Nous sommes en décembre 1942. L’Allemagne est le maître de l’Europe. Mais l’empire teuton promis au millénaire vacille : Stalingrad et le Pacifique sont le théâtre de leurs premières défaites. Pour maintenir son hégémonie et combattre les alliés, les Nazis préparent une arme redoutable : grâce aux pouvoirs paranormaux d’une jeune Roumaine, la « Solution Finale » imaginée par Himmler et ses complices à Wannsee consiste désormais à transformer le peuple réprouvé en une armée de Golems « invincibles et totalement soumis. »
Parlant de John Cassaday sur Planetary, Alan Moore lui-même distinguait le « talent opalescent » de ce dessinateur, considérant que Warren Ellis, son scénariste sur cette série, avait bien de la chance d’avoir sous la main « ... un artiste capable de d’un brio aussi éblouissant dans l’exécution des cadrages, des costumes et des décors et disposant d’un trait qui combine une implacable rigueur avec une délicatesse quasi éthérée. Cassaday semble s’inscrire, dit le magicien de Northampton, dans une rivalité dynamique et productive avec son scénariste, chacun tentant de piéger l’autre en apportant une perspective inattendue au récit, poussant l’idée le plus loin possible, jusqu’en des lieux qui leur semblaient d’entrée inconcevables. Le résultat est un récit de science-fiction digne des meilleurs créateurs du genre. » Le jeune Texan a dû apprécier le compliment de celui qui est reconnu comme l’un des meilleurs scénaristes de BD du monde.
Né en 1971, Cassaday a déjà une impressionnante carrière derrière lui. On lui doit Flower of the Razorwize chez Boneyard Press, Ghost chez Dark Horse, quelques travaux divers pour DC dont une intervention sur Batman. Mais c’est grâce à Desperadoes puis surtout à Planetary pour Wildstorm qu’il se trouve propulsé dans le petit cercle des signatures les plus remarquées de la nouvelle génération. Cette première collaboration avec un scénariste français confirme les espoirs que les lecteurs ont pu nourrir dans l’évolution de ce graphiste à la facture classique dont le dessin fait aussi bien penser à l’austère et élégant Dave Gibbons de Watchmen qu’au sfumato tout en points d’encre du dessinateur anglais Frank Bellamy. Le prochain coup d’éclat de ce dessinateur, séducteur adulé par les jeunes femmes qui peuplent les conventions, est sa reprise en main pour 12 fascicules de la série X-Men en association avec Joss Whedon, le scénariste attitré de Buffy et les Vampires.
Le scénariste de W.E.S.T, quant à lui, avait fait déjà une entrée remarquée dans le monde de la BD avec Xavier Dorison en maître de cérémonie. Mais depuis, Fabien Nury s’est affranchi. Avec Légion, il retient les leçons de son idole Alan Moore : récit aux dialogues cuts et percutants, background historique travaillé au possible et instillation progressive du mystère en plongeant le lecteur dans un indicible malaise. Et, de fait, dans ce chassé-croisé entre maîtres-espions mâtiné de vampirisme noir à la Bram Stoker , le lecteur est promené d’un bout à l’autre de l’album dans un suspens implacable. Un must.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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