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La chasse aux pirates de BD est ouverte !

Par Laurent Boileau le 8 janvier 2005                      Lien  
Très fréquent sur le marché de la musique et du cinéma, la contrefaçon numérique (principalement via internet) préoccupe de plus en plus le secteur de la bande dessinée. La première condamnation d'un "internaute-pirate" montre la vigilance des maisons d'édition à vouloir gérer un phénomène qui pourrait prendre de plus en plus d'ampleur avec les évolutions technologiques.

La nouvelle est passée un peu inaperçue en cette période de vacances... Le Syndicat national de l’Edition s’est félicité de la condamnation d’un internaute, fautif d’avoir diffusé 2288 bandes dessinées via Internet depuis un ordinateur monté en serveur. (voir communiqué du SNE). Le prévenu a été condamné au paiement d’un euro symbolique.
C’est bien là un signal d’alarme significatif pour tous ceux qui ne voient dans la toile qu’un vaste champ de libre-échange. Les pirates devraient prendre garde car ils s’exposent tout de même, selon l’article L335-2 du code de la propriété intellectuelle, à une condamnation pouvant aller jusqu’à 300.000 euros d’amende et trois ans de prison. Lorsque les délits ont été commis en bande organisée, les peines maximales sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 500.000 euros d’amende ! Dans le cas cité plus haut, le jugement est donc plutôt clément. On comprend alors que l’internaute pincé ait eu l’intelligence d’accepter la sentence et de ne pas faire appel...

« Cette condamnation est avant tout symbolique. Il n’y a aucune sanction à la clé », déclare Pierre Bellet (directeur multimédia du groupe Dargaud/Lombard). « C’est la première et nous espérons que cela va dissuader les pirates, c’est-à- dire ceux qui mettent en ligne et partagent massivement des albums. » [1]

En effet, tout le monde n’est pas pirate, et il faut distinguer 2 catégories d’internautes :

La chasse aux pirates de BD est ouverte ! les internautes "passionnés" qui réalisent des sites perso ou des sites non officiels (ils sont souvent connus des éditeurs qui n’hésitent pas à les encourager et à indexer leurs sites sur leurs propres sites lorsqu’ils le méritent).

Pierre Bellet se veut "constructif" : « Bien sûr, ces internautes sont soumis à une certaine déontologie et au respect du copyright, mais tant qu’ils n’entrent pas dans une sphère commerciale, nous les voyons plutôt comme des soutiens que comme des parasites. Certains nous aident même à développer nos propres sites officiels. »

- les pirates qui mettent en ligne l’intégralité des catalogues uniquement pour permettre d’échapper à l’achat. Spécialistes des réseaux "peer to peer", ils proposent pratiquement 100% des nouveautés et sans doute
50% du fond ! Difficile pour autant de parler de manque à gagner pour les maisons d’édition puisque les ventes continuent à progresser.

Lire une BD sur un ordinateur ?

Pour Pierre Bellet, « il n’y a pas de menace à court terme, car le support "livre" reste un support d’avenir, largement plébiscité par nos lecteurs. Cela ne doit pas nous dissuader de lutter contre les mauvaises habitudes prises par certains, qui pourraient contaminer à plus ou moins long terme notre secteur. »

Le plaisir d’avoir l’ouvrage entre les mains est encore trop fort pour le lecteur. Mais dans une longue interview accordée à Pcinpact, Bruno Bellamy (dessinateur de Sylfeline) anticipe l’évolution technologique :

« Aujourd’hui, l’idée de lire une BD sur l’écran de l’ordinateur fait sourire la plupart des gens concernés. On tend à croire que ce mode de lecture ne concerne pas le bédéphile "classique" qui, lui, reste fidèle à l’album en papier. (...) Mais comment ne pas supposer que dans, au grand maximum, dix autres années (à mon avis bien avant !) les ordinateurs ne seront pas des objets ultra-légers (mettons... de la taille et du poids d’un album de BD )), ne consommant presque rien, affichant les images avec des résolutions équivalentes, en finesse et en fidélité, à celles des meilleures impressions quadrichromiques actuelles, et connectés à l’Internet avec un tel débit qu’ils pourront sans peine accéder à toutes les BD jamais publiées ?
Qui, alors, sera encore assez idiot, si les mentalités n’ont pas changé d’ici là, pour accepter de payer une version papier d’un album qu’on pourra avoir gratos, peut-être même avec une meilleure qualité d’affichage (sans parler de la possibilité de zoomer, etc), sur son portable ?
 » [2]

