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Zidrou : « Nous avons créé accidentellement l’élève Ducobu ! »

Par Nicolas Anspach le 14 juin 2011                      Lien  
Avec son complice {{Bernard Godi}}, {{Zidrou}} a créé le cancre à qui tout réussit ! {L’élève Ducobu} est en haut de l’affiche, tant en librairie qu’au cinéma. L’adaptation cinématographique réalisée par {{Philippe De Chauveron}} sort ces jours-ci dans les salles obscures. Pas de triche pour ces auteurs plutôt fortiches. Zidrou revient avec nous sur la genèse de la série à l’occasion de la parution du 17e album.

Zidrou : « Nous avons créé accidentellement l'élève Ducobu ! » Vous souvenez-vous de la création de L’Élève Ducobu ?

Bien sûr. Je travaillais comme secrétaire de rédaction pour les revues belges Doremi, Bonjour, Dauphin et Tremplin ! Parallèlement à cela, je signais déjà des bandes dessinées dans différents supports.

Comme tout auteur débutant, j’étais alors obligé d’accepter le moindre petit travail pour pouvoir vivre de mon métier. On m’avait demandé d’assurer l’animation d’une rubrique consacrée à des jeux, des blagues et autres rébus. J’avais obtenu de Tremplin que ces animations soient intégrées dans un dessin humoristique.

Bernard Godi était un collaborateur régulier de la revue. Notre choix s’est naturellement porté sur lui pour l’animer. Nous avions fait un gag sur le thème du « copieur ». La revue Tremplin, éditée par les éditions Averbode, est vendue par abonnement aux élèves de certaines écoles belges [ Enseignement catholique. NDLR]. Les enseignants nous ont demandé de reprendre cette thématique du « copieur ». On a refait quelques gags puis, au fil des mois, nous avons eu la possibilité de les publier en couleur, de passer dans un format plus grand, etc.

J’avais cependant l’impression d’avoir un peu fait le tour et je voulais passer à autre chose. Je travaillais sur le numéro d’été, qui devait être le dernier auquel on participait quand l’éditeur de la revue a reçu des sacs de courrier. J’avais lancé une animation rédactionnelle où il fallait aider Ducobu à faire sa punition. Par boutade, j’avais demandé au lecteur de recopier des dizaines de fois « Bonne et heureuse année ». Ducobu avait été puni par Monsieur Latouche et, dans le gag, Léonie Gratin demandait au lecteur de bien vouloir l’aider.

En 75 ans d’existence, les éditions Averbode n’avaient jamais été confrontées à une telle réaction du lectorat. On a donc enchaîné sur des gags de pleine page. On sentait que les gamins en redemandaient. Comme Averbode ne voulait pas publier d’albums de BD, nous avons proposé le projet aux éditions du Lombard.

Extrait du T17 de "Ducobu"
(c) Godi, Zidrou & Le Lombard

L’univers était-il déjà aussi codifié au début ?

Non, tout cela était accidentel. Nous étions mal payés à l’époque et nous devions produire beaucoup pour gagner notre vie. Si je faisais dix cartoons en une matinée, je pouvais rentabiliser mon temps et me consacrer à autre chose. Nous n’avions vraiment pas le loisir de réfléchir à créer un univers, qui servirait plus tard de base à une série.

La rubrique de Tremplin était en noir et blanc. Nous avions cependant droit à une couleur d’appoint, que nous ne choisissions pas. Une semaine, c’était le rouge. Du coup, Léonie a hérité d’une robe rouge à points blancs. Une autre semaine, cela a été le jaune. Le pull rayé de Ducobu est donc devenu jaune et noir ! La création de L’élève Ducobu est le résultat d’un hasard total !

Etude de Godi pour un projet de sac Ducobu.
(c) Godi, Zidrou & Le Lombard

Comment décririez-vous Godi ?

