Le percement d’un petit trou, anodin et sans conséquence, à un endroit précis du crâne ouvrirait l’esprit, selon notre Faust nippon, à des perceptions inédites. Le protocole est payé quelques centaines de milliers de yens. Au bout de ses (dés)illusions, notre jeune SDF accepte.
Passé sur le billard, remplumé du portefeuille, il reste quelques temps sous observation. Et effectivement, une porte semble s’être ouverte : notre ex-SDF commence à voir des choses que le commun des mortels ne perçoit guère, quelque chose comme un « sixième sens ». Peut-être même dispose-t-il, de ce qu’il peut en constater, de certains pouvoirs aussi terribles que mystérieux.
Même si le thème proposé -marché faustien, stigmatisation d’une science sans conscience- n’est pas d’une extrême originalité, les personnages de ce manga en quatre volumes sont suffisamment attachants pour que le lecteur soit mené comme dans un thriller au gré d’événements dont la dimension fantastique va crescendo.
Cette fable inquiétante est bien loin du discours social de son équivalent français Soupe Froide. Il ne s’agit pas ici de sensibiliser le lecteur à une souffrance sociale, bien que le propos sur l’aliénation que provoque la vie moderne apparaisse en filigrane. Il fallait en effet un homme désespéré pour accepter ce marché de dupe. Le trait d’Hidéo Yamamoto balance parfaitement entre la précision clinique nécessaire à ce sujet et un point de vue propice à l’étrangeté. Le climat est morbide à souhait, mais apaisé, un peu comme dans ces cauchemars peuplés de bizarreries mais qui ne laissent pas le dormeur oppressé. À découvrir.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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