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Igor Baranko : « Je n’ai jamais oublié ce que je voulais faire dans la vie »

Par François Peneaud le 20 octobre 2005                      Lien  
Ukrainien vivant aux États-Unis depuis fin 1999, publié maintenant par un éditeur français, Igor Baranko est un auteur à l'imagination fertile, qui n'a pas la langue dans sa poche. Voici un entretien avec celui qui nous propose aujourd'hui le premier tome de sa [{Danse du Temps}->2766].


Igor Baranko : « Je n'ai jamais oublié ce que je voulais faire dans la vie »Parlez-nous de votre développement artistique.

Il a commencé très tôt. J’ai toujours aimé dessiner, aussi loin que je me rappelle, et j’ai toujours préféré le dessin au crayon et à l’encre. En Union soviétique [1], il n’y avait pas de bande dessinée en tant que moyen d’expression. Pour une raison quelconque, le parti communiste avait décidé que la BD était « bourgeoise » [2], un art « capitaliste ». La logique de cette opinion me reste obscure.
Mais le proverbe dit : Celui qui doit être pendu ne pourra pas être noyé... Enfin, je ne sais si je l’ai bien traduit, je ne suis pas sûr que vous comprendrez mon proverbe. Je veux dire que si le destin de quelqu’un est de faire quelque chose, il ne fera rien d’autre.

Avez-vous lu jeune de la bande dessinée ?

À l’âge de sept ans, deux événements ont bouleversé ma vie : j’ai reçu une petite BD polonaise, crée par un jeune G. Rosinski, qui émigra rapidement en Belgique, je n’ai pas besoin de vous dire de qui il s’agit) ; et j’ai découvert le journal français L’Humanité, qu’il était possible d’acheter en URSS. Il publiait une page par jour des Éthiopiques de Hugo Pratt. J’ai tout de suite compris ce que je voulais faire de ma vie.
En passant, une anecdote amusante : pendant longtemps, j’ai porté des favoris, alors que ce n’était absolument pas la mode. Maintenant, je me dis que c’était une conséquence de ma rencontre avec Corto dans mon jeune âge.
Ensuite, j’ai fait une école d’art, j’ai fait mon service militaire dans l’armée soviétique, et j’ai voyagé un peu, mais je n’ai jamais oublié ce que je voulais faire dans la vie.

Avez-vous publié des bandes dessinées quand vous viviez encore en Ukraine ?

Au début des années 90, il y a eu quelques petites tentatives en Ukraine de publier des BD (avec ma collaboration), mais elles ont toutes échouées avec l’effondrement économique du milieu de la décennie.

Comment êtes-vous rentré en contact avec Slave Labor Graphics [3] ?

C’est une compagnie complètement non-commerciale, ils ne paient rien. Je suis arrivé aux États-Unis [en 1999] avec Pifitos et Skaggy The Lost [4]. Je voulais publier quelque chose aux États-Unis, j’ai montré ces histoires aux gens de SLG, ils les ont aimées et les ont publiées. Et voilà.
Je ne suis pas très content de Pifitos. J’avais beaucoup de soucis pendant que je le dessinais, et maintenant, quand on me parle de mes albums, je ne le mentionne même pas, parce que je pense qu’il n’est pas assez bon, même si je pense quand même qu’il y a de bons passages.
Par contre, j’aime beaucoup Skaggy. C’était très amusant à faire. Je ne comprends pas pourquoi il ne s’en est pas vendu des millions...

Comment êtes-vous passé aux Humanos ?

Les Humanoïdes sont arrivés aux États-Unis en même temps que moi (à l’hiver 1999-2000). C’était probablement le destin. Nous nous sommes rencontré à la convention de San Diego. J’aimais ce qu’ils faisaient, et ils aimaient ce que je faisais. Je travaille maintenant sur la trilogie de La Danse du temps, une histoire parallèle des États-Unis (Oh, l’Amérique réelle, je ne l’aime vraiment pas, mais les Indiens me sont chers).

Le seul de vos travaux que je n’ai pas lu est votre suite à Exterminateur 17, avec Dionnet, le scénariste d’origine. Vous avez donc pris la suite de Bilal. Dites-nous en quelques mots.

Vous savez, c’est bien plus le projet de Dionnet et Bilal que le mien. Parfois c’est amusant à faire, parfois je perds un peu mon inspiration. Quant à prendre la suite de Bilal... Comme vous pouvez le voir, je n’ai pas vraiment essayé de l’imiter, nos styles sont très différents. Et même, mon style est différent entre mes albums personnels et Exterminateur 17, parce que j’étais pressé de le finir. Ce n’était pas de ma faute, mais je n’en suis pas fier pour autant.

L’empereur Océan est une étonnante réflexion sur l’histoire et les problèmes contemporains de l’Europe orientale. Vouliez-vous écrire une histoire plus politique après vos œuvres plus fantaisistes pour SLG ?

La politique fait partie de la vie, et dans L’empereur Océan, elle est tellement mélangée avec le mysticisme et le fantastique que je ne considère pas que cette histoire soit vraiment différente des précédentes. C’est juste que le travail fourni est beaucoup plus sérieux, parce qu’en fait, c’est ma première œuvre professionnelle.

Que pensez-vous de la situation actuelle en Russie ?

Je la vois comme un retour aux habitudes de ce pays, après les espoirs naïfs en une démocratie à l’occidentale. Cette civilisation a toujours été fondée sur un système familial patriarcal, avec le tsar despotique - le père de la nation - au sommet.

(par François Peneaud)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

[1Igor Baranko est né dans l’Ukraine de 1970, donc une vingtaine d’années avant la chute de l’URSS.

[2En Français dans le texte.

[3L’éditeur américain de ses deux premières œuvres.

[4Voir notre article.

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2 Messages :
  • Ca fait plus de deux ans que Igor est retourne vivre en Ukraine. De quand date cette interview ? Aussi, je ne sais pas qui est sur la photo mais ce n’est pas lui ! Ca c’est sur.

    Pour le reste, c’est un TRES grand auteur.

    Répondre à ce message

    • Répondu par François Peneaud le 31 octobre 2005 à  19:47 :

      Vous avez raison, Igor Baranko vit en ce moment en Ukraine. Je croyais qu’il vivait encore aux États-Unis, et lui croyait que je savais qu’il n’y était plus... d’où la confusion.

      Par contre, il m’a confirmé que la photo est bien de lui.

      Répondre à ce message

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