Sur scène, trois personnages : le Chat, joué par une jeune femme, Camille Nahum, dont les yeux sont éminemment électriques ; un rabbin, plus ashkénaze que sépharade (on se souvient que l’album se passe à Alger) joué par un Rémy Darcy à la voix doucereuse, et la fille du rabbin, Zlabya, jouée par Shiran Azoulay, lascivement allongée sur sa couche de coussins aux motifs orientaux. Les décors comme les effets sont simples, tout est centré sur les dialogues.
Une adaptation réussie.
On sait que chez Sfar, ceux-ci sont socratiques en diable : la pensée se déroule comme un fil, parcourue par des contradictions qui sont autant de nœuds qui se dénouent avec humour. Là, on s’aperçoit que le rendu est fidèle : ces sont les dialogues de Sfar qui s’égrènent. On reconnaît la situation : le chat investigateur et roué, le perroquet qui se fait bouffer, la parole qui se révèle... Puis la magie joue. Au bout de quelques instants, on oublie que nous sommes dans une BD. Le public rit aux répliques. Il y a du rythme, de l’action, de la fantaisie et finalement, le temps passe vite. La fin diffère de l’album (la pièce n’est basée que sur le premier tome) mais on se dit que c’est normal : il faut conclure.
« J’ai été transporté... »
Un peu sur la défensive, Sfar s’interdisait de se livrer avant la représentation. « J’ai fait confiance à Camille, disait-il. Je n’ai rien contrôlé, rien vérifié. Mise en scène, affiche, adaptation...rien. Je ne me serais pas permis d’intervenir : ce n’est pas mon travail. » Après le spectacle, le ton est plus enthousiaste : « J’ai été transporté , se confiait-il le lendemain en public lors d’une rencontre au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, j’ai pleuré, j’ai ri. J’étais évidemment contrarié que le Chat soit une fille. Je l’avais imaginé comme un autre moi-même : macho, obsédé sexuel, insupportable. En plus ils m’ont fait un sale coup : j’ai tout fait pour que le rabbin de l’album ne ressemble pas à mon pépé Arthur qui ressemblait un peu à Oppenheimer. Dans l’album il est sépharade, petit, rondouillard. Or, l’acteur qu’ils ont choisi, Rémy Darcy, est le parfait sosie de mon grand père. J’y vois là une fois de plus ce que j’appelle des P.O., des « Preuves Objectives » de l’existence de Dieu. »
Une œuvre ouverte.
Adaptée par l’interprète principale, Camille Nahum, la pièce a été orchestrée par deux metteurs en scène : l’Australienne (chrétienne) Elise McLeod et par le Japonais (bouddhiste) Sei Shiomi. « Je me suis reconnu dans les valeurs universelles de cette BD, nous a expliqué ce dernier. Pour moi, le judaïsme ne représente pas grand-chose. Mais ce rapport à soi, aux autres, au monde, à Dieu me parle complètement. En outre, j’avais lu au Japon un roman avec, comme dans la BD, un chat qui parle. » Loin d’être une pièce communautaire donc, « Le Chat du rabbin » est une œuvre ouverte, universelle.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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« LE CHAT DU RABBIN » du 8 mars au 4 avril au théâtre Le Cercle, 10 rue Saint-Claude à 75003 Paris (M° Saint-Sébastien Froissard). Tarifs : 14 euros : plein tarif ; 8 euros : Tarif Réduit ; 10 euros : groupe (au moins 10 personnes). Horaires : Du lundi au mercredi à 21h00, le jeudi à 19h30, le dimanche à 16h30. Renseignements et réservations :
Téléphone : 01 42 64 53 38
Email : lechatdurabbin@hotmail.com.
Photo : Noam Levy © D.O.N.C.