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Section Financière, une série scénarisée par un expert

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 7 janvier 2006                      Lien  
Dans le sillage de {Largo Winch} et d'{IR$}, « Section financière » chez Vents d'Ouest entreprend de renouveler le genre du « western financier » inventé dans les années 1980. Qui mieux qu'un véritable avocat d'affaires pouvait s'y atteler ?

Avec le cycle Money, Cash et Fortune qui démarre en 1980, Paul-Loup Sulitzer avait réussi là où un jeune romancier alors inconnu, un certain Jean Van Hamme, pourtant de trois ans son prédécesseur, avec Largo Winch (1977, sous la forme de romans au Mercure de France), n’avait pas encore trouvé son public. Pivot, avec un sens éprouvé de la vacherie, s’employa à démontrer que Sulitzer passait plus son temps à vendre ses livres qu’à les écrire, l’homme ayant l’habileté d’utiliser comme nègres des écrivains au vrai talent, comme Loup Durand. Le succès est cependant colossal et, avant que Sulitzer soit plus présent à la rubrique « scandale » qu’à la rubrique « livres », on pouvait le créditer d’un certain sens de la « bonne idée », les moyens de l’exploiter ne relevant pas, en ce qui le concernait, de la fiction.

Section Financière, une série scénarisée par un expert
Richard Malka et Georges Wolinski
Richard Malka, notamment avocat de Charlie Hebdo, connaît bien le nouveau président du Festival d’Angoulême. Photo : D. Pasamonik

Western financier

Il faudra attendre la version en images de Largo Winch en 1990 pour qu’enfin le genre du « western financier » atteigne la BD. Réussite remarquable, Largo Winch a depuis dépassé le phénomène Sulitzer dans l’ampleur et dans la durée, suscitant un feuilleton à succès et des millions d’albums de BD vendus, consacrant son auteur deuxième meilleure vente de BD francophone, juste derrière Uderzo. À sa suite, Desberg et Vrancken ont réussi à imposer, dans IR$, un agent du fisc aux prises avec la pègre internationale. Là où le premier arrive, avec un classicisme proprement balzacien, à expliquer les rouages de l’économie grâce à une intrigue ficelée de main de maître, le second propose une enquête de procédure qui relève davantage de l’espionnage que de l’aventure, sans vraiment convaincre au niveau du réalisme, malgré une documentation sans faille.

Hommes de l’art

La différence vient d’une qualité particulière propre à l’auteur. Van Hamme est, comme Sulitzer, un connaisseur du monde des affaires. Ancien cadre de chez Philips, il avait même été un temps PDG des éditions Dupuis, avant de se remettre plus modestement à son clavier. Cela n’est pas nouveau : Balzac, avant lui, avait su tisser l’intrigue romanesque avec l’écheveau du droit, se souvenant de son apprentissage de clerc de notaire. La plupart des romans de Balzac ont comme ressort une question de droit, comme les Largo Winch de Van Hamme ont comme point de départ une réflexion sur l’économie. Chez Richard Malka, le droit est également le vecteur de l’intrigue. Déjà, dans sa première BD, L’Ordre de Cicéron, il ne se contentait pas de raconter une histoire d’avocat spoliant l’un de ses confrères : il menait une réflexion sur le paradoxe juridique qui consiste pour un état, la France de Vichy en l’occurrence, à être amené à pervertir le droit -censé rendre la justice- au nom d’une logique raciale. Et notre cher maître, régulièrement inscrit au Barreau de Paris et par ailleurs défenseur de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, le faisait en empruntant la technique d’Alexandre Dumas cette fois, faisant revenir "quarante ans après", non pas un Jean Valjean grimé en Comte de Monte-Cristo, mais un fils de famille venu demander les comptes au nom de son père. Inutile de dire que nous attendons le tome deux, qui doit paraître en 2006, avec une certaine impatience.

Richard Malka et François-Eric Gendron de "Avocats et Associés"
Quand un véritable avocat rencontre un avocat de fiction. Photo : D. Pasamonik.

Corruption

Dans Section financière, Malka ne fait qu’utiliser des choses qu’il connaît : en juillet 1990, le G7 donne mandat au FMI et à la Banque mondiale d’étudier la demande d’aide internationale formulée par Mikhaïl Gorbatchev. Pour sauver la face d’une superpuissance et l’amener en douceur vers l’économie de marché, le FMI va ouvrir ses vannes financières. Des milliards de dollars seront engloutis et tomberont dans les poches de quelques oligarques bien placés pour profiter de la situation. Telle est la toile de fond. Sur celle-ci, Malka va placer ses personnages dans le cadre de la 2ème division du Parquet de Paris, en particulier de la Brigade Financière. Moins habile que Van Hamme, par manque de savoir-faire, mais aussi parce que, sans doute, il a du mal à se détacher de son sujet pour mieux élaborer l’intrigue, Malka arrive cependant à bâtir un récit plus que prometteur. Quant au dessin d’Andrea Mutti, s’il est moins lumineux que celui de Philippe Francq, il n’en est pas moins intéressant. Il gagnerait cependant à ce que les couleurs utilisent une palette moins sombre.

Saluons néanmoins l’arrivée de cette série qui est susceptible de renouveler un genre qui nous a valu, jusqu’à présent, bien du plaisir.

Section Financière T.1 : Corruption
Editiosn Vents d’Ouest

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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