Quelle bonne idée ne serait-ce pas là ? Nous avons tous passé le mois de décembre à acheter nos « basiques », les quelques nouveautés indispensables à notre appétit d’images, et puis les cadeaux pour porter « la bonne BD » auprès de nos proches et de nos connaissances. Face à l’afflux de nouveautés (sur plus de 2000 bouquins parus dans l’année, près de 800 paraissent entre septembre et décembre), bon nombre de bons livres « passent à l’as ». La « période des soldes » serait propice à un déstockage massif de la part des éditeurs, donnant une seconde chance à des livres rendus invisibles par la masse des publications, tandis que les bédéphiles qui constituent le cœur de la consommation du secteur achèteraient tout simplement plus. Or, cette « période des soldes » n’existe officiellement pas.
Des soldes déguisées.
Pourtant, des « soldes déguisées » existent sur le marché : La Collection Pirate lancée par Dupuis en début janvier, propose des ouvrages à 3€, certes brochés et dans une collection distincte de la série principale. Dans l’esprit de l’éditeur de Spirou, ces opérations (qui marchent très bien) sont des produits d’appel destinés à recruter de nouveaux lecteurs qui, découvrant une série par cet intermédiaire, reporteraient leurs achats sur la série régulière figurant dans le catalogue de l’éditeur. Par ailleurs, certains points de vente - hors des circuits classiques : grandes surfaces et librairies- vendent des nouveautés récentes à prix cassés. Les éditeurs ne parlent pas volontiers de ce secret de Polichinelle. Il s’agit d’une pratique hypocrite qui a cours depuis longtemps et qui porterait sur le recyclage des « invendus ». Les albums sont parfois si neufs que l’on se demande s’ils ont été jamais distribués. Un circuit « occulte » qui provoque régulièrement des coups de gueule de la part des librairies comme des auteurs. Tous les éditeurs ne la pratiquent pas, du moins officiellement.
Le Prix du livre. Unique ?.
Ce sont pourtant des pratiques que la loi interdit. Depuis la promulgation de la Loi Lang, voici près de vingt ans, il est rigoureusement interdit au libraire de consentir une ristourne de plus de 5% au client. La solde ne peut intervenir qu’au bout d’une période à peine inférieure à un an et doit faire l’objet d’une annonce, l’éditeur étant par ailleurs obligé d’en avertir l’auteur. Les associations de libraires, comme l’Association des Libraires de Bandes Dessinées ont d’ailleurs en leur temps gagné plusieurs procès contre des enseignes de la grande distribution afin de leur imposer le respect de la loi. Même sur le net, des libraires comme Amazon ou BDNet ne dérogent pas. Cette mesure, dit-on, aurait préservé le réseau de la diffusion du livre en France, et celui de la librairie spécialisée de BD en particulier et par conséquent les petits labels de l’édition.
Il y a un certain nombre de raisons pourtant pour que cela change. Les ventes en librairie, sauf chez certains labels dont la diffusion est très restreinte, ne sont jamais faites « à compte ferme ». Le libraire a la faculté de rendre à l’éditeur les ouvrages restés invendus et qui restent en surnombre dans son stock. En compensation, le libraire s’engage à conserver en stock ses ouvrages pendant un certain temps, fixé souvent à trois mois. Or, dans les faits, les livres retournent de plus en plus vite. Certains mêmes ne sortent jamais des colis. Cette pratique pèse de plus en plus sur la gestion des éditeurs et s’avère parfois funeste pour certaines collections.
Enfin, pour les régions frontalières à la Belgique -où ce prix unique n’existe pas en raison de l’hostilité historique des éditeurs de BD à cette mesure- le problème est encore plus aigu : les libraires spécialisés belges pratiques couramment le prix cassé. La plupart des librairies bruxelloises pratiquent un rabais de 20% et il n’est pas rare qu’une grande surface ne vende pas une BD très notoire (Astérix, par exemple) à prix coûtant.
Une « Journée de la BD » ?
Dès lors, la question mérite d’être posée : Pourquoi ne pourrait-on pas mettre en place, pendant une période de six semaines, régie par un arrêté préfectoral, une période de solde où les libraires pourraient déstocker les invendus de la dernière saison ? Elle pourrait coïncider à un projet de la section BD du Syndicat National de l’Edition, une Journée de la BD pendant laquelle toute la Francophonie multiplierait des événements à l’exemple d’autres opérations menées par la profession comme le « Mai du livre d’art ». Une idée à laquelle le directeur du Festival d’Angoulême, Jean-Marc Thévenet, est résolument hostile. En effet, à ses yeux, c’est Angoulême qui est le moment privilégié de l’année pour la BD. Un état de fait face auquel les éditeurs de BD aimeraient cependant proposer une alternative.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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