Vous avez étudié le dessin ? Je crois que vous avez fait une école à Canton.
Oui, j’ai étudié le dessin, mais seule (rires). En fait, je dessine depuis que je suis enfant, mais je n’ai jamais suivi de cours. Mes parents m’achetaient des livres de peinture traditionnelle, des recueils de dessins de fleurs, et j’essayais de comprendre les techniques.
J’ai ensuite été inscrite dans une école à Canton pendant trois ans mais les cours m’ennuyaient alors je restais chez moi et je dessinais beaucoup. Je n’ai pas obtenu mon diplôme (rires). C’était en 2012.
En 2010, vous avez créé un blog sur Weibo. Vous êtes très active sur les réseaux sociaux. Vous êtes très suivie ?
J’y publie souvent des essais de dessins, des choses plus abouties. Et aussi sur Wechat et un peu Facebook. C’est vrai que cela a été important. Cela m’a permis de connaitre d’autres amis qui aime le travail artistique comme moi.
Et aussi, il y a de plus en plus de lecteurs qui me soutiennent, c’est encourageant. Aujourd’hui, j’ai 150000 personnes qui me suivent sur Weibo.
Vous avez sorti votre premier livre en juillet. Quel en est le tirage ? Il a été bien accueilli ?
Oui, en plus, c’était le quatre juillet, au moment de mes 25 ans. On a tiré le livre à 4000 exemplaires. On l’a mis en vente sur internet et en une demi-journée, tout est parti. En octobre, on en est au quatrième tirage.
Ce livre est très personnel, dans la maquette, dans l’histoire que vous racontez, qui est muette, dans le style bien sûr. Pas de titre sur la couverture, pas de texte... Comment avez-vous travaillé avec votre éditeur ?
C’est un éditeur indépendant qui m’a contactée en disant qu’il souhaitait éditer un livre. Mais comme je ne voulais pas être perturbée, dérangée par des éléments extérieurs, je lui ai dit que je ne savais pas encore ce que j’allais dessiner. On discuterait de l’édition après que j’ai terminé mon livre. Il m’a bien compris et a été d’accord.
Ensuite, deux ans ont passé. Dès qu’il a reçu mes pages, il s’est procuré un numéro d’ISBN en Chine. Il a trouvé aussi un super imprimeur à Hong-Kong. On a travaillé en commun à toutes les étapes éditoriales, à partir de la mise en page, du choix des papiers, du réglage des couleurs. J’en suis assez satisfaite.
Auparavant, vous ne trouviez pas d’éditeur ? Ce n’était pas possible en Chine ?
En Chine, les éditeurs, les magazines, sont très frileux par rapport au contenu des livres. Il y a beaucoup de contraintes pour publier des histoires ou éditer des livres. Avant 2013, les gens n’aimaient pas trop mon travail. Les éditeurs trouvaient mon style bizarre.
Là, je souhaitais dessiner ou raconter ce que je veux, suivre ma propre route sans me soucier les opinions d’autrui. Donc je n’ai plus contacté d’autres éditeurs, je voulais seulement faire mes dessins. J’ai pensé qu’il y aurait certainement des gens pour aimer mon travail.
Ensuite c’est vrai que j’ai rencontré un bon éditeur. Et finalement, j’ai aussi réussi à placer quelques histoires dans des magazines.
Est-ce que le regard du public chinois sur la bande dessinée change ?
Je pense que oui. Il y a un mouvement chez les jeunes adultes qui s’intéressent plus à la bande dessinée européenne et au dessin traditionnel chinois. Auparavant, quand j’étais adolescente, on ne lisait que des mangas japonais.
Vous aussi ? Quand avez-vous découvert d’autres styles de BD ?
Quand j’étais enfant, je lisais surtout des lianhuanhuas. Au collège, j’ai commencé à lire des mangas et j’essayais de copier. C’était très laid (rires). Et avec mes camarades étudiants, petit à petit, j’ai découvert d’autres auteurs, des peintres, des illustrateurs.
Par exemple, Taiyou Matsumoto, Shigeru Mizuki, Katsuhiro Otomo, Hokusai. Et puis Moebius, quelques Européens, etc. En Chine, j’aime beaucoup Dai Dunbang. Je ne connais pas les comics américains, juste les films.
Votre livre se présente comme un récit muet, avec des grandes illustrations et des pages de BD. Que vouliez-vous faire ?
