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La fermeture du Musée Jijé pose la question de la politique culturelle de la Belgique vis-à-vis de la BD.

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 3 mars 2005                      Lien  
Nous parlions naguère d'[« Etat-radin »->916] à propos de la politique culturelle menée par le gouvernement belge vis-à-vis de la BD. Après la fermeture du Musée Jijé, des questions se posent, notamment en ce qui concerne le Centre Belge de la BD. Dans un article de William Burton du « Soir », nous apprenons que l'Etat belge lui dispense un minimum de subsides... et lui envoie ses huissiers !

Nous avions publié récemment une réaction du Centre Belge de la BD face à la situation créée par la disparition du Musée Jijé. C’est avec stupéfaction que nous lisons un article consacré au Centre Belge de la BD dans le journal Le Soir daté du 2 mars 2005, sous la signature de William Bourton ["Les Temps sont durs pour le CBBD"]. Nous y apprenons que, depuis sa création, cette institution vit avec une épée de Damoclès au-dessus d’elle. «  Nous vivons des fins de mois difficiles pratiquement depuis l’inauguration, en 1989, dit Jean Auquier, directeur de la communication du CBBD au « Soir ». Nous avons toujours réglé nos dettes. Sauf une : celle envers la Régie des Bâtiments de l’Etat, propriétaire des lieux. Nous ne payons tout simplement pas notre loyer. Nous serions bien incapables de le faire et nous ne l’avons du reste jamais fait. Cela représente une ardoise de 100.000 euros par an.  »

Donc, si l’on comprend bien, des arriérés de l’ordre de 1.600.000 euros ! « Le Soir » nous raconte que l’administration fait consciencieusement son boulot et envoie régulièrement des huissiers rue des Sables mais, ajoute le quotidien bruxellois, «  jusqu’ici, aucun ministre exerçant la tutelle sur la Régie n’a fait saisir les précieuses collections de papier. »

Le CBBD aux prises avec l’Etat-Radin

C’est toute l’ambiguïté de la politique culturelle de la Belgique qui est décrite dans cette situation. Alors que cet état a su profiter -jusqu’à donner le sentiment de la persécution parfois- de ses stars de la BD comme Hergé, Franquin, Peyo, Roba, Jean Van Hamme, vendeurs en millions d’exemplaires, alors qu’il prélève sans vergogne taxes et charges sociales sur les entreprises belges (Dupuis, Casterman, Dargaud Benelux, Le Lombard, Glénat Benelux, etc) qui font de la BD une des premières industries culturelles du pays, l’Etat intervient pour des cacahuètes dans son rayonnement et dans son développement culturel, en tout cas, sans qu’aucune politique nationale ne soit orchestrée.

Jean Auquier détaille ce financement auprès du « Soir » : « Nous recevons 45.000 euros d’aide de la Communauté française et 30.000 euros de la Commission communautaire flamande (VGC). C’est tout. Ce financement public représente 5 % de notre budget (1,6 million d’euros). Pour le reste, 60 % des recettes proviennent des tickets d’entrée (250.000 visiteurs par an), 15 % de la location d’espaces, 10 % des espaces commerciaux annexes (la librairie et la brasserie, tenues par des indépendants) et le solde de la réalisation de travaux extérieurs (expos, publications, etc). Un temps, nous avons bénéficié du sponsoring d’une chaîne de grandes surfaces et d’une marque automobile (25.000 euros par an), mais ces budgets ont été coupés. » Du coup, le CBBD est dans une situation précaire , recevant seulement 75.000 euros d’aide nationale, alors qu’Angoulême, si l’on en croit les déclarations du patron du Festival à Bande Dessinée Magazine [N°5, janvier 2005] émarge des fonds publics à hauteur de près de 600.000 euros par an, sans compter des millions d’euros investis dans le CNBDI et dans le partenariat avec Magelis. C’est tout simplement ahurissant et cela démontre l’incompétence et l’incurie des responsables politiques belges qui ont pourtant su en son temps ouvrir largement la bourse de l’Etat pour financer Gérard Mortier à l’Opéra Royal de la Monnaie, par exemple.

Des volontés à Charleroi, Bruxelles et Liège

Il ne nous appartient pas de dicter aux politiciens belges leur politique culturelle, mais de les rappeler à la cohérence et à la vigilance. Quelle est cette politique qui préfère payer des huissiers plutôt que de favoriser la pérennité d’institutions qui apportent à la Belgique de l’image et des emplois ? La ville de Charleroi l’a compris qui, avec Charleroi Images, initie depuis plusieurs années un cycle d’expositions prestigieuses et qui s’apprête à créer, à partir de 2006, dans l’ancienne capitale minière belge, un Festival de la BD qui serait animé par l’ancien rédacteur en chef de Spirou, Thierry Tinlot. La ville de Bruxelles, avec des moyens plus réduits, a créé une « Quinzaine de la BD ». L’une et l’autre de ces villes ont signé à Angoulême la « Charte des Villes BD » qui les inscrit dans une liste où figurent notamment Lucca (Italie), Kochi (Japon), Barcelone (Espagne), Amadora (Portugal) et Séoul (Corée).

Mais ces événements ponctuels n’ont pas le même retentissement qu’une institution qui existe toute l’année et qui constitue un point d’ancrage pour la BD dans ce pays. Quand donc les hommes politiques belges comprendront que c’est en favorisant le rayonnement du 9ème Art, vis-à-vis duquel la Belgique a joué un rôle capital, que l’on pourra pérenniser l’attachement de cette industrie à ce pays, profiter de sa forte valeur ajoutée, et fournir aux jeunes auteurs qui sortent des filières scolaires belges (voir notre récent article à ce sujet) les emplois qu’ils méritent ?

Cela implique un effacement de la dette du CBBD, l’usage à titre gratuit des bâtiments qui lui sont alloués, et la dotation de frais de fonctionnement décents afin que ce Centre remplisse au mieux les fonctions muséales et promotionnelles que le public -et les citoyens belges en particulier- sont en droit d’attendre de lui.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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