Contrairement aux producteurs de films ou de disques, les maisons d’édition ont encore du mal à définir exactement les effets de ce qu’elles considèrent comme une menace. Elles préfèrent prévenir que guérir car les pratiques d’aujourd’hui ne seront pas forcément celles de demain. C’est pourquoi elles restent vigilantes et surveillent de très très près le media "internet". Nous avions déjà eu l’occasion de parler de la charte de bonne conduite mise en place par Dargaud. Elle fixe « les règles d’utilisation partielle, raisonnable et raisonnée, des bandes dessinées ».

Mais attention aux dérives qui consistent à vouloir tout contrôler, avec un comportement purement mercantile qui n’a rien à voir avec la protection des droits des auteurs ou du copyright.

Même si, pour le moment, le groupe Dargaud/Lombard n’a constaté « aucun impact sur les ventes », l’éditeur a décidé d’apporter une réponse très différente de celles des autres acteurs de l’industrie culturelle en créant une cellule multimédia. Parmi les développements les plus
significatfis de ce département, on trouve le site "Read-Box.com". Avec celui-ci, Dargaud et Lombard, n’hésitent pas à proposer de la BD en ligne pour faciliter la prévente.

Pierre Bellet : « Read-Box est une bibliothèque d’extraits de BD en ligne. Nous publions 15 planches en moyenne, afin que l’internaute se fasse une vraie idée du contenu de l’histoire. Cet outil est destiné à préparer l’achat en ligne ou en librairie. Nous publions parfois un tome 1 en entier, lorsqu’il s’agit de série à suite comme Le Scorpion ou XIII.
Avec plus de 10.000 visiteurs par mois générant 150.000 pages vues, Read-Box est donc un service qui répond à une demande d’information des internautes. Nous espérons aussi qu’ils seront amenés à découvrir des albums auxquels ils n’auraient pas pensé autrement.
Read-Box, c’est finalement un outil de marketing relationnel complémentaire de nos outils papiers comme "Avant Première", destiné à donner à notre production toutes ses chances de visibilité auprès du public. Ce n’est pas inutile dans le contexte de surproduction que connaît actuellement le secteur.
 »

Vers une consommation numérique...

En fait, c’est bien plus les contrefaçons des produits dérivés qui inquiètent les maisons d’édition. Les séries à succès (Titeuf, Kid Paddle, Largo Winch...) trouvent toutes une déclinaison dans le merchandising. Et là, les enjeux financiers ne sont plus les mêmes.

La politique de licence avec des télévisions, mais aussi des fournisseurs d’accès à internet et des opérateurs ou des prestataires de services de téléphonie mobile, pour l’utilisation de héros et logos des BD a explosé ces dernières années.
Actuellement, plus de deux cents contrats sont en cours chez Dupuis et plus de mille produits sont sur le marché. Les plus grandes entreprises se sont associées à Cédric, Kid Paddle, Le Petit Spirou et Largo Winch : Abélia, Ubi Soft, Hachette Livres, Tilsit, Panini, Lansay, Carta Mundi, Disney Hachette Presse, ...

Autre exemple, le groupe Dargaud/Lombard a signé un contrat de licence avec le prestataire Mobivillage, pour des fonds d’écran ou des logos pour portable avec le personnage de XIII. Ces contrats sont une manne financière très importante pour les éditeurs. D’où la procédure juridique immédiate dès la découverte d’une commercialisation effectuée sans leur autorisation.
La téléphonie mobile n’a d’ailleurs pas fini de délivrer toutes ses promesses. L’envoi de BD très courtes et humoristiques risque fort de devenir la prochaine poule aux œufs d’or...

(par Laurent Boileau)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Dessin en médaillon © Gillon/Malka/Glénat

[1Dans cette perspective, cette première condamnation sert de jurisprudence pour condamner rapidement les contrefacteurs suivants. NDLR

[2Signalons qu’à Honk-Kong, où le haut débit est gratuit, les internautes peuvent déjà accéder à ce type de service. NDLR

 
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10 Messages :
  • > La chasse aux pirates de BD est ouverte !
    8 septembre 2005 13:25, par Matthieu

    Bonjour,
    Qu’en est-il des personnes qui comme moi, lisent des BD sur l’ordinateur et qui achètent les séries qui valent le coup même après les avoir lues ?? Depuis que je télécharge je lis beaucoup de séries et j’ai surtout augmenté mon budget BD de près de 50% !! Maintenant j’achète des séries entières d’un coup alors qu’avant je me "risquai" à me procurer un ou deux tomes pour m’apercevoir que l’histoire était bidon ou mal faite. A mon avis rien ne remplacera jamais le support papier qui fait le charme de la BD. Le passage par le support électronique, bien qu’illégal peut permettre de découvrir des merveilles à coté desquelles on serai passé en temps normal.
    Je pense que l’initiative de Dargaud et de leur site www.read-box.com est très prométeuse. A plus grande échelle elle me permettrai de me dispenser de télécharger !

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    • Répondu par virgil le 8 septembre 2005 à  18:44 :

      Quel histoire ridicule... S’offusquer contre internet est devenu à la mode. Des milliers d’albums sont dispos sur les réseaux peer-to-peer, ces salauds de pirates qui profitent du système, qui n’ont aucun respect pour le pauvre petit éditeur qui a sué sang et eau pour publier cette bd qui ne demande qu’à etre acheté par les gentils consommateurs que nous sommes ? On nous prend vraiment pour des cons.... Si on continue dans le meme registre, autant fermer toutes les bilbiothèques de france !!!! Non mais c’est vrai après tout : j’avoue, depuis que je suis en age de lire, je lis plusieurs bds par semaine (moins ces derniers temps), et sans avoir payé un centime !!!! J’en ai meme relu des dizaines de fois !!!!!! Ca fait de moi un criminel ? Messieurs les censeurs, à vous de me le dire !
      (Et ne venez pas me dire que la bd a au moins été acheté une fois par la bibliothèque ; car c’est le meme principe pour celles diffusées sur internet. Et de toute facon les "pirates" comme vous dites n’ont pas attendu internet pour s’echanger des bds ; un scanner et une disquette, et le tour est joué...)

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      • Répondu par xian le 13 septembre 2005 à  07:52 :

        Sans doute le fait de lire une bd non achetée n’est pas un acte de piraterie ou d’incivisme, mais le problème se pose-t-il réellement en termes juridiques ?

        Il faut comprendre, qu’on le veuille ou non, que notre société actuelle est bâtie sur "l’argent", la monnaie, le salaire et donc que l’auteur de la bande dessinée vit de son dessin, elle n’est pas un passe-temps ludique mais un travail et à ce sens doit être ( dans notre concept actuel de civilisation ) rémunéré.

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      • Répondu par tungstene le 13 septembre 2005 à  19:19 :

        c’est pour ça que Tungstene édition, est la première à offrir la possibilité de lire en ligne directement ses bandes dessinées, voici ce qu’elle dit :
        " 08/07/05 Grande nouvelle, Tungstène éditions vous offrent ses bandes dessinées !

        lecture en ligne gratuite de BD complettes !

        Pour la première fois à notre connaissance, (comme ce fut le cas pour notre journal de BD en ligne Mensuel gratuit), un éditeur vous permet de lire directement en ligne ses livres gratuitement !!!.

        tungstène éditions partent sur une politique éditoriale toute nouvelle, la libre lecture de ses publications ! A cela plusieurs raisons :

        Permettre à ceux qui n’en ont pas les moyens financiers de pouvoir eux aussi, lire nos BD autrement qu’assis dans une grande surface ou dans une bibliothèque.

        Faire découvrir notre monde à ceux qui ne nous connaissent pas (quelle meilleure façon de vous faire votre propre opinion sur nos albums ! )

        Attention, les droits d’auteurs ne sont absolument pas libres pour autant !"

        il est peut etre temps que le model du logiciel freeware fasse des émules dans le livre, on en dira ce qu’on veut, mais c’est une initative qui merite me semble t’il d’etre souligner, combien de temps celà durera ??? je ne sais pas, l’argent devra bien rentré à un moment ou un autre !
        pour lire ça allez sur http://tungstene.free.fr

        Voir en ligne : tungstene editions

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        • Répondu par osimon le 3 février 2010 à  23:34 :

          Je crois que la vérité sera au milieu.

          Pour ceux qui ne respectent pas les auteurs, ils pirateront de plus en plus les BDs. il faut 1h avec un scanner de base à 70€ pour numériser un "XIII" pour ensuite le rendre à la bibliothèque (aucune trace du forfait) et 10 secondes de copie numérique sur la clé USB par pote qui veut lire la BD...aucune trace internet et diffusion ainsi par inondation....donc aucune loi ni aucun système de sécurité n’arrête ça !!

          Pour ceux qui respectent les auteurs mais qui ne supportent plus de gâcher du papier quand la planète voit toutes ses forêts disparaître (et je parle pas de l’industrie papier polluante qui va avec), il faut pouvoir télécharger la BD numérisé sur le net dans un site de vente officiel. 95% de l’argent va à l’auteur, le reste en commission bancaire car il existe un framework pour vente en ligne sans payer d’installation et de de maintenance du site... donc, il faut aller vers le concept "une chanson = 1euro"... peut-être un peu plus cher pour les BD mais pas 15€ comme aujourd’hui à la FNAC !

          Dans tous les cas de figures, vous voyez bien que les maisons d’éditions et le circuit classique de distribution de BDs sont morts... eh oui, ce sont des métiers devenus obsolètes au 21ème siècle... comme le rémouleur dans les années 70 ;-)

          Vive la BD !

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  • > La chasse aux pirates de BD est ouverte !
    9 septembre 2005 13:55, par di-m-lesbics

    le truc le plus drole, c’est que rien n’est fait pour la lecture dans les grands magasins !
    regardez le nombre de personnes qui lisent à la fnac, et après on reparlera du mal que fait internet...

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  • > La chasse aux pirates de BD est ouverte !
    13 septembre 2005 00:14, par Kdash

    RIEN NE REMPLACE LE SUPPORT PAPIER !!! En gros voila l’avis de beaucoup de gens. Pour ma part la froideur de lécran ne passe pas, meme si j’ai téléchargé le tome hors série de blacksad car INTROUVABLE (merci internet) enfin s’ils le resortent je saute dessus. Sinon c’estla meme que les autres messages si une bd me plaît je la chope à la fnac !! et puis une BD numérisé on ne peut pas la lire dans le métro ou dans son lit à par si on traine avec son portable^^ mais bon dans le métro je préfère me faire voler ma bd que mon portable.

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    • Répondu par osimon le 3 février 2010 à  23:43 :

      Pour le support papier, tu changeras peut-être d’avis avec l’iPad.

      Pour la lecture de BD dans le métro, tu dois avoir des horaires bizarres car dans le RER A à 9h ou 18h, je ne vois pas comment lire une BD.

      Alors quand tous tes potes qui auront 2000 BD sur l’iPad vont te vanner avec tes BD papiers que tu n’arriveras plus à caser dans ta chambre, quand la forêt d’Amazonie aura disparu, on verra si tu ne culpabilises pas pour la planète et si rien ne remplace le support papier

      A+

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  • moi je viens de trouver un nouveau site d’éditeur (enfin nouveau pour moi lol) qui mets ces bd a lire en ligne gratos un concepte qui aura peut etre de l’avenir. Par contre comment gagne t’il de l’argent dessus ? je sais pas ! si vous voulez voir
    http://tungstene.free.fr

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  • La chasse aux pirates de BD est ouverte !
    21 mai 2009 21:08, par Mistral

    Pff, quel besoin d’aller lire des BD sur des sites douteux alors que toutes les FNAC de France vous laissent bouquiner sur place à votre guise et sans exiger de vous que vous passiez ensuite à la caisse. Quand elles n’aménagent pas spécifiquement des espaces à cet effet ! (elles ont peut-être fait machine arrière depuis).
    On peut et on doit imaginer des solutions intelligentes, où tout le monde puisse trouver son juste compte. Une initiative possible (parmi d’autres) serait de s’inspirer des "manga cafés" du Japon, pour proposer aux bédévores impénitents, qui ne peuvent attendre que leur série favorite entre enfin dans le fonds de leur médiathèque municipale, un moyen de les feuilleter légalement, pour un forfait horaire modique.
    Mais dans tous les cas, les éditeurs
    habitués à ce que leur lectorat subisse leurs aléas, reports, arrêts de publication et autres caprices sans broncher ont intérêt à changer d’attitude illico : cette époque-là est ré-vo-lue.

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