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Frédéric Jannin se souvient des Bowling Balls

Par Nicolas Anspach le 11 février 2004                      Lien  
[Dans un récent article->http://www.actuabd.com/article.php3?id_article=1180" target="_blank], nous expliquions la genèse du groupe des Bowling Balls, qui a marqué les adolescents des eighties grâce à quelques tubes. Frédéric Jannin, l'un de ses leaders, s'explique aujourd'hui sur cette période à l'occasion de la sortie de l'intégrale des chansons des Bowling Balls ({For Ever and Never}. {{Zep}}, le créateur de {Titeuf}, lui rend hommage à la fin de l'interview.

Quel regard portez-vous sur cette intégrale des Bowling Balls, plus de vingt ans après la création du groupe ?

Ce disque reflète avant tout un bouquet d’émotions. Cela m’a permis de me replonger dans une période où j’ai vécu des choses amusantes, ou malheureusement parfois tristes...

Frédéric Jannin se souvient des Bowling Balls
La cover de "For Ever and Never""

Ce groupe a marqué les adolescents de l’époque...

Les morceaux passaient souvent à la radio. Beaucoup d’adolescents ou de jeunes adultes y ont donc entendu You Don’t Know ! Mais ils ne connaissaient pas forcément le nom des Bowling Balls. Nous n’étions pas conscients de notre renommée : nous étions assez naïfs et prenions cette expérience avec beaucoup d’autodérision. Dès que nous entendions l’un de nos titres à la radio, nous téléphonions directement à nos proches pour les prévenir (Rires). Ce groupe a été créé pour nous amuser, et pour parodier des auteurs connus... Sans trop nous prendre au sérieux !

Comment vous répartissiez-vous le travail ?

J’étais le compositeur et musicien. Bert Bertrand (ndlr : le fils d’Yvan Delporte) écrivait les textes et les chantait ! Thierry Culliford venait souvent nous donner de bonnes idées lors de nos séances de travail et montait sur scène. Le quatrième membre du groupe était un figurant.

Bert Bertrand venait chez moi pour écrire les chansons, et nous nous mettions devant un piano pour composer la musique...

La "cover" de "God Save The Night Fever"

Certaines chansons sont très parodiques. Je pense notamment à "I’ll Never Eat Again" qui ressemble à du Elton John...

Nous n’avions aucune personnalité, et évitions d’être enfermés dans un genre musical. C’est pour cette raison que nous avions exploré différents genres musicaux : chanson italienne, reggae, etc.

"You Don’t Know", le tube des Bowling Balls, avait-elle également été créée dans un but parodique ?

Non. Il y a eu deux époques : l’une parodique, et l’autre plus sérieuse. Cette chanson est née durant cette dernière période. A vrai dire, je ne me souviens plus du moment de sa création, mais elle ne nous a sûrement pas demandé de longues recherches laborieuses. Les accords sont venus de manière instinctive. C’est d’ailleurs l’un des avantages principaux de la musique, par rapport aux autres supports que j’explore...

Reiser aimait aussi les Bowling Balls

Quels souvenirs gardez-vous de Bert Bertrand ?

C’était un homme extrêmement sensible, intelligent et déroutant. Certains ne le supportaient pas, car il pouvait être crispant. Bert n’avait pas envie d’entrer dans un moule, et de ressembler aux autres...

J’ai parfois beaucoup de mal à assimiler son décès. Il est parti à New York pour ne jamais revenir. Je discute souvent avec Jean-Pierre Hautier (co-fondateur de Zinno). Nous avons tous les deux l’impression qu’il va, un jour, sonner à notre porte, en nous disant : « Je vous ai bien eus !  ».

C’était également un journaliste hors-pair dans le milieu musical...

Effectivement. Il connaissait très bien son métier, et était ouvert aux nouvelles tendances de l’époque. Bert avait noué des relations amicales avec Patti Smith et Jonathan Richman. J’ai eu beaucoup de chance de collaborer avec un homme tel que lui !

Cela ne vous manque-t-il pas de ne plus composer de musique ?

Je n’ai jamais arrêté d’en enregistrer. J’en ai réalisé pour Zinno et les Snuls. Et puis, j’ai travaillé les chansons inédites de For Ever And Never au fur et à mesure de l’évolution technologique. Chaque fois que je recopiais mes bandes sur un support informatique plus actuel, je ne résistais pas à la tentation d’y rajouter des éléments sonores...

Qu’avez-vous ressenti en rejoignant à nouveau les studios d’enregistrement ?

C’était des moments formidables. Au départ, je pensais ne travailler sur le disque qu’une seule journée. J’avais demandé à Dan Lacksman d’écouter les chansons inédites. Je souhaitais avoir son avis sur le dosage des bases et des batteries. Ce travail nous a pris un mois ! Dan a travaillé chaque morceau avec une infinie tendresse et beaucoup de conscience professionnelle. Il voulait que cette intégrale des Bowling Balls soit de la meilleure qualité possible...

