (c) Henninot, Yann, Van Hamme, Vance & Dargaud
Photographies : (c) Nicolas Anspach

 
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Nicolas Anspach  
A LIRE AUSSI  
Interviews  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD