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Les mauvaises gens - par Etienne Davodeau - Delcourt

Par Laurent Boileau le 24 septembre 2005                      Lien  
"Une histoire de militants", indique le sous-titre de l'ouvrage, celle des parents d'Etienne Davodeau. Bien plus qu'un roman autobiographique, c'est un travail de mémoire auquel s'attache l'auteur. A la fois étude sociale, chronique et hommage sincère au milieu ouvrier, ce nouveau "reportage" passionnant est à lire absolument.

Les Mauges, région vallonnée couvrant le quart sud-ouest du Maine-et-Loire, tiendrait son nom d’une contraction de l’expression "mauvaises gens". Maurice et Marie-Jo y sont nés en 1942. Partant de leurs témoignages, Etienne Davodeau nous conte l’émergence et le développement du militantisme sous deux aspects : ouvrier avec le syndicalisme dans l’usine et religieux avec les mouvements de jeunes. Des années 50 jusqu’au 10 mai 1981, date de l’arrivée des socialistes au pouvoir, les mauvaises gens témoigne de l’engagement de ces ouvriers "cathos".

Le livre d’Étienne Davodeau n’est pas un pamphlet sur l’oppression du monde ouvrier dans la France d’après-guerre. L’immense talent narratif de l’auteur permet au mieux d’émouvoir et au pire d’intéresser un public qui n’a pas forcément de liens affectifs avec la région ou avec le milieu social décrit. Son histoire familiale n’est là que pour mieux resituer le contexte historique et l’ancrer dans une réalité humaine. Dans les années 50, nombreux sont les adolescents à quitter l’école pour l’usine. Marie-Jo et Maurice n’ont donc rien d’exceptionnel. C’est sans doute là la force de leurs témoignages, pétris de simplicité, de sincérité et d’humilité. « On n’a rien fait de plus que les autres ! » déclare Marie-Jo.
Il n’est pas question d’évoquer la vie privée dans ce récit intime mais très pudique. Davodeau se limite à mettre en scène la réticence de ses parents à témoigner, à se livrer au public. La mise en abyme (l’auteur se dessine faisant "valider" ses planches par ses parents) n’est qu’un élément narratif de plus. Les personnages donnent du relief à l’histoire. L’auteur expose leurs sentiments, leurs humeurs, leurs convictions. On peut être séduit ou agacé, mais on ne peut rester indifférent.

Pays religieux qui jadis paya cher son opposition aux idéaux révolutionnaires, les Mauges découvrent l’arrivée du militantisme et la création de mouvements de jeunes comme la Joc (Jeunesse ouvrière chrétienne) et l’Aco (Action Catholique Ouvrière). Des hommes et des femmes osent faire le lien entre foi et engagement syndical. C’est également l’époque des premiers prêtres ouvriers qui confrontent, avec beaucoup de réalisme et de courage, leur foi et la vie humaine et sociale. Militer devient autant une lutte collective qu’un effort d’émancipation sur soi. Le trait de Davodeau reste simple. Seules comptent l’émotion sur les visages et la justesse dans les propos. Il réussit à rendre le récit attractif, ce qui n’était pas gagné d’avance !

Magnifique hommage au milieu ouvrier et au militantisme engagé, les mauvaises gens se conclut sur la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle. Malgré les 170 pages déjà parcourues, le lecteur est frustré de ne pas voir décrypter les espoirs et déceptions suscités par ces "années Mitterrand". L’objet du prochain livre de Davodeau ?

(par Laurent Boileau)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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