Lors des premières séances au studio, j’ai éprouvé quelques difficultés à entendre la voix de Bert, et ne pas sentir sa présence. C’était très émouvant, surtout lorsque Thierry Culliford est venu nous rejoindre ...

Pourquoi avez-vous choisi Marka pour enregistrer cette version francophone de « You Don’t Know ? »

C’est plutôt Marka qui nous a choisis ! Il est un ami de longue date, et fut l’un des premiers à soutenir un vague projet de concert hommage aux Bowling Balls. C’était bien évidement une idée surdimensionnée, qui ne s’est jamais réalisée. Mais Marka a absolument voulu travailler avec nous lorsqu’il a eu vent de cette intégrale...

Avez-vous l’intention de publier l’intégrale de Zinno ?

Plus que jamais depuis que je connais le professionnalisme de Dan Lacksman ! Elle sera agrémentée de quelques inédits, dont une reprise d’un titre des Pet Shop Boys... J’espère que ce disque verra le jour !

Quels souvenirs gardez-vous de votre rencontre avec Gainsbourg lors d’une émission télévisée française ?

C’était un grand moment ! Jean-Pierre Hautier et moi-même devions chanter What’s your Name en play-back. Nous avons été étonnés de voir que Serge Gainsbourg était moins émêché lorsque la camera ne tournait pas (Rires).

Il n’était pas supposé venir nous rejoindre pendant que nous jouions. Gainsbourg est arrivé, et s’est mis à mes côtés pour jouer quelques notes sur le clavier.

Puis, il s’est approché des choristes. Deux d’entre elles étaient paniquées car elles connaissaient la réputation du chanteur. Elles craignaient qu’il se montre trop entreprenant à leur égard ! La troisième, quant à elle, était décidée à lui donner un coup de genou dans les testicules s’il l’approchait. Notre choriste ne l’a pas fait ! Et c’est franchement dommage car nous aurions pu faire la une des journaux. Imaginez : « Un groupe Belge a donné un coup de genoux dans les couilles de Gainsbourg » (Rires).

C’était une période assez folle ...

Rien n’était prévu ! Je n’ai jamais eu de plan de carrière, car je suis incapable de construire la moindre stratégie. Je fonctionne quasiment au jour le jour. Ma vie est remplie de hasards agréables : ma rencontre avec Bert Bertrand, celle de Gotlib, où encore de Gainsbourg !

The Girls

L’intégrale de Jannin va-t-elle se faire ? Vous m’aviez confié que vous aimeriez sortir vos autres albums épuisés sous ce format ?

Je ne pense pas ! Mais j’aimerais tout de même publier Arnest Ringard (co-réalisé avec Franquin et Delporte). Deux albums ont été réalisés, et j’ai conservé beaucoup d’ébauches graphiques d’André Franquin...

Quels sont vos projets ?

Terminer le premier album des Zaduzado qui sortira en octobre au Lombard. Et puis, j’interviens toutes les semaines dans le jeu des dictionnaires (célèbre émission radiophonique de la RTBF). Je ne suis pas encore assez ancien pour avoir de l’assurance

Zep, connaissiez-vous les Bowling Balls ?

Zep : J’appréciais énormément Germain et Nous. Frédéric parlait de son groupe dans ses BD. Je ne connaissais donc que leur nom à cette époque-là. J’ai découvert les talents musicaux de Frédéric lorsqu’il a composé les premières chansons de Zinno...

Vous êtes également membre d’un groupe musical... Qu’est-ce que cela vous apporte ?

Zep : Des emmerdes (rires).

Fred : Tu ne trouves pas que cela permet de nous aérer ?

Zep : La musique est une création collective et instantanée. C’est fort agréable. Et puis, les codes sont plus simples que ceux de la bande dessinée. Lorsqu’on les connaît, on peut arriver à procurer des émotions beaucoup plus fortes que par l’image. La musique peut réellement vous habiter, vous faire bouger ! Beaucoup de dessinateur font d’ailleurs de la musique. L’inverse est plus difficile, car les codes sont plus difficiles à appréhender ...

les Zaduzados
Hommage à Visco Video, une chanson des Bowling Balls.

Cleet Boris, le leader de l’Affaire Louis Trio, est l’exception qui confirme la règle ?

Zep : Non. Il s’inscrit dans la même démarche que Fred. Mais il dessinait beaucoup avant de monter son groupe. Il avait même publié un album aux éditions Magic Strip (Cleet Boris raconte : j’ai réussi). Il y a racontait sa vie : un dessinateur qui présente ses maquettes à des majors. Finalement son rêve est devenu réalité : il a signé plusieurs albums musicaux avec l’Affaire Louis Trio. Cet auteur a publié plus récemment Créature, chez Soleil...

(par Nicolas Anspach)

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