D’abord, employer des techniques différentes, expérimenter. Je me sens plutôt à l’aise avec ces techniques, même si je n’en suis pas entièrement satisfaite. A l’avenir, j’aimerais encore essayer de nouvelles techniques.
Il me semblait aussi que mêler illustrations et BD était plus amusant. Avec seulement de grandes images, le livre aurait pu être ennuyeux. Avec des pages de BD, il est plus facile de faire progresser l’histoire, de créer des scènes dynamiques.
Le livre est muet car il ne semblait pas nécessaire de mettre du texte. Ainsi l’imagination du lecteur peut se déployer.
Votre livre va sortir en France en janvier aux éditions Mosquito, sous le titre « Le Souffle du Vent dans les Pins ». C’est important pour vous ?
J’en suis heureuse. Mais je ne sais pas si cela aura une influence sur mon travail. Peut-être que je pourrais ainsi participer à des manifestations, des expositions. C’est déjà le cas en octobre puisque je vais aller au Festival d’Alger et ensuite au festival de Saint-Malo. J’y dédicacerai ce livre.
L’éditeur français a voulu ajouter des textes. Pourquoi ?
Sans doute qu’il ne comprenait pas bien mon histoire (rires). En Chine, ce qui importe plus que l’histoire, c’est l’impression que les images provoquent, leur beauté. Les Chinois se contentent souvent d’un à peu près.
L’éditeur français m’a dit qu’il éditait des BD et des livres mêlant textes et dessins. Donc finalement, j’ai séparé mon histoire en cinq chapitres, en les reliant aux éléments traditionnels chinois : l’Eau, le Bois, le Feu, la Terre et le Métal. J’ai écrit un texte très simple expliquant mon histoire et l’éditeur l’a réécrit avec son style.
Votre œuvre fait souvent référence aux traditions chinoises, au taoïsme, au bouddhisme.
Je vivais dans un village quand j’étais enfant et il y avait toutes ces fêtes qui rythmaient l’année. J’ai un ancêtre qui était un prêtre taoïste sous la dynastie Qing. Il a aidé beaucoup de gens et jusqu’à maintenant, il est très honoré par les gens du village. Chaque année au mois de mars, on fait des grandes cérémonies traditionnelles avec des feux pour lui rendre hommage.
Le bouddhisme est aussi naturellement présent dans ma famille. Vous voyez, chez moi, il y a ces autels dans beaucoup de pièces. Je ne peux pas me dire croyante, mais j’aime cette ambiance mystérieuse, mystique. Les fêtes traditionnelles sont souvent le sujet de mes dessins.
Pourquoi utilisez-vous le pseudonyme Zao Dao, « riz précoce » ?
Je suis née en juillet, quand le village récoltait ce riz précoce. Quand j’étais adolescente et que j’ai commencé à signer des dessins, j’utilisais ce pseudo. Parce que mon vrai nom est très commun en Chine.
Même la voisine du dessus porte le même nom, ce qui pose parfois des problèmes avec les colis (rires). Si quelqu’un crie mon nom dans la rue, il y a vingt personnes qui se retournent (rires) !
Vos personnages sont souvent des adolescents, et il n’y a pas beaucoup de filles.
Je dessine des enfants et des vieillards, tous mignons. Et des adolescents, parce que c’est l’âge de la liberté, de toutes les possibilités. Et peut-être qu’en moi, il y a un garçon manqué (rires).
Quels sont vos projets ?
Je viens d’illustrer un livret en collaborant avec un sculpteur de sculptures bouddhistes. Là, je réalise une affiche de film.
En octobre, il y a donc un mois de voyage entre l’Algérie et la France. C’est la première fois que je vais à l’étranger. En novembre, j’irai à Pékin parce que la société Mona réalise des petites sculptures avec mes personnages.
J’ai aussi en tête un projet de BD mais j’en suis seulement à l’écriture du scénario.
Actuellement, vous publiez aussi des petits récits assez jubilatoires sur internet.
Oui, je fais beaucoup de récits courts et humoristiques dans un style très relâché, c’est rapide à faire et reposant. Peut-être que l’année prochaine, je rassemblerai ces récits dans un livre.
(par Yohan Radomski)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Visiter la page Facebook de Zao Dao
(Merci à Lisa Zhang pour son aide)
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