C’est un homme exceptionnellement gentil et talentueux. Mais aussi très inquiet : il a passé les dix premières années de notre collaboration à me dire que L’élève Ducobu ne toucherait jamais un large public. Maintenant que l’on a vendu cinq millions d’albums, que la série est traduite en un nombre conséquent de langues étrangères, et que nous avons monté les marches du Festival de Cannes pour l’adaptation cinématographique, il va sans doute arrêter de me casser les pieds avec cela ! (Rires). Non, je rigole … Cela fait un an ou deux que Bernard a pris conscience du succès de la série.

Il est devenu très souple, très disponible et surtout très professionnel pour le suivi des images. Si un licencié veut une image pour la fin de la semaine, Godi s’y met tout de suite. Il y a d’autres dessinateurs qui sont moins attentifs à cela ! C’est un bonheur pour tout le monde.

Aujourd’hui, nous sommes devenus amis. Je l’initie au « zidrouisme », c’est-à-dire que je l’incite à profiter de la vie, à admirer la nature, et aller s’aérer de temps en temps à Ostende avec son épouse.

Nous sommes à deux côtés différents du pupitre. Nous habitons à 2000 km de distance et quand l’on intervient dans le travail de l’autre, ce n’est que pour régler un détail.

Quelle a été votre implication dans l’adaptation cinématographique du film qui sort ces jours-ci au cinéma ?

Sentir que les personnes qui allaient prendre le relais, c’est-à-dire les producteurs, les scénaristes et le réalisateur, étaient des gens de confiance. Ils ont compris que nous souhaitions un film familial, destiné aux enfants ! On a perçu que l’on pouvait leur donner les clefs de la série. Et qu’ils en prendront soin de la même manière qu’un ami proche garde votre maison. Tout c’est très bien passé. Philippe De Chauveron, le réalisateur, est devenu un ami. Nous avons vécu un conte de fée, c’était presque « Martine fait du cinéma ».

Nous avons été sur le tournage, et cela a été un plaisir de voir Godi pleurer de bonheur. On voyait nos enfants, nos personnages en chair et en os, que nous pouvions serrer dans nos bras. Juliette Chappey et Vincent Claude ont vraiment incarné Léonie Gratin et l’élève Ducobu. On a retrouvé nos personnages dans leurs jeux d’acteur. Élie Semoun a été d’une gentillesse sans nom.
Un deuxième film est à l’étude. Tout va dépendre du succès du premier. Certains paramètres nous font croire que cela va bien se passer. L’accueil du film lors des avant-premières a été très encourageant !

De gauche à droite : Bernard Godi, Philippe De Chauveron, Elie Semoun, Vincent Claude et Zidrou
(c) Cinéart.

Quand avez-vous senti qu’il se passait quelque chose autour de votre personnage ?

À la fin de l’année 2009, je devais dédicacer dans un salon du livre à Beyrouth. J’y suis allé car on m’offrait le voyage et on m’hébergeait dans un bon hôtel. Je m’attendais à ne dédicacer qu’une dizaine de livres et à m’ennuyer le reste du temps. J’arrive au salon, et je vois une file énorme. Je me dis que c’était celle de Marc Lévy qui dédicaçait aussi ses romans. Hé bien, non ! C’était pour Ducobu ! Cela a été un étonnement, puis un déclic. J’ai téléphoné de Beyrouth à Godi pour lui dire ce que je vivais… Les Libanais souhaitent que leurs enfants parlent le français. Beaucoup les abonnent au journal de Mickey. Ils connaissent Ducobu car notre série y est publiée.

Il y avait déjà un projet de dessin animé dans l’air à cette époque, mais on n’y croyait pas trop. Puis, Laurent Duvault, qui gère les projets audiovisuels chez Média-Participations, est venu avec cette idée de film. La patronne d’UGC avait donné son soutien au projet car Ducobu était la BD préférée de son fils !

Projet de couverture pour le T16
(c) Godi, Zidrou & Le Lombard.

Elle doit beaucoup au talent de Godi ?

C’est un dessinateur extraordinaire qui est enfermé dans un univers et ne peut pas mettre en valeur les différentes facettes de son talent. C’est vraiment le dessinateur à qui on peut dire : « Dessine moi un ours en équilibre sur un vélo, roulant sur un fil tendu entre deux immeubles. Avec un dinosaure en arrière-plan, un biplan et une sorcière sur son balai dans le ciel ». Il sera capable de faire ce type de dessin rapidement. Il a un talent extraordinaire.

Pour le film, on a monté les marches à Cannes, on a un projet de dessin animé avec notre personnage. Et bien, Bernard ne me parle que du one-shot que nous allons signer bientôt aux éditions du Lombard ! Il ne pense qu’à cela… On vit un rêve éveillé et Bernard ne pense qu’à ce projet. Il est comme cela ! (Rires)

Après ce one-shot, nous devions réaliser un autre récit ensemble. Bernard rêve de dessiner une histoire avec des vieilles voitures. Il est aussi talentueux dans ce domaine que ne l’était Jidéhem.

Avec Raoul Cauvin, en mai 2011
(c) Nicolas Anspach.

Raoul Cauvin nous disait sur le mode de la plaisanterie qu’il jalousait votre talent.

Je suis d’autant plus touché que j’admire Raoul Cauvin. C’est un scénariste qui est décrié par la profession et n’est pas reconnu à la hauteur de son talent. Je dis toujours à ces auteurs qu’ils devraient s’essayer à faire du Cauvin ou du Van Hamme. Ils s’y casseront les dents. Jean Van Hamme n’est pas toujours très original dans ces scénarios, mais il est d’une efficacité redoutable dans le traitement. Et c’est ce que les gens recherchent actuellement. Regardez le succès des séries télévisées américaines !

Raoul Cauvin a une force incroyable : sa lisibilité. Il a un très grand humour. Je regrette qu’il n’ait pas encore été dans cet humour plus noir, plus anglais et pince-sans-rire qu’il pratique en société.

Son talent est évident : il n’a pas vendu 50 millions d’albums une carabine dans le dos de ses lecteurs pour les obliger à acheter ses séries. Est-il nécessaire de faire toujours des albums compliqués, avec des histoires tragiques ou des bébés meurent comme dans Lydie ? Non bien sûr…

J’aimerais faire une série d’aventure humoristique à la Tuniques Bleues. Jean-Marc Krings m’a offert l’opportunité de reprendre la Ribambelle. Je m’amuse beaucoup en scénarisant cette série. C’est de là que je je viens, mais malheureusement ce genre est un peu tombé en désuétude. Les éditeurs sont réticents pour ce type d’histoire.

Je préfère Raoul sur des récits de 44 planches comme dans les Tuniques Bleues. C’est une des rares séries qui ne bénéficie quasiment jamais de promotion et qui continue à bien se vendre. Elle ne s’effondre pas et le roulement sur le fond est tout à fait satisfaisant. C’est la preuve que sa qualité est constante et que les gens passent un bon moment en la lisant. Je suis scotché par sa capacité de renouvellement sur Les Tuniques Bleues. L’un des derniers albums de cette série m’a vraiment étonné !

(par Nicolas Anspach)

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Ducobu sur Actuabd.com, c’est aussi :

- Ducobu Vs. Titeuf : combat de cancres sur les écrans ! (Juin 2011)
- L’élève Ducobu : un cancre qui réussit (Juin 2010)

Des interviews des auteurs :
- Godi : "La série "L’élève Ducobu" est un petit théâtre de marionnettes autour de l’école" (Juillet 2009)
- Zidrou : "Je suis un scénariste instinctif (Juin 2010)

Lire aussi les chroniques des derniers albums scénarisés par Zidrou : Lydie, Tamara, La rimbambelle, Schumi, Maître Corbaque


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Photos : (c) Nicolas Anspach
Illustrations : (c) Godi, Zidrou & le Lombard.

L’élève Ducobu Le Lombard ✍ Zidrou ✏️ Godi
 
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